Va-t-on vers un Etat théocratique en Algérie ?

Que peut bien faire un imam dans une structure hospitalière ?
Que peut bien faire un imam dans une structure hospitalière ?

Un accord entre le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et celui des affaires religieuses et des Wakfs, en Algérie, a été signé le 1er juillet 2016, qui porte d'instaurer une culture sanitaire et préventive au sein de la société.

L’accord vient de passer comme une lettre à la poste sans susciter de débats. C’est un accord, qui devrait susciter une vive discussion chez tout républicain convaincu. Il s’agit, bel et bien, d’un des fondements de la république qui vient d’être transgressé, c’est-à-dire, affaiblir la culture citoyenne en renforçant la culture religieuse. Autrement dit, la culture républicaine qui renforce la culture religieuse fragilise la culture citoyenne. Or nous le savons quand la culture citoyenne n’est pas enracinée, les institutions de l’état sont fragilisées, qui sont sources d’instabilités (c’est le cas en Turquie) .

Selon l’agence APS, du 1er juillet, Mohamed Aïssa, ministre des affaires religieuses et des Wakfs, a annoncé le renforcement de cette coopération entre les deux ministères en envoyant des "missions sanitaires" pour accompagner les fidèles à la Omra à partir de la prochaine saison ainsi que le déplacement des imams dans les hôpitaux pour "donner de l'espoir" et aider les malades sur "le plan psychologique". Dans ce contexte M. Aïssa a appelé le ministère de la santé «à fournir» aux imams «les orientations sanitaires" nécessaires pour donner des informations justes et les supports à même de faire réussir les campagnes de sensibilisation menées par les mosquées "au profit du citoyen". Enfin selon la même agence : «les deux ministères ont élaboré un programme annuel pour ces campagnes de sensibilisation menées par les mosquées concernant le don du sang, le don d'organes, la prévention contre les maladies transmissibles et non transmissibles et l'humanisation de la profession».

Cet accord a été précédé par le décret n°13-377 publié dans le Journal Officiel (n°58) du 18/11/2013, portant sur le statut de la mosquée. Ainsi, la mosquée désormais n'est plus uniquement un lieu de culte religieux, mais "elle est (en plus) une institution religieuse et sociale qui assure une mission de service public. Elle a pour objectif de promouvoir les valeurs de la religion musulmane» (Art.2). De plus, ses fonctions se sont élargies «dans la vie spirituelle, éducative, scientifique, culturelle et sociale de la vie de la Oumma" (Art. 4). Pis, l'article 9 qui réglemente la fonction sociale de la mosquée, «qui consiste notamment : au règlement des différends entre les citoyens ; au développement du sens civique, de l'esprit citoyen et de la solidarité sociale», est en contradiction avec la Constitution algérienne.

En fait, à ce rythme, la supériorité de la culture religieuse sur la culture citoyenne est une vraie dérive, qui pourra avoir des conséquences irrémédiable sur le long terme. De même, concernant la culture scientifique. Cependant, rappelant que la science est soumise aux règles épistémologiques rigoureuse, universelle et indépendante de la pensée religieuse. Ces derniers orientations peuvent légitimer la supériorité de la pensée religieuse dans la pensée scientifique, ceci pourrait créer des confusions dans les pratiques professionnelles, il s’agit ici dans les démarches de soin cliniques et thérapeutiques. En outre, les praticiens peuvent se heurter dans leur pratique à des pratiques ou aux pratiques culturelles religieuses, scientifiquement non approuvé. Autrement dit, l’éthique médicale peut se confronter à la morale religieuse, ainsi d’autre pratique vont y apparaître. Le danger est de croire que l’Imam peut faire de la prévention au niveau de soin ou d’accompagner les fidèles psychologiquement, or ces missions sont attribuées aux praticiens, car leur formation les y confère. Super-position de la pensée religieuse sur l’ensemble des pensées me semble une dérive très graves. Les représentants de la république devraient mettre de l’ordre et non pas renforcer le désordre !

Désormais l’imam n’a plus la mission d’assurer sa fonction sur le plan religieux, mais il devient "para-psychologue", "para-soin", etc. Cependant, ont-ils les formations nécessaires pour assurer ces fonctions ? Quelle place peut-on accorder au corps médicaux dans le cadre de la prévention ? Quelle place peut-on accorder aux psychologues pour assurer la psychothérapie ou gérer les détresses psychologiques ? Quelles places peut-on accorder aux éducateurs pour accompagner les citoyens en détresse ? Quelle place peut-on accorder aux assistantes sociales, pour assurer les besoins sociaux des nos concitoyens ?

Notre jeune république de cinquante ans, se cherche encore : entre une culture citoyenne ou une culture religieuse, dorénavant, elle cède une place capitale aux valeurs religieuses au détriment des valeurs citoyennes ! Allons-nous vers un Etat théocratique ?

Yazid Haddar

Neuropsychologue et auteur

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Le Matin d'Algérie

elon l’agence APS, du 1er juillet, Mohamed Aïssa, ministre des affaires religieuses et des Wakfs, a annoncé le renforcement de cette coopération entre les deux ministères en envoyant des "missions sanitaires" pour accompagner les fidèles à la Omra à partir de la prochaine saison ainsi que le déplacement des imams dans les hôpitaux pour "donner de l'espoir" et aider les malades sur "le plan psychologique". Dans ce contexte M

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Yacine Khalfi

Le plus beau, c'est que les décideurs ont éliminé le FIS, pour reprendre intégralement son programme. C'est de la démagogie pure et simple.

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