Bac 2016 : que dois-je répondre à mon fils ?

La fraude et la triche ont gagné des pans entiers de la jeunesse sans que le gouvernement ne soit capable de donner un contrexemple.
La fraude et la triche ont gagné des pans entiers de la jeunesse sans que le gouvernement ne soit capable de donner un contrexemple.

Aujourd’hui, mon fils démoralisé par la fuite des sujets qui a entaché le déroulement des épreuves du Baccalauréat , rentre de son examen de physique, m’informe qu’il n’a pas choisi le sujet qu’il a vu sur facebook le matin avant de se diriger vers le centre d’examen, mais il a préféré traiter le deuxième sujet qu’il n’a pas vu.

En un moment, les mots m’ont échappé et je n’ai pas trouvé quoi dire ? Je ne comprenais pas comment un adolescent qui refait son Bac afin d’améliorer sa moyenne pour pouvoir choisir une filière à l’université qui correspondrait le mieux à ses désirs et ses attentes, a laissé passer une occasion pareille pour réaliser son rêve ? Un rêve pour lequel il a fait beaucoup de sacrifices. Le doute et la confusion se sont installés dans mes pensées. Qu’aurais-je dû lui dire ? Tu avais tort mon fils ! Comment tu as laissé échapper cette occasion ? Tout le monde va en profiter. Les moyennes de sélection dans les différents instituts seront revues à la hausse et tu ne pourras pas choisir la filière que tu as tant désirée ? En un moment j’ai perdu toute la logique et tous mes repères se sont volatilisés. Tu aurais dû mon fils faire comme tout le monde. Regarde autour de toi, du sommet vers le bas, y a-t-il quelqu’un qui ne triche pas ? Même parmi ceux qui sont sensés te préparer pour ce grand jour, il y a des tricheurs qui, pour avoir des promotions, copient pendant les concours ! Tu avais tort mon fils, il aurait fallu faire comme tout ce beau monde. Il n’y a pas de place ici pour les gens comme toi mon fils. As-tu vu quelqu’un ici mériter son poste de responsabilité ?

La compétence est-elle un critère de sélection ? Y a-t-il un contrat signé au nom du peuple où il n’y a pas eu des malversations, des pots de vin, dont l’odeur nauséabonde a traversé les frontières ? Montre-moi un chantier ouvert avec l’argent du peuple où il n’y a pas de charognards qui se sont servis sans scrupule et nous ont sucé le sang ? La malfaçon et la corruption y sont devenues une monnaie courante. Normal comme disent nos jeunes mon fils, tout est normal. Oui, en un moment j’ai été perdu et j’ai oublié tout ce que je lui avais enseigné. Toutes ses valeurs que je lui avais transmises avec un acharnement, hérité de mes parents. J’aurais ainsi agi en père soucieux de l’avenir de ses enfants qu’il veut voir réussir. Mais c’est quoi la réussite au juste dans ce pays ? Les valeurs sont inversées, l’honnêteté ne paie plus. La tricherie et la fraude se sont démocratisées et sont devenues le seul langage qu’on maitrise et qu’on comprend. Tout le monde triche et chacun le fait à son niveau et à sa manière. Que valent alors ces valeurs pour lesquelles je me suis tant battu ? Dois-je les remettre en question ? Devons-nous les remettre en question ?

Beaucoup de questions et de préoccupations ont effleuré mes pensées et ne sont, heureusement, pas sorties de ma bouche. Mon enfant ne les a pas entendues. Sinon cela aurait pu détruire tout ce que j’ai construit. Finalement, j’ai retrouvé la raison qui m’a apaisé et m’a permis de retrouver ces quelques phrases pour réconforter mon enfant : «Tu as raison mon fils, tricher ne fera pas de toi un bon médecin. Cela ne te permettra pas de retrouver cette paix, que tout le monde recherche et que peu de gens retrouve. Je suis fier de toi mon enfant et entièrement convaincu, qu’un jour, ces valeurs triompheront grâce aux personnes comme toi qui résisteront contre vents et marrées et sauront provoquer le changement. Il a beau tarder à venir ce changement mon fils, il viendra, ne t’inquiète pas. Les lois de la nature l’imposeront. Personne ne peut aller contre ses lois mon fils. Le jour se lèvera et ces nuages se dissiperont. Sois sans crainte et continue ta route. Elle est, tu ne le vois pas, toute tracée.

Lotfi Zaïdi

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Commentaires (3) | Réagir ?

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urfane

Mr ZAIDI, votre mise au point est pertinente et émouvante. Elle s'adresse à l'humain qui fonde notre existence et notre civilisation. Elle l'interpelle sur les valeurs (un terme qui a déserté le pays depuis 1962) qui ne sont pas cotées a la bourse d'Alger ni à la future mosquée mais bien dans les esprits (comme le vôtre) qui nous structurent et font de nous des citoyens intègres. Je relève que votre contribution n'invoque aucun allusion religieuse et, j'ai envie de dire, quel bonheur, de l'oxygène pur, de réfléchir par soi-même et sans référence à lahghaleb vesus hamdoulah. merci

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Dhrifa N'targa

Marions-les !

Ma fille, que j’ai grondée, cause qu’elle n’ a même pas été foutue d’être sûre d’avoir donné les bons corrigés, vient de me rabattre le caquet : Quand on n'est pas foutue de faire un bon copié-collé pour envoyer des ragots au MatinDz et corriger ses photes, on donne pas de leçon à sa fille !

Ya3ni ontar-nous, ontarnous kane, sans vous offenser, vous auriez dû écouter la chanson de Ait-Menguelet (A mmi, version kabichou-machiavélisée de « tissirra un gnome mon fils ») : pour apprendre à parler à votre fils.

Et vous qu’est-ce que vous faites ? " Il a beau tarder à venir ce changement mon fils, il viendra, ne t’inquiète pas. Les lois de la nature l’imposeront".

Yakhi c’est la nature qui a fait que ce sont les loups qui mangent les agneaux et non l’inverse, non ?

Thoura, si vous n’êtes pas pressé, peut -être qu’un jour les agneaux se feront pousser des dents plus longues que celles des loups et un cerveau plus adapté, et les rôles seront inversés. En attendant, la nature est du coté des loups.

Je crois que c’est une fille comme la mienne qu’il faudrait à votre fils, Monsieur Zaïdi.

Moi, ma fille est rentrée toute guillerette de son examen du Bac !

" Maman, maman", me déclara-t-elle, toute essoufflée en rentrant de son examen, et elle ajouta : « cette fois les fraudeurs n’ont pas triché, ils nous ont donné le vrais sujets du bac et les bons corrigés. » Et, après un moment de réflexion, et de doute, elle ajouta : « enfin si je ne me suis pas trompée de corrigé… ». Car l’année dernière elle n’a même pas été foutue de donner les corrigés correspondants aux matières traitées. Elle avait rendu le corrigé de math en géographie, de physique en histoire, et…

Ce matin, en apprenant que les sujets concernés par la fraude vont être repassés, j’ai été stupéfaite d’indignation.

J’ai immédiatement téléphoné à Ouyaya !

- Hmimed ? Que je lui hurle au Téléphone ! C’est quoi ce cafouillage : refaire les sujets entachés de fraude ? Hein ? Les quels ? De quelle année ?

Nigham a Hdjila, qu’il me dit avec son accent Kabyle, de Vu3edhnane, qui lui revient à chaque fois qu’il est émotionné. Nigham khem d. niya waqila.

- Niya twamim ya lghidha, que je lui rétorque, toute retournée par le choquage.

- Nigham, ce n’est pas les sujets des vraies fraudes qu’on va refaire, ow !

- Hein, amek ?

- Tikrwa kamim pas, que c’est ces enfants de ploucs qui vont organiser des fuites des vraies fraudes ?

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