Réunion de Doha : la cohésion ratée de l’OPEP

L'Opep a montré ses limites et ses profondes divergences dans la gestion de la crise pétrolière.
L'Opep a montré ses limites et ses profondes divergences dans la gestion de la crise pétrolière.

Si l’Organisation des Pays Exportateurs du Pétrole a fait pour la troisième fois appel en renfort les autres producteurs qui ne font pas partie de ce cartel pour tenter d’éponger le surplus de l’offre pétrolière sur le marché estimé à prés de 3 millions de baril par jour, c’est qu’elle reconnait sa limite d’influer sur la fluctuation du prix du baril et surtout l’impossibilité d’assurer une discipline interne de ses membres.

Par Rabah Reghis

Le marché ayant compris le désarroi de l’OPEP, il est devenu insensible à toute décision qu’elle prendra. La preuve, la récente brouille entre l’Arabie Saoudite et l’Iran qui sont arrivés presque aux mains, n’a même pas fait bouger le marché. Le 17 avril prochain les principaux acteurs qui approvisionnent le monde en énergie vont se réunir dans la capitale du Qatar dans un contexte économique extrêmement tendu aussi bien du côté des producteurs que celui des consommateurs. De nombreux investisseurs occidentaux sont en phase d’un début de cessation du remboursement de leurs dettes qui risque d’entrainer avec eux les banques et, partant, toute l’économie mondiale. De l’autre côté, les pays de la région, avec à leur tête le royaume wahhabite, ne sont pas épargnés non plus. Pourquoi cette fois-ci les membres du Conseil Economique des pays du Golfe insistent-ils autant ?

Un professeur de science politique de l'Université de Virginie, James D Savage a déclaré chiffre à l’appui à l’agence de presse iranienne Tasnim que l’Arabie Saoudite sera asséchée plutôt que prévu. Pour lui, le royaume exécute ces dernières années son budget avec des déficits qui atteignent parfois jusqu’à 30% du PIB. Il a ajouté que le FMI estime qu’à ce rythme, les Saoudiens dépenseront leurs réserves de trésorerie dans cinq ans et rentrerons ensuite en profondeur dans le cycle de l’endettement. Le mois dernier, l'Agence de notation Standard & Poors a déclassé l’Arabie saoudite face à la chute des prix du brut qui continuent de frapper les finances du Royaume, lequel royaume continue sa stratégie baissière de toute évidence suicidaire non seulement pour lui mais aussi l’ensemble des pays producteurs dont le développement économique en dépend. Riyad est confrontée à un énorme déficit qui a fini a 87 milliards en 2015 et pourrait dépasser la centaine en 2016. La crise des prix de pétrole brut a eu un impact énorme sur l'économie qui compte sur la vente de pétrole pour près de 80 % des revenus du pays. Les réserves de devises étrangères de l'Arabie saoudite sont tombées à 640 milliards l'année dernière contre 737 milliards en 2014. Le secteur de la construction du pays a été durement frappé par des réductions de dépenses que le gouvernement ne cesse d’opérer en accélérant la cadence depuis le début de l’année 2015. Les travailleurs de la construction justement se plaignent de ne pas être payés pendant des mois. Dans le but d'équilibrer le budget, le gouvernement de l'Arabie saoudite ne s’est pas contenté de réduire les dépenses mais aussi vendu des obligations et fait usage de ses réserves de devises étrangères pour compenser l'effet négatif sur l'économie du à la chute de prix du pétrole. Il prévoit également sa première vente d'obligations internationales.

Le Fonds monétaireinternational a recommandé des augmentations des impôts et une réduction drastique des subventions, notamment pour les carburants et l’électricité. Comme les prix du pétrole brut ont chuté de plus de 70 % en 18 mois, si aucune mesure sera prise d’ici mi 2016 au niveau de l’organisation des pays producteurs du pétrole OPEP et non OPEP, le royaume sera contraint de contracter des dettes .Il devra cependant se fier de ne compter que sur les revenus du pétrole qui représente maintenant prés de 80% selon le département Moyen Orient du FMI. L’institution internationale se méfie des niveaux du déficit budgétaire officiel mais l’estime aux alentours de 140 milliards de dollars. Pour changer cela, Riyad devra agir sur les subventions à l'électricité, eau et huile pour la population de 30 millions.

La situation actuelle du marché du pétrole rappelle aux analystes sa surabondance de 1986, lorsque les Saoudiens ont été la cause d’un effondrement des prix du baril en l’espace de quatre mois de 31,72 $ le baril à près de 10,41$ le baril. Lors du choc pétrolier de 1986, 17 des 25 producteurs mondiaux de pétrole principaux n’ont pu faire face au remboursement de leur dette qui a augmenté de près de 40%. Mais aujourd'hui, la situation pourrait être beaucoup plus difficile pour l'Arabie saoudite, qui a vu sa population tripler depuis les années 1980. Une population plus importante signifie plus de subventions et de gros déficits budgétaires dans les années à venir. L'Azerbaïdjan en est un exemple sur une plus petite échelle de ce qui pourrait être l'avenir de l'Arabie saoudite. De même fortement dépendant de la production pétrolière, le pays ne supporte plus sa dette à cause de la baisse drastique du prix du baril. Il lui faut près de $ 4 milliards par le FMI pour maintenir son économie en équilibre et tout de suite. C’est déjà un futur client du FMI.

1.- La réunion au Qatar du 17 avril, intéressera l’ensemble des pays du Golfe

La question énergétique par exemple est particulièrement emblématique, car la région est un carrefour planétaire en la matière. Cette situation ne l'empêche pourtant pas de faire face à des pénuries d'électricité. La consommation domestique a en effet explosé durant la dernière décennie. Entre 2000 et 2015, les demandes de gaz naturel et de pétrole ont augmenté de 29 % et de 41 % au Koweït pour ne prendre que ce pays. Cet emballement est lié à la croissance rapide du pouvoir d'achat qui a été permis par les subventions colossales dans ce secteur – de 1,2 % du produit intérieur brut (PIB) au Qatar à 7 % en Arabie saoudite. Ainsi, les pays du Golfe sont devenus les plus grands consommateurs d'énergie au monde par habitant, sans même être industrialisés. Un Qatari, un Emirati ou un Koweïti consomment en moyenne deux fois plus qu'un Européen tandis que l'Arabie saoudite a les mêmes besoins énergétiques que l'Allemagne, 4e puissance industrielle mondiale et deux fois et demie plus peuplée. Si la tendance se poursuit, le royaume consommera en 2028 l'équivalent de 8,3 millions de barils de pétrole par jour, soit plus qu'il n'en exportera en 2016. Pour répondre à pareille expansion de la demande interne, les pays du Golfe seraient contraints de produire 80 %d'énergie en plus d'ici à 2016 par rapport au niveau de 2013, objectif qu'ils sont très loin d'être en phase d'accomplir. La situation de l'emploi est tout aussi préoccupante. Premier indicateur en berne, la productivité des travailleurs nationaux a continuellement décliné depuis 1970, alors même que la richesse n'a fait que croître dans la région grâce aux exportations de pétrole et de gaz. Dans le même temps, le secteur des hydrocarbures n'a créé qu'un nombre marginal d'emplois. Les taux de croissance deux à trois fois supérieurs à la moyenne internationale n'ont pas empêché une augmentation constante du chômage.

A l'exception du Qatar, il frappe aujourd'hui entre 10 % et 20 % de la population active de la région. Contraintes d'embaucher en masse dans la fonction publique pour compenser le manque d'opportunités, ces monarchies font aujourd'hui face à un phénomène de saturation bureaucratique. Ces créations de poste pouvaient se justifier dans les années 1980 alors que la région était trois fois moins peuplée. Cette situation est aujourd'hui intenable : l'Etat emploie 90 % des nationaux au Qatar ou au Koweït, plus des trois quarts en Arabie saoudite. Bahreïn s'est même doté d'un appareil technocratique pour traiter les dossiers urgents à la place du gouvernement, véritable mastodonte paralysé par le poids d'une administration surdéveloppée. En outre, activer cette soupape ne suffira plus pour combler le manque de travail car, dans les vingt prochaines années, pas moins de 4 millions d'emplois devront être créés dans la région, selon la Banque mondiale.

2.- L’Arabie Saoudite a entamé une stratégie de diversification

Dans le cadre de sa stratégie de diversification l’Arabie saoudite est sur le point d'élargir les services du pèlerinage pour réduire sa dépendance de la chute des revenus pétroliers, peut on lire dans journal Saudi – Gazette. L'industrie du pèlerinage est la deuxième plus importante du pays après le pétrole et le gaz. Presque 2 millions de pèlerins étrangers visitent la ville sainte de la Mecque chaque année pendant le Hajj. Ce chiffre devrait atteindre 2,7 millions en 2020. Membre du Comité national du tourisme Abdul Ghani Al-Ansari a souligné cette gazette la nécessité de restructurer le secteur pour en faire un facteur majeur de l'économie nationale. Selon les analystes, les pèlerinages religieux tels que le hadj et l'Omra ont un potentiel de croissance important et la possibilité de créer plus d'emplois pour les jeunes saoudiens. Le secteur touristique contribue $ 22,6 milliards (85 milliards de riyals saoudiens) en contribuant amplement PIB de ce pays. Avec ces deux événements, le royaume peut espérer dés 2016 prés de 30 milliards de dollars.

3.- Cette stratégie ne peut réussir sans un modus vivendi avec l’Iran (1)

L'Arabie Saoudite vit le Pèlerinage annuel comme une mise en scène et comme un défi. Ce que le Royaume met en jeu, chaque année, en déployant à cette occasion tous ses efforts et en mobilisant tous ses moyens humains, matériels et financiers, ce n'est pas uniquement sa sécurité mais la légitimité de la prétention du Serviteur des Deux Lieux Saints à être reconnu comme tel par le monde musulman dans son ensemble et à exercer, par le biais de ce service devenu privilège, une sorte de suprématie de fait sur la Oumma el islamia. Pour l'Iran, en revanche, le Hajj apparaît chaque année comme l'occasion dont il convient de profiter pour tenter de modifier cette situation, à son avis indue. Au nom d'une vision différente de l'islam, les religieux au pouvoir à Téhéran s'efforcent alors de démontrer, en paroles et en actes, devant les membres de la Oumma réunis à La Mecque, ce qu'ils dénoncent en tout temps : l'inanité et l'imposture de la revendication saoudite. Parce que cette rivalité s'inscrit sur un fond de concurrence et d'opposition ancienne, enracinée dans l'histoire mais toujours d'actualité, entre Perses et Arabes, entre Chiites et Sunnites ; parce que son enjeu, la reconnaissance d'un rôle particulier au sein d'une communauté qui regroupe aujourd'hui plus d'un milliard et demi d'êtres humains, est considérable ; parce qu'elle concerne des pays et une région d'importance stratégique pour l'économie des Grandes Puissances, et donc pour la stabilité et la paix du monde ; pour toutes ces raisons, on peut penser que le Pèlerinage est destiné à demeurer, aussi longtemps que les deux régimes seront en place, ce qu'il est depuis 1979 : la scène sur laquelle s'offrent en spectacle deux conceptions opposées de l'Islam et l'occasion d'affrontements, parfois feutrés mais parfois aussi violents, entre deux ambitions politico-religieuses également hégémoniques. Si le scénario de ce spectacle est connu dans ses grandes lignes, il conserve toujours une part d'incertitude. D'une année sur l'autre, et jusque pendant le Hajj, nul ne peut en effet préjuger de la disposition des religieux iraniens, dirigeants politiques comme responsables du Pèlerinage, à respecter ce scénario, éviter les improvisations et se cantonner au rôle qu'ont défini pour eux les metteurs en scène saoudiens. Ceux-ci ne sont pas fermés a priori à toute idée de concession. Mais ils se refusent, et ils se refuseront toujours, à faire preuve de compréhension dès lors que paraissent en danger ce qu'ils considèrent comme faisant partie des intérêts supérieurs du Royaume : son image de modèle d'État islamique, son leadership sur le monde musulman et le rôle du Souverain vis-à-vis des Lieux Saints. Comme le passé récent l'a montré, lorsque ces limites sont atteintes, la pièce peut à tout moment dérapé et l'improvisation se changer en tragédie. Dans leur inquiétude chaque année renouvelée, les responsables saoudiens ont cependant un motif de satisfaction de taille : en dépit de leurs efforts, les Chiites iraniens se sont toujours montrés jusqu'à présent incapables d'entraîner derrière eux, lors de leurs manifestations, la foule des pèlerins. Ils aimeraient toutefois être sûrs que le discours universaliste et tiers-mondiste iranien a définitivement atteint aujourd'hui les limites de sa capacité de mobilisation. S’agissant d’une divergence beaucoup plus religieuse vielle de prés de 14 siècles, elle parait selon toute vraisemblance impossible de trouver une solution et donc cette diversification n’est pas pour demain...

R. R.

Rabah Reghis est consultant et Economiste Pétrolier

Renvoi :

(1) Voir détail dans la communication clairvoyante d’Ignace LEVERRIER dans CEMOTI c’est sa conclusion d’ailleurs

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Commentaires (3) | Réagir ?

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mhand said

a une certaine époque, les juifs étaient, le peuple élu de dieu. mais, avec leur égocentrisme, leur cupidité et leur infidélité, même envers dieu, ils ont creuse leur propre tombe, et provoques leur decheance : dieu les a délaissé et maudit. plus tard, de notre temps, dieu a porte sa préférence, sur une autre communauté : celle des bédouins d Arabie. il (dieu) leur donna, le pétrole, la notoriété (avec l islam), mais, les ingrats, ils ne l ont pas béni, et se sont montres, arrogants, hautains, et n ont aucune pitié, même avec leurs frère de sang ou de religion. ils sont même arrives a recréer l esclavage au 21 eme siècle. sachant que notre dieu gère bien son monde et qu il (youmahile et non, youhmile), alors devinez ce qu il leur réserve a ces abuseurs de ses bontés et largesses : ils seront les derniers mendiant sur terre, et souffriront plus que n ont souffert les juifs. amin amin amin.

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Bachir Ariouat

Ils n'ont jamais réussi à se mettre d'accord pour garder les brebis, alors vous imaginez parler des milliards de pétrodollars.

IBN KHALDOUN avait raison les arabes n'ont comme culture que le vol, le crime, la destruction, et c'est un arabe qui dit ça.

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