En finir avec l’imposture identitaire en Algérie

La couverture de l'ouvrage.
La couverture de l'ouvrage.

"Algérie arabe, en finir avec l’imposture" publié chez Koukou édition contient de bien précieuses contributions sur cette identité interdite, bafouée et manipulée.

Ce livre collectif est protéiforme, il embrasse plusieurs styles d’écriture. Des témoignages assez percutants, comme ceux du poète Ben Mohamed, Arezki Metref, ou alors Yahia Belaskri ; des textes poétiques d’Aït Menguellet, Zeddek Mouloud ; et des analyses d’excellente facture à l’image de celles de Nabil Farès, Abdellatif Chaouite, Salah Guemriche ou Rabah Aït Messaoud. L’objectif de cet ouvrage ? Donner un éclairage nouveau sur l’identité amazigh et "engager la réflexion et le dialogue" sur cette question "vitale".

Dans une contribution qui fourmille d’informations, le poète Ben Mohamed revient sur son expérience et raconte l’implacable mécanique d’arabisation mise en place par le colonel Boumediene et l’aliénation abyssale qu’elle a produite dans les consciences de millions d’Algériens. Le poète se souvient ici de ses premiers pas à la chaîne II kabyle. "Je pénétrais un milieu dont j’avais rêvé et je découvrais progressivement une réalité bien éloignée de ce que j’imaginais en tant qu’auditeur", écrit-il sobrement. L’auteur découvrait «la légitimité "révolutionnaire", religieuse, la censure d’Etat et "cette crainte envahissante et castratrice de la sécurité militaire". Ben Mohamed avoue que le "combat identitaire a été absent de l’antenne de cette radio" ; le seul combat à l’antenne était celui de garder une langue kabyle. Pas seulement, "pour empêcher l’extinction de cette chaîne kabyle, certains producteurs ont continué à assurer gratuitement des émissions". Ben Mohamed raconte la censure du ministère de l’Education nationale qui a fait enlever jusque le mot Amazigh de l’édition rééditée du roman "L’opium et le bâton" de Mouloud Mammeri.

L’immense Ben Mohamed reste marqué par cette "Une" d’Algérie actualité reprise d’un entretien d’Abdellah Rekibi, un des chantres de l’arabisation dans les années 1970 : "Il s’agit d’arabiser les esprits".

Rabah Aït Messaoud, Hend Sadi et Hend Baïri s’interroge dans un passage de leur contribution : "Comment cette fière patrie qu’a été l’Algérie combattante a-t-elle pu se résoudre à épouser le statut de province arabo-islamique au prix d’un reniement double : celui de son identité amazighe millénaire et celui de sa culture plurielle ?"

Partant de quelques textes et déclarations produits après l’indépendance proclamant sans nuances l’appartenance de l’Algérie à la sphère arabo-musulman, les auteurs concluent que "l’imposture identitaire et culturelle était donc assumée dès le départ. Au plus haut niveau des institutions."

Salah Guemriche, quant à lui, constate dans sa contribution que "l’Arabe est un pied-noir qui a réussi". Ajoutant «On a bien voulu, on veut toujours et on a même failli faire de tout ce qui est amazigh un folklore. Mais le Berbère n’a pas perdu sa langue, même si, en chemin, un si long chemin, il perdu momentanément son écriture. En dépit des aléas de tant de siècles d’invasions et d’occupations, le Berbère a réussi à sauver les "meubles" : sa langue, c’est aussi, en quelque sorte, son mobilier et un mobilier incessible, inaliénable". Plus loin, Salah Guemriche relève ce "paradoxe" : "la propension pathologique, chez les gouvernants, à nier l’être amazigh qui les conduit à faire d’un précieux capital d’universalité un handicap national". L’auteur s’insurge : "Culture du mépris ou autisme politique, cette posture mérite d’être dénoncée massivement, non plus par les seuls Berbères mais par l’ensemble des citoyens, toutes régions confondues". Puis de reconnaître, à regret, qu’"hélas, la solidarité du «reste de la nation» a toujours fait dramatiquement défaut aux mouvements berbères".

Le lecteur pourra trouver également dans cet ouvrage des textes de Mohya, d’Assia Djebbar, Nabile Farès et un certain nombre d’autres contributions tout aussi pertinentes sur la question de l’identité berbère. Un livre à lire.

Kassia G.-A.

"Algérie arabe, en finir avec l’imposture", paru chez Koukou éditions. Prix : 600 dinars. Les droits d’auteur seront versés au Café littéraire de Bgayet.

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Commentaires (3) | Réagir ?

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merci

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algerie

merci bien pour les informations

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