Le crédit documentaire n'a pas limité la valeur des importations et les surfacturations

Le Crédoc n'a permis ni de lutter contre le niveau élevé des importations ni contre la corruption
Le Crédoc n'a permis ni de lutter contre le niveau élevé des importations ni contre la corruption

Cette contribution sous forme de questions-réponses est parue en 2013 dans le site www.matindz.net. Abderrahmane Mebtoul avait attiré l’attention du gouvernement sur l’urgence de revoir le fonctionnement du crédit documentaire qui vient d’être assouplie. Que de pertes de temps et d’argent où certaines responsables prennent des décisions sans en mesurer les conséquences, procédure du crédit documentaire et la règle des 49/51% généralisée à tous les secteurs, reposant sur une idéologie dépassée et la préservation des intérêts de rente, défendus jusqu’à présent avec acharnement par l’actuel ministre de l’Industrie.

1.- Tout d'abord, pouvez-vous nous expliquer ce que c'est le crédit documentaire ?

Le crédit documentaire, Crédoc, est tout engagement pris par une banque pour le compte d'un tiers (donneur d'ordre) ou pour son propre compte de payer à un bénéficiaire (prestataire de service, vendeur, fournisseur...), un montant déterminé sur présentation, dans un délai fixé, des documents conformes aux termes et conditions fixés dans le contrat. La remise documentaire est une technique de paiement ou d'encaissement par laquelle l'exportateur donne mandat à sa banque de remettre des documents à la banque de l'importateur. Celle-ci les présentera à son client, soit contre paiement comptant, soit contre acceptation d'un paiement à terme sur les titres de paiement convenus. La remise peut être à l'import ou à l'export. Le crédit documentaire est lié au paiement de factures relatives à une importation et peut-être à l'import ou à l'export.

2.- Pourquoi cet instrument n'a-t-il pas donné des résultats positifs ?

Depuis la promulgation de loi de finances complémentaire pour 2009, le bilan est mitigé, allant vers 60 milliards de dollars d'importation de biens fin 2013, si l'on continue sur le même rythme qu'au premier semestre, auxquels il faudra ajouter plus de 12 milliards de dollars de services. Je pense aussi qu'avec la programmation de 500 milliards de dollars de dépenses publiques dont 70% pour les infrastructures, la non-maîtrise de la gestion des projets avec des surcoûts exorbitants, l'augmentation généralisée des salaires et traitements, et faute d'une stratégie de production hors hydrocarbures, de mécanismes de régulation et d'organismes de contrôle favorisant les pratiques occultes de surfacturation, il fallait s'attendre à une explosion des importations.

3.- Pensez-vous qu'il faut revoir ce système de gestion ?

Je pense que la Remdoc (remise documentaire) est moins lourde à mettre en place que le Crédoc.

4.- Quel est le fonctionnement de la Remdoc ?

La Remdoc (remise documentaire) est un moyen de paiement par lequel une banque assure l'encaissement du montant du crédit contre remise des documents selon les instructions stipulées sur l'ordre d'encaissement, à la demande de son client (donneur d'ordre). Pour la Remdoc à l'import, l'importateur est client de la banque et doit régler la facture de l'exportateur qui est à l'étranger, et pour la Remdoc à l'export, vous êtes exportateur et vous chargez la banque d'obtenir le paiement de votre facture. Deux types de documents peuvent être exigés. Il y a les documents financiers, qui sont des lettres de change, billets à ordre, chèques ou autres instruments utilisés pour obtenir le paiement d'une somme d'argent, et les documents commerciaux qui sont des factures, documents de transport, autres titres de propriétés ou documents non financiers.

5.- Quels sont les avantages et les inconvénients du Crédoc et de la Remdoc ?

Pour le Crédoc, le vendeur est payé sans avoir à attendre que la marchandise soit arrivée à destination et l'acheteur est assuré que les marchandises qu'il paie ont été bien expédiées par le vendeur. Quant à l'avantage de la Remdoc pour l'exportateur, il y a garantie des banques (la confiance) qui interviennent dans l'opération. Ainsi, lorsque les sociétés internationales d'assurance donnent une mauvaise note à un pays, cela oblige souvent les banques à régler les transactions en Crédoc. Aussi, le Crédoc peut traduire le risque d'insolvabilité d'un pays. C'est une commission/frais en pourcentage à payer par le donneur d'ordre (l'acheteur en général). Mais les risques de la Remdoc sont le retard dans la livraison, le non-respect de la qualité, quantité, etc. et le risque de non-paiement, de contestation de la valeur des documents et de l'interruption des activités en cas de force majeure. Dans tous les cas, les banques n'assument aucun engagement ni responsabilité dans le cas de non-respect des instructions qu'elles transmettent, la conformité et la valeur des documents et le retard dans le paiement. Ainsi, le Crédoc est un moyen de paiement à l'international entre deux partenaires commerciaux. Certes, le moyen le plus sûr, mais c'est le plus cher par rapport à la Remdoc et au transfert libre qui s'opère auprès d'un organisme bancaire habilité pour ce genre d'opération.

6.- Comment résumez-vous cette expérience ?

Premièrement, le Crédoc, qui donne néanmoins plus de garanties, coûte plus cher que la Remdoc, un coût accru par la lourdeur bureaucratique de la gestion des ports et des banques. Deuxièmement, pour les grandes entreprises, le risque est dans les surstocks avec des surcoûts, et pour les PME-PMI, dans la rupture de la trésorerie, car étant contraintes de mobiliser le montant de la transaction au niveau de la banque qui garantit le paiement pour le fournisseur, la grande majorité ne pouvant mobiliser de grands montants, d'où les risques de rupture de stock pour les entreprises n'ayant pas de fonds de roulement importants. Troisièmement, le Crédoc ne garantit en rien la fin des fraudes. En outre, le crédit documentaire ne répond pas toujours aux préoccupations des clients, du fait de la situation spécifique de l'économie algérienne, mais à celles des fournisseurs étrangers qui se retrouvent avec un risque commercial zéro et qui, souvent, ne font pas confiance aux banques algériennes et demandent une confirmation de cette lettre de crédit par un établissement bancaire étranger. Autre risque induit par le Crédoc, l'extension de la sphère informelle qui contrôle déjà 40% de la masse monétaire en circulation et le risque du passage d'un monopole public à un monopole privé, du fait qu'il élimine les petits producteurs et importateurs qui n'ont pas l'assise financière adéquate pour attendre la venue de la marchandise, donc, par définition, des prix aux consommateurs allant vers la hausse à terme, faute de concurrence.

7.- Ne pensez-vous pas qu'il faille revoir le fonctionnement actuel du système bancaire ?

L'efficacité actuelle du système bancaire algérien reste mitigée, selon les derniers rapports internationaux, le changement de cadres juridiques semble constituer l'un des facteurs entravant les affaires. Les différents rapports internationaux sur le climat des affaires classent l'Algérie à un niveau inférieur. Dans ce contexte, le crédit documentaire est fortement limité dans son efficacité par le fonctionnement du système bancaire algérien. En effet, le système documentaire est une procédure normale lorsqu'existent des banques qui fonctionnent normalement au sein d'une véritable économie de marché concurrentielle et connectée aux réseaux internationaux. Or, l'Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni véritable économie de marché ni économie administrée.

8.- Pensez-vous qu'il est urgent de revoir le système Crédoc ?

Absolument, le bilan du Crédoc de quatre années permet de conclure qu'il n'a permis ni de lutter contre le niveau élevé des importations ni de limiter le fléau de la corruption à travers les surfacturations, le problème étant ailleurs, lié à une nouvelle stratégie de production hors hydrocarbures. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a lui-même reconnu que la bureaucratie étouffante a favorisé l'émergence de "niches de corruption", dont la lutte exige la "transparence dans l'action". En fait, un renouveau de la gouvernance s'adaptant tant aux mutations sociales internes qu'aux mutations mondiales afin de lutter efficacement contre la corruption et l'insécurité juridique.

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