Le retour annoncé de Chakib Khelil (II)

Chakib Khelil s'est permis de participer à la commémoration du 1er novembre à l'ambassade d'Algérie au USA.
Chakib Khelil s'est permis de participer à la commémoration du 1er novembre à l'ambassade d'Algérie au USA.

Intrigués par cette continuité au niveau de la déliquescence du secteur de l’éducation, plusieurs journalistes, adeptes de la théorie des complots, ont décelé d’autres similitudes très inquiétantes entre les politiques des régimes de Chadli et de Bouteflika comme si elles obéissaient à une même feuille de route.

Tout y est : l’importation massive de main-d’œuvre étrangère comme moyen de lutter contre le chômage, le démantèlement de Sonatrach visant à la programmation de l’assèchement de la rente nationale des hydrocarbures, le recours à l’économie informelle synonyme de destruction de l’outil national de production, l’absence de politique agricole illustrée par l’importation d’oranges et d’huile d’olive, l’immobilisme face au gaspillage, la corruption au sommet de l’Etat qui gère la contrebande à grande échelle, etc.

Chadli Bendjedid a invoqué le slogan "pour une vie meilleure" pour booster les importations et endetter le pays. Mais l’histoire retiendra surtout que le clan de Chadli s’est attaqué en même temps à la Mère et à l’Enfant. Il s’est attelé à institutionnaliser l'infériorisation d'une moitié de la société avec son code de l’infamie tout en renforçant le chantier d’abrutissement de l’école, un moyen d’imposer la charia avant la remise du pouvoir aux salafistes.

La suite, nous la connaissons tous. Le pétrole chute en 1986 à moins de 10 dollars/b et la révolte s’installe dans nos rues deux ans plus tard parce que l’Algérie, très endettée et affamée par le FMI, était incapable d’importer du blé.

Avec le recul, on comprend que tout avait été fait pour créer une crise financière majeure dans le but de transformer l’Algérie en califat. Ce premier plan de déstabilisation, financé par l’Arabie saoudite et la CIA, notamment pour les volets formation paramilitaire et endoctrinement salafiste des jeunes terroristes en Afghanistan, a échoué grâce à la mobilisation de la société civile et à nos patriotes, souvent des anciens maquisards qui ont repris les armes pour sauver le pays de la barbarie.

C’est angoissant de savoir que l’Algérie est ciblée par l’Empire et ses alliés qui ont réussi à détruire plusieurs pays, dont deux à nos frontières. On savait que cette nébuleuse, avec ses ramifications au sommet de l’Etat algérien, n’allait pas renoncer à l’Algérie à cause de son potentiel gazier. Hélas, le plan n°2 de destruction qui a démarré avec l’assassinat de Boudiaf (certains avancent que le plan n°1 a été initié avec l’empoisonnement de Boumediène) est beaucoup plus pervers et plus dangereux car les instigateurs du «chaos constructif» ont tiré les leçons de leurs erreurs. A partir du moment où le voleur marocain Bouteflika a été imposé comme Président sans aucune opposition, on savait que l’Algérien, trop fatigué et humilié, s’est résigné à accepter son sort funeste en devenant spectateur. Notre journaliste et lanceur d’alerte, Kamel Daoud, avait écrit : «… /…Nous sommes fatigués. Et de la fatigue des peuples naitra toujours la colère qui vous emportera et vous rendra l’humiliation par dix. Vous n’êtes pas le premier à rêver de l’immortalité sur le dos d’un pays et vous le payerez comme les autres qui vous ont précédé. Vous achèterez aujourd’hui les gens, les chômeurs, les patrons, les passants mais cela ne peut pas durer toujours. Vous le payerez vivant et après la mort.»

On ne sait pas ce qui se passera après sa mort, mais force est de constater que, de son vivant, Bouteflika a tout mis en œuvre pour programmer la destruction de la nation algérienne comme s’il voulait faire payer chèrement au peuple algérien le rejet de la loi sur les hydrocarbures(rejet partiel puisque l’Agence Alnaft est maintenue avec toutes les conséquences catastrophiques)et ce, avec l’aval de ses parrains également frustrés.

Durant la période post-2005, Chakib Khelil ainsi que d’autres ministres vont retirer leur masque et saboter leur secteur sans ménagement. Chakib Khelil congédie les responsables intègres de Sonatrach. Il nomme à leur place des cadres très dociles et peu enclins à défendre les intérêts nationaux. Il va jusqu’à faire appel à son neveu, Réda Hemche, petit délinquant fiché par la police française pour vol de voitures, qu’il nomme comme Chef de cabinet à Sonatrach. Dans les faits, ce jeune truand est le véritable donneur d’ordres de Sonatrach et la preuve que la voyoucratie avait pris en main l’avenir de l’Algérie faisant fi des consignes d’habilitation des organes de sécurité. Très vite, la Sonatrach se retrouve entre les mains d’une association de malfaiteurs dirigée par le truand Hemche qui relaie les instructions verbales de Chakib Khelil.

C’est durant cette période que sont conclues des affaires de grande corruption dont les préjudices pour l’Algérie se chiffrent en dizaines de milliards de dollars.

Les scandales éclatent les uns après les autres. Ils compromettent des ministres proches de Bouteflika qui restent intouchables malgré les montants astronomiques détournés et la preuve que cet argent a servi à acquérir des biens immobiliers en Europe. Tous les activités économiques sont concernées : les services, l’importation d’équipements, le foncier, les subventions, la privatisation des biens de l’Etat, la rente gazière etc.

La manne financière n’a pas incité Bouteflika à promouvoir un développement économique durable et à créer des emplois. Il va, sans scrupules, avec l’aval de ses parrains algériens et étrangers, vendre en gré à gré des entreprises nationales pour des bouchées de pain, en ayant recours à des procédures tout à fait illégales. L’acheteur étranger est en général une «connaissance» qui accepte de verser des compensations en ayant recours à des montages financiers complexes. Il a amélioré le modèle initié par le régime de Chadli. Souvenez-vous, le secteur de la sidérurgie a été bradé à Mittal pour 30 millions de dollars sans aucune retombée positive pour le pays en dehors d’un licenciement massif.

Le clan de Bouteflika a offert la majorité de la flotte maritime algérienne à un homme d'affaires saoudien sulfureux Gaith, surnommé le Pharaon de la vallée des rois, qui est aussi un important actionnaire de la cimenterie de Béni-Saf mis en cause dans l’affaire de la Bank BCCI. Les usines d’engrais d’Asmidal, filiale de Sonatrach, sont cédées en gré à gré à l’espagnole Fertiberia dans des conditions scandaleuses. On citera aussi les accords honteux conclus avec les sociétés Bahwan, Orascom (lire Fertial : interrogations sur les ventes à l’international via Fertiberia). À lui seul, le holding égyptien Orascom a accaparé la plupart des marchés étrangers en Algérie. Les filiales respectives de ces groupes (Sorfert, Fertial, et AOA) sont devenues de véritables usines de siphonnage de rente de gaz naturel.

Durant cette période, la corruption atteint des proportions inquiétantes qui poussent les langues à se délier. Les protestations des sociétés de la Triade, frustrées par la perte irrégulière de marchés en Algérie, se font entendre. En 2009, les parties concernées trouvent un consensus autour de deux ajustements importants qui vont sceller la reconduction de Bouteflika pour un 3e mandat de cohabitation :

- Le premier ajustement est inscrit dans la loi de finances 2009 et porte sur ce qu’on appelle le verrou 51/49. Il met un frein à la générosité de Bouteflika vis-à-vis de ses amis étrangers. C’est durant cette période que le journal Liberté soulève timidement, dans un article, la question du prix de vente du gaz très bas accordé aux unités pétrochimiques contrôlées par des partenaires privés étrangers. Ce journal rapporte que l'Arabie Saoudite limite la participation du capital privé à 30% pour éviter les transferts de rente gazière pour ce type d’investissement. Le 70/30 est loin du verrou 51/49 ! Mais même si certains projets sont abandonnés (méthanol et aluminium), le mal était déjà fait. Bouteflika et ses parrains ont accordé des avantages qui se chiffrent par milliards de dollars à ses amis, parmi lesquels on comptera notamment l’Egyptien Sawiris, l’espagnol Villar Mir et l’Omanais Bahwan. A ce stade, on ne peut plus qualifier de grande corruption des actes de haute trahison.

- Le deuxième ajustement, c’est, bien sûr, le limogeage de Chakib Khelil du gouvernement. Contrairement aux autres ministres, Chakib Khelil est l’Arme Fatale de la feuille de route confiée à Bouteflika. Sa mission est de préparer la crise énergétique qui va déclencher une crise financière en Algérie et l’explosion sociale. Ceux qui ont coopté Bouteflika ont fini par comprendre que Chakib Khelil est un agent américain intouchable. Il fallait l’éloigner sans compromettre l’avenir politique de Bouteflika. Le DRS sélectionne soigneusement certains dossiers mineurs qu’il communique à la justice. A juste titre, Malti (lettre ouverte à messieurs les enquêteurs du drs) considère que «les affaires... mises à jour concernent des marchés d’importance secondaire». C’est ce qu’on va appeler l’affaire Sonatrach 1. Il n’est pas question d’ouvrir la boite de Pandore pour faire tomber Bouteflika et le Cabinet noir qui le soutient.

Chakib Khelil est écarté officiellement en 2010. Mais une première alerte ébranle sérieusement le régime en 2013, lorsque les juges anti-mafia de Milan lancent un mandat d'arrêt international contre Farid Bedjaoui et cherchent à entendre Chakib Khelil. Ces deux suspects menacent alors simultanément dans les journaux de divulguer les noms des destinataires des rétro-commissions en cas d’arrestation. C’est la panique (comparable à celle des révélations de l’affaire Pétrole contre nourriture), les parrains étrangers se mobilisent pour protéger le régime algérien. Tous les juges impliqués (italiens, suisses, français, américains, canadiens et algériens) décident qu’il faut prendre tout le temps nécessaire pour étudier ce dossier sensible. Même la Grande Bretagne exprime toute sa compassion et accepte, fin 2013, de mettre les secrets de Khalifa à l’abri, à Alger. N’ayez aucune crainte, la Triade vous protège. Bouteflika n’est pas un ingrat. Il dépêche son Grand Vizir dans tous ces pays amis et se montre très généreux, à la hauteur de sa réputation. Il se permet le luxe de prêter cinq milliards de dollars au FMI et sauve des emplois en Italie et en France.

En avril 2014, le cabinet noir n’hésite pas à renouveler son soutien à Bouteflika malgré son état de santé alarmant. Il est clair que certains membres très influents du cabinet prennent au sérieux les menaces de TPI et pensent que Bouteflika les protégera des sanctions de l’Empire et de ses alliés.

Mais est-ce que Chakib Khelil, l’ami fidèle de Bouteflika, a été réellement limogé ?

Le citoyen algérien, incrédule, a en tête tous les évènements de la série consacrée à notre Texan diffusée entre 2010 et 2015. Son exfiltration en 2010 en compagnie de ses hommes de main, l’annulation du mandat d’arrêt international délivré par le procureur général Belkacem Zeghmati, les graves révélations de l’ex-ministre de la Justice Mohamed Charfi concernant les menaces d'Amar Saadani, la mise au placard en 2015 des enquêteurs, juges et procureurs qui ont osé porter des accusations contre l’ami du Président.

On constate aujourd’hui que l’immunité de l’ex-ministre dépasse les frontières algériennes car les justices italiennes et américaines ne l’ont pas inquiété, confirmant son statut d’agent fédéral de l’Empire en mission en Algérie (réf. Les Confessions de Perkins). A ce sujet, le patron du FLN a déclaré : «Où est le juge qui a condamné Chakib Khelil ? Où est son dossier ?». Il nous nargue et nous met au défi de trouver un juge (algérien, italien ou américain) en mesure d’inquiéter Chakib Khelil.

Qu’est-ce qui nous choque le plus avec Amar Saadani ? Est-ce le fait que ce chef du parti du Front de Libération National blanchit l’argent volé en achetant de l’immobilier de luxe dans des pays étrangers et se fait délivrer par l’administration française une carte de résidence VIP ou est-ce l’absence de réactions des dirigeants de ce parti ? Combien sont-ils dans cette mafia, des milliers ?

C’est donc sans surprise, qu’on apprend une triste et humiliante nouvelle dans le dernier épisode de ce feuilleton de Chakib Khelil : sur instruction de Bouteflika, le texan est l’invité d’honneur à la réception organisée par l’ambassade d’Algérie à Washington, à l’occasion des festivités du 1er novembre 2015.

Non, il ne s’agit pas d’une nième provocation ou d’une campagne de réhabilitation politique. C’est tout simplement un message de soutien du Président à la veille du procès Sonatrach pour rassurer tous ceux qui ont travaillé pour Chakib Khelil. C’est aussi un avertissement à l’attention de l’opposition pour authentifier que Chakib Khelil et ses hommes de main (les vrais, ceux qui détiennent des secrets compromettants) sont intouchables, confirmant l’alliance entre Bouteflika, le cabinet noir et l’Empire.

En résumé, une enquête sur quelques dossiers mineurs a amené la justice à qualifier le Comité exécutif de Sonatrach d’association de malfaiteurs. Aujourd’hui, une justice aux ordres a rendu un verdict scandaleux. Malgré les faits avérés de biens mal-acquis de centaines de millions d’euros, les proches de Chakib Khelil ne feront pas de prison. Certains auteurs de détournements avérés ont même été acquittés et pourraient demander à Sonatrach réparation pour le préjudice causé et le paiement d’arriérés de salaires. Par contre, les journalistes n’ont rien dit pour ceux qui ont passé plus de cinq en prison sans avoir rien volé, ceux qui n’ont pas su se taire malgré l’avertissement de Saadani et celui plus explicite en provenance de Washington. C’est la sanction pour avoir osé mouiller Chakib Khelil durant les plaidoiries ! La prochaine étape est simple à deviner, Chakib Khelil sera de retour en Algérie dès que la justice italienne l’aura disculpé.

L’argent du trésor algérien détourné par cet ex-ministre et ses acolytes pour le compte de la mafia ne sera pas récupéré. Comme pour le dossier Khalifa, on ne saura pas où est passé l’argent volé. Mais on peut vérifier sur le web qu’il a été partiellement blanchi aux Etats-Unis avec l’achat de plusieurs propriétés immobilières. On ne perd pas espoir car les crimes de corruption sont imprescriptibles.

La corruption est restée florissante, encouragée par les procès-spectacles qui se sont succédé depuis l’arrivée au pouvoir de Bouteflika. En 2010, nombreux sont ceux qui pensaient que la grande corruption allait disparaître avec le limogeage du ministre dévoyé de l’énergie. En fait, la chaise du corrupteur n’est jamais restée vide. Saipem n’a fait que succéder à Haliburton/BRC. Petrofac, une société Off-Shore, introduite à Sonatrach par Chakib Khelil, a été invitée à prendre la relève de Saipem et à signer plusieurs contrats douteux avec Sonatrach. L’un des actionnaires principaux de cette société est un homme d’affaires syrien, Ayman Asfari, connu pour être très proche d’Omar Habour. Ce dernier qui est inculpé par le parquet de Milan a la même adresse que Chakib Khelil à Washington (copropriété à Washington).

Par conséquent, même après 2010, Chakib Khelil n’a jamais été très loin des décisions prises à Alger. Il continue de superviser des opérations de grande corruption à travers les managers indétrônables qu’il a nommé à Sonatrach, Sonelgaz et dans les agences. Tous ses fidèles exécutants ont été promus pour services rendus. Pour faciliter la main mise sur Sonatrach, c’est un jeune directeur qui n’a jamais assumé la responsabilité de cadre dirigeant qui a été nommé PDG (voir lettre ouverte) par Bouteflika. Il sera sous la coupe d’un autre fidèle de Chakib Khelil, le fossoyeur de la formation à l’IAP, qui a été promu membre du bureau exécutif du FLN et Ministre de l’énergie (réf. bilan du secteur des hydrocarbures). Même après le départ de Chakib Khelil, la recette du pouvoir reste inchangée : "Les derniers scandales ont montré que les cadres dirigeants n’ont aucune culture managériale, ils obéissent les yeux fermés mais la bouche ouverte" réf. R. Reghis Le Matin.dz. (A suivre)

Sid Kaci

Lire aussi :

- Le retour annoncé de Chakib Khelil (I)

- Le retour annoncé de Chakib Khelil (III)

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Commentaires (3) | Réagir ?

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mhand said

malheureusement, ces charognards ont réussi leur coup. depuis les premières années 90 de jas que les voleurs en col blancs, les magouilleurs les corrupteurs et corrompus en tous genres, étaient plus nombreux que les honnêtes et intègres. je me souvenais, en ces temps la, des responsables, et mêmes de simples cadres me le disaient : " s ils ne profitent pas de s enrichir maintenant (pendant qu ils ont l opportunité), ce sera trop tard " voila, comment ces gens raisonnent.

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Ahmed Umeri

Vous savez, tant que Bouteflika sera au pouvoir, ou l'un de ses proches, aucun membre du clan ne sera inquiété. Chakib Kellil étant un maillon de la chaine, s'il saute, c'est tout le clan qui le rejoint. Le secret est bien gardé, ceux qui étaient en charge du dossier ont été dégommé. Cette histoire, ressemble un peu a celle contenue dans une chanson de Idir " Un aigle, perché en haut d'un arbre, avait, en dessous, une perdrix, alors voulant la dévorer, il demande a ses fils "comment allons nous faire? l'ainé lui dit, mangeons la et jetons ses plumes dans la forêt, le père lui dit" les chasseurs les découvriront et nous serons accusés. Le 2éme lui dit"jetons ses plumes a la mer, le père lui répond" les pécheurs les découvriront et nous serons accusés. Enfin le plus jeune, lui dit" écoute pére, dévorons la, et commençons par ses plumes, comme ça, il n'y aura aucune trace. Le père félicite son petit, en lui disant, maintenant si je meurs, j'ai laissé un fils intelligent. Khalifa, Sonatrach, l'autoroute et d'autres affaires, ne sortirons jamais, le clan est très puissant, soutenu par les puissants de ce monde, qui ont de gros intérêts en jeu dans notre pays, hélas.

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