"Le malheur d’être une femme" !

Les résistantes algériennes ont été obligées dès 1962 à rejoindre les foyers.
Les résistantes algériennes ont été obligées dès 1962 à rejoindre les foyers.

"La révolution la plus profonde qu’un pays puisse connaitre est celle de l’émancipation de la femme." Ainsi parlait Indira Ghandi dont le pays l’Inde était, dans les années 60, le continent de la famine.

En 1967, des centaines de milliers d’enfants et de vieillards moururent dans l’Etat du Bihar. (1) Le président Johnson avait usé du chantage : le blé américain si l’Inde se ralliait à sa politique au Vietnam. La fille de son père ne pouvait cautionner la violence. Elle ordonna à l’agronome responsable de la recherche agricole indienne, Swaminathan de constituer en 5 ans, un stock de céréales de 10 millions de tonnes ; la quantité exacte qu’elle avait quémandé aux Américains. Une génération plus tard, le stock de céréales de l’Inde s’élevait à 50 millions autant que celui de l’Europe. C’est ainsi que Swaminathan est devenu au grand bonheur de toute l’Asie des moussons, le "père de la révolution verte". Son programme l’IR. 36 a révolutionné non seulement les agricultures indiennes, mais aussi pakistanaise, indonésienne philippine et toute la récolte mondiale du riz. Indira a affronté l’ogre mondial en redoutable femelle pour sauver ses "petits". Ce qui ne l’a pas empêché d‘être assassinée par un déséquilibré, destin classique des leaders non conformes.

L’Algérie qui a enterré sans honte une Kahina ne peut enfanter une Indira. Elle partage fièrement sa misogynie avec les dépostes qui contrôlent le 1,5 milliard de musulmans. Bien sûr l’Algérie n’est pas l’Afghanistan, ni le Soudan n’est l’Iran, mais il suffit de presque rien, par exemple le caprice d’un émir saoudien pour parfaire le clonage. "L’homme, diminué dans la vie publique, prend sa revanche dans sa vie intime, le gynécée", a écrit l’anthropologue et historien Mahfoudh Bennoune en 1999. (2) Cet ancien moudjahid, docteur d’Etat aux USA, proche de Mohamed Boudiaf, est l’unique voix qui a su dénoncer le sort réservé aux descendantes de la reine des Aurès.

Elevé par une sœur aînée morte à la suite des sévices de la part de la belle-famille une année à peine après son mariage. Le frère cadet a voué sa vie à défendre l’indéfendable. Combien de femmes en Algérie ont lu son livre, Les Algériennes, victimes de la société néopatriarcale ? On dit que les souffrances noient ou ramènent au rivage. Parfois, il faut se féliciter ou se méfier du traumatisme d’un garçon intelligent qui n’oublie rien. C’est parce que l’URSS a refusé à sa famille le retour au pays natal, la Pologne, que l’enfant Zbigniew Brzezinski ( Zbig)(3) a juré de se venger sur la Russie qui est devenu le "trou noir" à ses yeux. Zbig lui offrit sa guerre du Vietnam délocalisée en Afghanistan en fabriquant Al Qaïda qui a émancipé les femmes à sa façon. La plus grande anomalie des humains c’est de croire au conte du Sauveur et de la Sorcière.

Dans Sapiens (4), Yuval décrit comment se fabrique le cercle vicieux : 1- Un événement historique aléatoire. 2- La domination. 3- Les Lois discriminatoires. 4- La pauvreté et le manque d’éducation. 5- Les préjugés culturels. Puis on remonte du 5 vers le 4 ou vers le 3. Le résultat de ce patriarcal millénaire sans concessions s’étale à nos yeux sans fard. Sous la base d’un chromosome Y dont les savants sont incapables de nous expliquer son impact sur la matière grise, une moitié des humains se retrouve sous la domination de l’autre. L’homme qui commande à la femme surveille aussi le fils pour éviter tout complot du duo. Mais la nature est maligne. «Nul ne commande à la nature s’il n’obéit pas à ses lois», précisait Francis Bacon au 16eme siècle. A l’origine, l’égalité : l’enfant hérite 50 % de l’ADN du père et 50 % de celui de la mère. Le moitié-moitié, l’idéal dans une famille naturelle. Le 0 % est en danger dans le sens où il ne vaut rien. Il est un danger pour le 100 % quand son poids mort commence à peser. Dans le Code de la Famille, le vrai problème de la femme ne réside pas dans la polygamie, la répudiation et l’inégalité dans l’héritage, mais c’est dans ce que les lois du codage ne disent pas. De plus en plus d’Algériennes, quel que soit leur niveau, sont plus effrayés par le divorce que par la polygamie, préfèrent le zéro héritage à la demi-part. Il n’y a ni amour ni haine, ni folie ni sagesse, ni bien ni mal, simplement un monde. Celui qui sépare le bureau aux murs aveugles où la loi se rédige et la jungle voulue pour son application. Dans un corps malade, n’importe quel microbe peut être fatal et tout est animal. Pour les rebelles, l’Etat fait coup double avec la SDF et la prostituée. Pourquoi dépenser de l’argent à construire des foyers des abris pour des idiotes qui n’ont eu que ce qu’elles méritaient. Avis aux autres. Dans cette logique, pour ne pas encourager le divorce on refuse une pension à la répudiée et pour ne pas encourager le viol on la refuse à la victime des terroristes quitte à jeter plus tard de la poudre aux yeux çà et là. C’est pour cela sans doute qu’on ne construit pas des hôpitaux dignes de ce nom pour ne pas encourager le cancer le sida et le diabète. Encore moins de vraies universités qui pourraient déstabiliser le pays avec un QI trop élevé et bonjour la Syrie. Un clandestin un indic un terroriste une pute une mendiante et un zombie ont l’avantage de ne rien désirer que le laisser-faire et laisser-tranquille. Pour les autres, les vilains petits-jaloux, ils n’ont pas le choix. En privant brimant et culpabilisant la femme, elle ne peut offrir que cet échantillon de sa progéniture. Une bête aux abois passant son temps à se protéger au lieu d’éduquer. La société finit ainsi par ressembler au comateux qui ne respire plus qu’à l’aide de la machine et du tuyau. Rien d’étonnant quand on entend dans une TV privée et officielle que les maladies mentales progressent de façon inquiétante chez les Algériennes. Tellement inquiétante que la psychiatre hésite à donner des exemples avant de céder devant l’insistance de la présentatrice. Une malade enlève son œil avant de le manger ; l’autre tue sa nièce de 4 ans en la jetant de l’étage ; sans oublier la professeur de français au lycée qui perd la raison parce que son mari a pris une seconde épouse…Quand le malheur frappe la femme, l’homme n’est pas à l’abri. Le migrant type de nos jours est un homme fuyant les pays où la moitié de la population est dans la sous-espèce. Il suffit de rentrer dans n’importe quel lieu étatique réservé au public pour se convaincre que le malchanceux uni à une sous-femme est un sous-homme. Par exemple, le tribunal là où le sort se joue. Où curieusement, le juge est souvent une femme jeune dont le boulot se limite à appliquer la loi avec interdiction de juger ce qui est juste ou injuste. Il faut une femme plus près de la «salope» que de la mère pour faire face à la colère des hommes qui sortiront de là plus misogynes qu’avant. Elle encaisse, en robot bien programmé, la rage, les sanglots, le traumatisme des accusés dont la vie est souvent foutue en quelques mots toujours les mêmes. Des hommes qui n’ont rien volé n’ont assassiné personne n’ont insulté aucune personnalité n’ont violé aucune femme n’ont jamais comploté contre la sécurité de l’Etat…leur seul crime c’est d’avoir par maladresse, ignorance violé des lois incompréhensibles écrites par des hommes qu’ils n’ont pas élus. «Ici, tu es un zéro, tout ce que tu peux dire c’est zéro, ton seul salut c’est profil bas et pardon à madame la juge», conseille un avocat expérimenté à tous ses clients. Implacable justice algérienne, à tous les coups, elle tue plus efficacement qu’une guillotine. Même pas besoin d’interdire la peine de mort puisque tout est inspiré d’un Benbella Boumediene Chadli et Bouteflika qui même malade peut compter sur des Sellal, des Khelil, des Saadani, des Ghoul et vaste est la Galerie des Horreurs. Même utilisée, l’humiliation est assurée pour madame la juge avec une voix à peine perceptible et sous surveillance d’un énergumène à la fonction indéfinissable comme au bon vieux temps de l’UNFA. On se souvient de l’image pitoyable donnée par des moudjahidades détrônées de leur poste de sénatrices. On comprend pourquoi les députées, plus jeunes et plus débrouillardes, de passage en France, n’ont pu répondre aux questions banales d’un journaliste sans le feu vert du «mâle dominant» qui les escortait. Il reste le mystère Louisa Hanoune entrée à la Régence par la grande porte en envoyant balader le serment des sœurs : le féminisme. Elle n’est pas la seule à trahir, mais la seule qui ait réussi le miracle d’être considérée par un Ali Belhaj comme «le seul véritable homme politique algérien.» En bonne avocate, elle a commencé par défendre les islamistes avant de soutenir la politique bouteflikienne pour finir par le flou ajouté au flou de la santé présidentielle. Comparée aux favoris mâles, elle parait plus sympathique. Le malheur d’être une femme n’est-il pas là justement dans cette contradiction et cette vulnérabilité ? Simone de Beauvoir a beau dénoncer le Second Sexe, elle était un second sexe face à Sartre, si on en croit le livre d’Irène Frain, «Beauvoir in love». On reproche au féminisme d’avoir été manipulé et financé par Rockefeller dont le bras droit était un certain Zbig. Mais quel mouvement dans l’histoire n’a pas été plus ou moins manipulé ? Ce qui ajoute au malheur d’être une femme, c’est que l’initiateur de la psychologie des foules Gustave le Bon affirme : «On ne saurait nier, sans doute, qu’il existe des femmes très distinguées très supérieures à la moyenne des hommes, mais ce sont là des cas aussi exceptionnels que la naissance d’une monstruosité quelconque.» Malheureusement pour lui dans la foule, on peut trouver des hommes très distingués très supérieurs qui finissent en petits soldats à force d’être manipulés. Logiquement le manipulateur doit bien manquer de distinction et supériorité pour en arriver là à moins qu’il ne soit un surhomme, une divinité. Et le malheur d’être femme n’implique pas le bonheur d’être homme, sinon on s’en apercevrait dans le monde arabo musulman.

"En Islam, la femme est l’hôtesse, c'est-à-dire passagère, risquant à tout moment la répudiation unilatérale, elle ne peut prétendre à un lieu de permanence. Ainsi dans une religion qui commence avec une émigration quasiment sacralisée, la femme devient une émigrante constante, sans point d’arrivée et pour cela créature méritant à la fois le meilleur et le pire. Le meilleur symboliquement et le pire historiquement." Ainsi parlait Assia Djebar, nulle part dans la maison de son père, morte en exil. "Le malheur d’être une femme" The wrongs of woman, roman fortement autobiographique écrit par la britannique Mary Wollstonecraft en 1797, publié à titre posthume considéré premier essai politique révolutionnaire sur les droits de la femme. Issue de la noblesse, l’héroïne est jetée dans un asile par son mari après qu’il l’ait dépouillé de sa fortune et de son enfant. Elle dénonce le patriarcat qui exploite et empêche les femmes d’aimer, de désirer, de vivre à leur guise. Comme Assia, Mary parle de prison et affirme que la mère, la citoyenne et la femme sexuée sont inconciliables avec le système patriarcal prôné par la religion et la Banque.

Malgré les progrès d’une civilisation dite non discriminatoire et sans-frontière, les malheurs se sont féminisés : la pauvreté, la précarité, l’injustice, la violence, la traite... D’après le rapport 2012 Femmes ( violences) de l’ONU : 1 femme sur 3 est victime de violence physique et sexuelle dans le monde ; 1 décès sur 2 est dû à la violence contre 1 sur 20 pour les hommes ; 2,6 milliards de femmes vivent dans des pays où le viol n’est pas un crime ; 98 % des 4,5 millions exploités sexuellement sont des filles parmi les 21 millions d’enfants condamnés au travail forcé ; 133 millions de femmes vivant dans 29 pays d’Afrique et Moyen-Orient ont subi des mutilations ; 700 millions de femmes forcées au mariage avant 18 ans dont les ¾ moins de 15 ans. Les plus pauvres ont 2,5 fois plus de risques... Des chiffres officiels, mais la réalité est bien plus terrifiante quand on sait que les victimes ont peur de dénoncer leur bourreau. Surtout dans les pays où être femme est plus qu’un malheur. Le viol existe en Angleterre et en Algérie, mais là où on est face à un mal à combattre, de l’autre, on a la boîte de Pandore à vider. Dans le «Malheur d’être femme», on peut lire : «Parce qu’elles ne peuvent pas trouver de travail respectable et bien payé, elles doivent dépendre des hommes. Des femmes…réduites à travailler durement, voler, mendier ou se prostituer pour survivre : elles sont avilies par ces activités et se considèrent mal à cause d’elles…» (Wikipedia) Consciente d’être privée de ses droits naturels par la société, Mary Wollstonecraft tente le suicide puis se résigne et s’invente un mode de vie. La critique ne l’épargne pas, on considère son œuvre un appel à la prostitution et à l’adultère. Elle a osé dire que l’interdiction de l’adultère est un des plus flagrants torts faits aux femmes. Mary se battait dans un pays transformé en Empire par une femme : Elisabeth 1ère.

Quatre siècles plus tard, l’Algérienne n’ose même pas se poser cette question : que faire en dehors de faire des enfants ? Plus le pays est nataliste plus il est sexiste plus il est pour l’interdiction à tout va tous sexes confondus plus il est belliqueux et misérable plus il est volontaire à sacrifier sa populace, le maillon faible en premier. On revient au cercle vicieux de Yuval. Il est temps de se demander si la malédiction du monde arabo musulman n’est pas due au malheur d’être une femme. De se demander s’il n’est pas construit exclusivement sur la répression du sexe faible. Même un "printemps" quand il devient arabe, au lieu de fleurir comme ailleurs, vire illico de l’antichambre à la chambre de l’enfer. En Algérie, le salut de la foule ne viendra pas du Palais. Le pont n’est pas coupé, il n’a jamais été construit. On est loin de ce petit pays perdu d’Islande où autant de femmes que d’hommes sont sortis en riant avec des casseroles pour défier le système mondial. On peut essayer de méditer sur leur étonnante victoire. "Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être que par des insoumis." (André Gide) Si on considère que la femme est un être humain, sa soumission ne s’explique que par la peur. Si on veut qu’elle participe au sauvetage, c’est simple…

Mimi Massiva

Renvois

  1. Les vrais penseurs de notre temps (Guy Sorman)

  2. Les Algériennes (Mahfoud Bennoune)

  3. The Grand Chessboard (Le grand échiquier) (Zbigniew Brzezinski)

  4. Sapiens, une brève histoire de l’humanité (Yuval Noah Harari)

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