Manuel Valls tente un "nouveau départ" pour la loi Travail

Manuel Valls maneouvre pour sauver la loi El Khomri.
Manuel Valls maneouvre pour sauver la loi El Khomri.

Manuel Valls a présenté lundi une réécriture du projet de réforme du Code du travail qui éloigne la perspective d'un front syndical uni tout en s'efforçant de ménager le patronat, après 15 jours de consultations ponctuées de manifestations.

La CGT et Force ouvrière ont réitéré leur exigence d'un retrait de ce projet de loi, contesté jusqu'au sein du Parti socialiste au pouvoir et par des organisations de jeunesse, et maintenu leurs appels à la mobilisation, notamment le 31 mars, après les manifestations de jeunes jeudi prochain. Mais les syndicats réformistes, que le gouvernement devait absolument amadouer, ont bien accueilli le nouveau texte.

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé que le texte révisé dévoilé par le Premier ministre était "potentiellement porteur de progrès" pour les jeunes et les salariés et a estimé avoir fait "avancer" les choses. CFTC, CFE-CGC, Unsa et le syndicat étudiant Fage ont estimé que les modifications proposées allaient dans le bon sens, tout en se disant, comme la CFDT, vigilants sur le texte qui sera présenté le 24 mars en conseil des ministres après un nouveau passage par le Conseil d'Etat.

Manuel Valls a estimé que c'était un "nouveau départ" pour ce texte, qui entend assouplir le marché du travail tout en sécurisant la situation des salariés. "Cette loi c'est faire la preuve que la France peut se transformer sans se fracturer, qu'il peut y avoir de l'audace sans rupture et que notre pays est capable d'avancer", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.

Interrogé sur l'éventuelle utilisation de la procédure de l'article 49-3 de la Constitution permettant d'adopter un projet de loi sans vote à l'Assemblée nationale, il s'est dit convaincu de pouvoir convaincre la majorité, ce que le président du groupe PS à l'Assemblée, Bruno Le Roux, croit aussi.

Sur France 2 lundi soir Manuel Valls a reconnu les "ratés" du début, et s'est posé en homme de "compromis" là où il déclarait il y a quelques semaines qu'il irait "jusqu'au bout". "Il y a eu des ratés, je les assume", a-t-il dit. "Plutôt que de s'entêter il fallait prendre 15 jours supplémentaires, écouter tout le monde, entendre, intégrer les propositions qui s'imposent pour pouvoir réformer."

Intervenant de son côté sur TF1, la ministre du Travail Myriam El Khomri a abondé dans son sens, jugeant qu'il "était légitime (...) d'amender le texte pour avancer". "Pour moi, trouver un point d'équilibre ce n'est pas un recul", a-t-elle précisé.

La voie était étroite entre les exigences d'un patronat divisé mais dont la principale organisation, le Medef, avait salué dans le texte initial une rupture salutaire, les syndicats inquiets d'une précarisation des salariés, et des organisations de jeunesse dont l'exécutif redoute la mobilisation.

Les organisations patronales ont déploré les modifications proposées par le gouvernement et pressé l'exécutif et les parlementaires de ne pas dénaturer davantage le texte. "Nous allons continuer le combat", a déclaré le président du Medef Pierre Gattaz. "Cette loi, il ne faut pas la dénaturer plus", a-t-il ajouté, jugeant que "s'il y a encore des reculades sur ce texte, c'est la fin des haricots." "C'est une vraie réforme à l'envers que nous sommes en train de vivre", a pour sa part estimé le président de la CGPME, François Asselin.

Manuel Valls a maintenu un barème pour les indemnités prud'homales pour licenciements abusifs, une des dispositions qui ont cristallisé le plus de mécontentements, mais celui-ci sera indicatif et plus impératif, comme le voulait le patronat.

Renforcement du CPA

Laurent Berger a salué cette modification dont il avait fait une condition sine qua non au soutien de la CFDT. En matière de licenciements économiques, le gouvernement maintient l'évaluation des motifs au niveau national mais prévoit des garde-fous pour éviter les abus : "Les grands groupes ne pourront pas provoquer artificiellement des difficultés économiques sur leur site français pour justifier un licenciement sans être sanctionnés", a souligné Manuel Valls.

Le projet de loi maintiendra la place centrale donnée à la négociation collective mais renforcera le rôle régulateur des branches, ce qui était une revendication à la fois de syndicats, de la CGPME et de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

A défaut d'accord d'entreprise ou de branche, il n'y aura aucun changement pour les salariés et les règles actuelles seront appliquées, a promis Manuel Valls. Le texte ne changera pas les dispositions applicables aujourd'hui en matière d’astreintes, de durée du travail des apprentis ou de durée hebdomadaire maximale de travail.

Le gouvernement a également fait des gestes en direction des jeunes, en renforçant le compte personnel d'activité (CPA), censé regrouper les droits des actifs pendant leur carrière. Tout jeune de moins de 26 ans en situation de précarité pourra demander la "garantie jeunes", qui octroie un accompagnement personnalisé et une aide financière et sera généralisée en 2017. Chaque salarié sans diplôme bénéficiera en outre d'un capital formation porté à 400 heures au lieu de 150.

Reuters

Plus d'articles de : Algérie-France

Commentaires (2) | Réagir ?