Le peuple algérien, le 1er Novembre et Abdelaziz Bouteflika

Dans son dernier message à la nation, Abdelaziz Bouteflika soutient qu'il n'est pas responsable de la crise.
Dans son dernier message à la nation, Abdelaziz Bouteflika soutient qu'il n'est pas responsable de la crise.

Dans son message publié à l'occasion de la commémoration du déclenchement de la Révolution du 1er novembre 1954, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, affirme qu’il n’est pas responsable de la crise que vit actuellement l’Algérie bien qu’il soit au pouvoir depuis quatre mandats.

Ce sont les autres, la malchance et le monde entier qui sont responsables des malheurs du pays et de la brutale détérioration de ses revenus. En fait, c’est n’importe qui sauf le clan au pouvoir selon lui. Sous sa désastreuse, gouverne l’Algérie faite pourtant face à une diminution dramatique de ses revenus. En entraînant son pays dans les bas fonds économiques, Bouteflika oublie le prix payé par le peuple algérien pour vivre libre et indépendant.

Incapable de créer la moindre diversification économique significative, le gouvernement misait tout sur le retour du prix du baril de pétrole à ses niveaux records de 2014. Malheureusement pour lui, selon les dernières données, la production pétrolière des pays membres de l’OPEP continue d’augmenter malgré les engagements de la réduire pris à Alger. Entre septembre et octobre, la production pétrolière de ces pays a augmenté à 33,5 millions de barils par jours, soit une hausse de 0,3 %. Il était pourtant à prévoir que les tensions entre l'Arabie Saoudite et l'Iran ressurgiraient puisqu’ils tentent tous deux de dominer le Moyen-Orient. Ils se font actuellement la guerre par pays interposé au Yémen et en Syrie. Pour supporter cette guerre fratricide, l’Arabie Saoudite a déjà augmenté sa production à 10,7 millions de barils par jour.

Comme il n’a cessé de le dire depuis que les sanctions américaines ont été levées, l’Iran doit aussi augmenter sa production ce qui va naturellement faire tomber un peu plus le prix du baril. Pour contrebalancer le coût pour son économie et possiblement aussi par dépit, l’Arabie saoudite affirme qu’il veut porter sa production à plus de 11 millions de barils par jour. Le résultat de ces actions sera que le baril qui est déjà sous les 45 dollars risque de plonger encore plus bas. Il pourrait donc de se rapprocher du tiers de la valeur de 115 dollars qu’il a eu en 2014.

Comme Abdelaziz Bouteflika a perdu son pari fait lors de la dernière rencontre de l’OPEP, la chute du prix du baril de pétrole entraîne l’Algérie dans la misère. Cette baisse a fait fondre les réserves de changes algériennes qui devaient assurer le bien-être des générations futures. Selon la Banque mondiale, elles doivent tomber sous les 60 milliards de dollars en 2018. Une situation que cette banque considère alarmante, mais qui émeut peu le gouvernement algérien. Comme la loi de finances de 2017 a été faite sur les bases d’un baril de pétrole à 50 dollars, cela entraîne de plus la perte de l'indépendance des décisions économiques du gouvernement. Il a donc commencé à emprunter à l’étranger pour payer l’épicerie et a obtenu le 2 novembre que le conseil d'administration de la Banque africaine de Développement (BAD) lui prête un milliard de dollars pour le Programme d’appui à la compétitivité industrielle et énergétique en Algérie.

Ce n’est pas la conjoncture économique et géopolitique extérieure qui requiert un front intérieur solide, mais l’incapacité du gouvernement algérien d’évoluer dans une économie du XXIe siècle. Le plus important problème que vit actuellement l’Algérie ce n’est pas le trafic d'armes et la drogue, mais les politiques déphasées du gouvernement qui entraînent la détérioration des conditions de vie de larges couches de la population.

Bien que le prix du baril de pétrole s’effondre, le gouvernement ne fait pourtant pas le moindre signe de conciliation avec la société civile pour permettre à toute la société algérienne de travailler ensemble afin de sauver les bases économiques du pays. Le clan Bouteflika se sauve lui-même et laisse le peuple se dépêtrer. Fondamentalement en Algérie, c'est le système politique qui menace la stabilité du pays. C’est les conséquences de la crise financière qu’il a créée qui abîment la paix sociale. Gérant les intérêts claniques, les partis politiques ont des rôles de figuration qui n’inquiète pas le pouvoir. La meilleure preuve en est que, alors que toutes les stratégies qu’utilise le gouvernement échouent à ramener la prospérité en Algérie, les amis du clan Bouteflika manigancent pour le reporter au pouvoir pour un cinquième mandat.

En dépit de ses problèmes de santé, le président algérien Abdelaziz Bouteflika pourrait donc se présenter, à l'âge de 82 ans, à sa propre succession en 2019. Misant sur le rétablissement de la santé du président, ses partisans y voient une raison pour le mettre en piste pour un cinquième mandat. Tous les Algériens ne peuvent que souhaiter la meilleure santé possible au président et qu’il puisse prochainement marcher. Ce n’est cependant pas ce qui est en cause ici. Ce qui a fait crier les démocrates du monde entier n’était pas l’état lamentable de sa santé lors de l’élection pour son quatrième mandat. C’était qu’il ait été élu dans cet état alors que la constitution et le simple gros bon sens militaient contre cette candidature. Cette élection sans même que le président ne fasse un seul discours public a montré que l’Algérie est une démocratie de façade. Elle a montré que les clans au pouvoir peuvent manipuler les élections à loisir sans même se soucier des apparences. Maintenant, alors que les actions de Bouteflika ont entraîné un pays prospère dans les bas fonds de l’économie mondiale il faudrait le réélire pour un cinquième mandat ?

La situation financière que traverse le pays n'est pourtant pas une fatalité. Elle est la conséquence de mauvaises décisions prises par le gouvernement algérien depuis les quatre mandats du président. Il est possible d'en sortir. Le gouvernement doit maintenant penser sérieusement à remettre le pouvoir au peuple avant que le baril de pétrole ne tombe à 30 $ et que tout explose en Algérie. Le gouvernement ne peut faire ce travail seul. Abdelaziz Bouteflika a beau appeler à accélérer et à approfondir les réformes, les actions des derniers mois montrent qu’il n’a aucune alternative à l’économie du pétrole. Les discours «populistes et électoralistes» qu’il dénonce sont seulement ceux qui ne vont pas dans le sens de son évaluation de la situation. Les grèves déclenchées ces derniers jours pour le maintien de la retraite proportionnelle et anticipée sont aussi dues à ses actions. À quoi sert la Constitution révisée au début de l'année si le gouvernement au pouvoir peut la violer à loisir et faire tout de même ce qu’il veut ?

Le passé étant garant du futur, le modèle de croissance adopté par le clan Bouteflika n’a que peu de chance d’arriver à bâtir une économie plus diversifiée. Dans l’état actuel des finances de l’Algérie, un gouvernement d’union nationale est possiblement la meilleure chance d'accélérer et d'approfondir les réformes pour la modernisation de sa gouvernance, la dynamisation de ses investissements et pour accroître l’efficacité de la dépense publique. Pour qu’il soit respecté et admiré dans le monde, le peuple algérien doit se prendre en main et relever l’immense défi que constitue l’emprise néfaste de sa gouvernance actuelle. Une mobilisation nationale pourrait mettre les jalons qui permettraient de partager l'effort qu’imposent les difficultés financières structurelles du pays. Cet effort collectif pourrait rediriger l’économie algérienne dans une direction ou le pétrole ne sera plus qu’une des composantes du PIB du pays.

Avec un gouvernement d'union nationale, les Algériens pourraient avoir les atouts nécessaires pour aller plus loin dans leur développement. Il faut une démocratie authentique pour que l'Algérie évolue dans la voie qu’a tracée la Révolution du 1er Novembre 1954. Ce gouvernement d’union nationale aurait le potentiel de répondre aux besoins de la jeunesse en emplois. Le redressement de la situation économique et financière de l’Algérie est à sa portée si elle s’éloigne des anciens modes de gestion proposés par le gouvernement Bouteflika et s’engage résolument dans le XXIe siècle.

Michel Gourd

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