Assassins de Boudiaf, nous n’avons rien oublié

Assassins de Boudiaf, nous n’avons rien oublié

Au vingt-quatrième anniversaire de la mort de ce géant de l’histoire contemporaine de l’Algérie, il n’est pas superflu de rappeler aux jeunes générations qu’il a été lâchement assassiné un 29 Juin 1992, soit six jours avant le 05 Juillet, date à laquelle il avait annoncé à ses proches amis qu’il allait convoquer bientôt ses compatriotes pour des élections présidentielles démocratiques ouvertes à tous et qu’il en serait un des candidats.

Par Bachir Dahak

Cette décision, prise, selon plusieurs témoins, début Mai 1992, devait être annoncée à la hiérarchie militaire par le biais du Général Larbi Belkheir, grand ordonnateur du chaos et véritable parrain de toute la conspiration qui allait l’emporter deux mois plus tard.

Pris de court par cette initiative qui déréglait tous leurs schémas et brouillait tout leur consensus, les décideurs, tous pôles confondus, opposèrent un véto catégorique au projet des élections présidentielles envisagé par le Président Boudiaf, considéré comme un séisme qu’ils n’avaient pas prévu.

Sermonnés par plusieurs officiers de haut rang, les conseillers de Mohamed Boudiaf ne réussiront pas à le convaincre de différer son annonce ou d’accepter de négocier quoi que ce soit. Tout le monde, en haut lieu, savait, d’expérience, que lorsque cet homme prenait une décision il ne reculait jamais, comme lorsqu’il annonça quelques mois avant l’indépendance qu’il serait dans l’opposition si Ben Bella accédait au pouvoir.

Il fallait donc agir vite et dès la fin Mai 1992 des bruits de projet d’attentat contre lui sont évoqués lors de sa visite à l’ouest du pays.

Sans avoir été élu, cet homme exceptionnel jouissait déjà d’une aura inédite dans le pays pour un chef d’Etat depuis l’indépendance, ses quelques apparitions télévisées avaient déjà dévoilé sa forte prédisposition au commandement, sa ferme volonté de redonner confiance au peuple en affichant très vite une sorte de programme phare : débarrasser le pays de la maffia politico-financière et lui épargner les fausses querelles inventées et entretenues par les apprentis sorciers dans les différentes officines obscures civiles ou militaires.

En l’assassinant, les nouveaux parrains du pays pouvaient alors déblayer leur chemin et mettre en œuvre leurs plans machiavéliques consistant, pour l’essentiel, à terroriser une population par «bourourou» interposé, à éliminer ses forces vives afin de se partager sereinement le gâteau Algérie, redistribuer toutes les cartes , juste le temps nécessaire pour assurer le transfert de la rente publique vers différentes rentes privées, un peu sur le modèle vécu par l’ex-URSS qui accoucha elle aussi , dans la douleur et la répression, de ses nouveaux milliardaires.

C'est par l'assassinat de Boudiaf que la régression du pays allait devenir possible, que la prédation à grande échelle allait se banaliser car sa présence signifiait une forte adhésion populaire (y compris les classes moyennes) à un projet national, républicain et patriote.

En s’attaquant très rapidement (ou trop) à l’épineuse question de la corruption, Boudiaf a ouvert le champ d’un ré-enchantement populaire, d’une remobilisation extraordinaire des cadres du pays, bref d’un retour inespéré à une révolution avortée, ce fameux fleuve détourné de Rachid Mimouni.

SI Boudiaf était vu à cet instant précis par les décideurs comme une solution institutionnelle ou semi-constitutionnelle avec une forte plus-value historique, le vieux politicien madré qu’il était va très vite comprendre qu'il était en fait la solution politique pour l'Algérie, celle que les algériens attendaient désespérément depuis l'indépendance. D'un côté, les décideurs avaient pour objectif de sauver le système ou plus exactement leur système , de l'autre Boudiaf n’a eu d’autre ambition que de sauver l'Algérie en y mettant son cœur et ses tripes, sans calcul politicien , sans autre but que de semer de nouveau l'espoir chez un peuple tout heureux de refaire confiance à un chef qui lui ressemble , qui parle comme lui, qui réagit comme lui .

Même si tous ses conseillers lui disaient de redoubler de prudence , de patienter le temps de créer un grand parti populaire, de faire le tour du pays , Boudiaf sentait en réalité que c'était le peuple qui était impatient , un peuple qui souhaitait son triomphe parce qu'en son nom il allait enfin prendre une sacrée revanche sur les hommes du 19 Mars, ceux de la vingt-cinquième heure, les nombreux Hadj Bettou (annonciateurs précoces des Tliba, Haddad et Saidani), les militaires tapis durablement dans les coulisses de la corruption des marchés de Sonatrach, de l’OAIC ou de l'armée.

Quand des fonctionnaires honnêtes de la Présidence sont venus lui recommander de changer rapidement toute la garde présidentielle, il n'a pas pris cette menace au sérieux car il était déjà comme sur un nuage, convaincu que son peuple le protègerait à la manière d’une maman qui protège un enfant qu’elle pensait avoir définitivement perdu.

Il n’imaginait pas un seul instant qu’une coalition de pourris (militaires et civils) pouvait monter contre lui un stratagème aussi élaboré et en même temps à ciel ouvert car il fallait faire vite, prendre tous les risques pour éviter que ce brave homme ne vienne contrecarrer les sinistres projets qu'ils échafaudaient pour le pays.

La disparition de Boudiaf allait rendre possible le maintien ou la promotion des médiocres et des nains, des vendus, des corrompus qui attendaient depuis longtemps dans leur trou que l’Algérie devienne enfin un immense tiroir-caisse pour eux et leur progéniture.

Mais le grand échec du pays c'est que l'armée, dans sa composante populaire, pas celle des généraux factieux, ne lui a pas servi de rempart contre les ennemis internes. Le grand échec vient d’une armée qui avait déjà abdiqué son pouvoir aux plus compromis des militaires de haut rang qui ont vu en Boudiaf une sorte de Robespierre qui allait redoubler de férocité en voulant régler tous les comptes non soldés d’une indépendance tronquée qui a vu disparaitre les lions du combat anti-colonial et proliférer la race des planqués, des intrigants et des seconds couteaux, soit autant de poussières d'humanité ou d'accidents malheureux de notre jeune histoire.

L’histoire se répète souvent et il y a fort à parier que notre peuple enfantera bientôt d’autres Boudiaf qui sauront parler et agir comme lui.

Bachir D.

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Commentaires (7) | Réagir ?

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elvez Elbaz

Nacer boudiaf, aprés avoir été, également récupéré par médienne, smainlamari (elharachi), durant son installation au consulat à berlin, a compris que l honneur est de ne pas tomber dans le piege de la récupération.

Il a compris et cherche, désormais, la vérité sur les "assassins"de son pére.

Cette dignité retrouvée est tout à son honneur. Quant à ces "criminels" qui ont lâchement exécuté son pére, TÖT OU TARD ILS SERONT démasques!

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haroun hamel

Avec M Boudiaf un grand espoir s'est évanoui! Seul Matoub lui aussi assassiné lui a rendu un grand hommage avec sa chanson "hymne à Boudiaf" que vous trouverez ici sous titré en Français https://www. youtube. com/watch?v=shLQb-pKKno.

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allilou aghroum

Je vous demande de nous dire quand et pourquoi Monsieur Boudiaf a dissout son parti politique le PRS ?

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