"Raconte-moi un livre interdit"

"Raconte-moi un livre interdit"

Un chimiste d’El Hadjar amateur de littérature l’avait expliqué ainsi : « Les phrases sont dangereuses parce qu’elles sont composées de mots à la base et que certains d’entre eux provoquent des explosions quand ils sont mis ensemble. » Le Sila (Salon du livre d’Alger) s’est ouvert hier et a déjà fait des victimes : une interdiction, celle du livre de Mohamed Benchicou, un limogeage, celui d’un autre écrivain, Amine Zaoui, directeur de la Bibliothèque nationale, et une déception, celle de Yasmina Khadra, encore un écrivain, qui serait sur le point de quitter la direction du Centre culturel algérien à Paris.

En 2008 donc, soit six siècles après l’invention de l’imprimerie et un an avant l’élection présidentielle, le régime a encore peur des mots. Il préfère les chiffres comme 3e mandat, 100 milliards de dollars de réserves de change ou 1 million de logements. Il n’y a qu’à regarder l’ENTV couper régulièrement le son lors de ses couvertures visuelles d’activités nationales pour comprendre que le régime, sourd, muet et aveugle de naissance, n’aime pas le bruit constitué et les mots qu’il ne contrôle pas.

Qu’est-ce qu’une « phrase assassine » ? Des lettres, signes graphiques représentant des sons, dont la combinaison donne des mots et dont l’agencement fait des phrases. Exemple : « … et Khalida Toumi esprit de la culture, qui a bien besoin d’une femme d’ouverture comme elle », peut donner avec les mêmes mots : « … comme la Khalida Toumi, une femme qui, elle, a bien besoin de culture et d’ouverture d’esprit. »

La chimie est une science neutre de la même façon qu’en arabe « iqra’ » donne « ’arqi » en mettant les lettres à l’envers, le premier faisant référence à la médecine, le second à son contraire, la charlatanerie. Quand le Salon du livre fermera ses portes, il faudra penser à suspendre le livre de la Constitution. De toute façon, personne ne la lit.

Par Chawki Amari -EL WATAN

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