La réforme de la constitution est une bouffonnerie

Bouteflika a imposé sa constitution.
Bouteflika a imposé sa constitution.

La réforme constitutionnelle a un sens lorsque le texte à modifier a été construit avec des valeurs partagées, un projet politique dont le souffle est celui d'une écrasante majorité et que les hommes et femmes qui la proposent et la rédigent sont imprégnés du sens du droit et de la démocratie. Nous en sommes loin, la réforme actuelle fait perdre du temps à l'Algérie et l'éloigne de la vraie solution.

Le corpus constitutionnel n'est rien en soi et représente seulement une armature technique qui découle du plus important, c'est à dire des valeurs et d'un consensus préalablement définis. Or, la constitution algérienne, comme le code de la famille, sont irréformables car ils recèlent, dans chaque ligne, la marque des valeurs de l’imperium et de la bouffonnerie juridique.

Les hommes qui ont construit leur carrière en adhérant à un pouvoir absolu, à la rédaction du statut d'esclave pour la femme et à une autorité militaire omnipotente ne sont pas habilités à proposer une constitution. Aucun parlementaire dont les actes et la pensée sont encadrés par la doctrine religieuse, l’appât du gain, la peur ainsi que la débilité intellectuelle, ne peut légitimer par son vote une quelconque constitution ou sa réforme.

Nous savons que tout ce qui est dans le texte est, soit inappliqué, soit inacceptable. Et nous savons que tout ce qui est dans la réalité quotidienne des institutions n'est pas dans le texte.

Ne perdons pas de temps avec...

Ne perdons donc pas de temps avec l'énumération des grands principes fondamentaux de l'homme. Ils sont aussi vraisemblables dans la constitution algérienne que si un Idi Amine Dada ou un Bokassa se dotaient d'un manuel de bonne éducation. Ne perdons pas plus de temps avec les parlementaires nommés par le président, un cas aussi original que si le juge était désigné par l'accusé.

Évitons de nous asphyxier de rire avec le passage concernant l'indépendance de la justice et ses prérogatives ni avec celui de l'armée et sa mission protectrice et pacificatrice au service du peuple. Détournons notre attention des processus divers et variés qui consistent en réalité à lever la main dans une belle unanimité.

Et, enfin, évitons de poser la question qui fâche, que vient faire Dieu dans ce texte ? C'est peut-être la seule vérité qui y est incluse car à chaque fois qu'il est évoqué par des imbéciles, le sang et la barbarie ne sont pas loin.

Il aurait fallu tout simplement écrire "le Président est le tout et le reste se ramène au tout", cela éviterait un long et inutile bavardage. Avec une seule phrase, nous aurions eu l'essentiel, le sacré et la norme.

L'important est hors du texte

Ce qui est hors du texte est le véritable enjeu constitutionnel de l'Algérie. Aucun mot ne fait état de la police politique, de la torture, des assassinats et des souffrances infligées aux autres. Pas un seul passage ne mentionne que le Trésor public est une administration gérée par les comptes privés des officiers de l'armée, de certains hommes politiques et de leur famille. Pas plus qu'il n'est fait état d'un esclavagisme de la femme algérienne.

A aucun moment il n'est stipulé qu'un vieillard grabataire ne reste aux commandes d'un pays. Nul part il est rédigé que ce soit le frère, la tante ou le beau-frère du président qui dirigent avec une main de fer les hommes et les institutions.

Rien de tout cela n'est mentionné dans le texte. Alors pourquoi nous mettre dans un état pareil lorsque le président annonce qu'il va modifier la constitution ? Tout ce qui est écrit est inutile ou burlesque et tout ce qui est fondamentalement à modifier n'est pas écrit.

Pourquoi, par exemple, nous torturer l'esprit lorsqu'ils veulent faire des binationaux des sous-citoyens. C'est le cas de tellement de citoyens que cela n'y modifierait absolument aucune des bases des institutions algériennes non écrites.

Ce qu'il y a de rigolo dans cette histoire est qu'elle nous ramène quarante ans en arrière, lorsque nous apprenions pour la première fois, en amphithéâtre, que la constitution de la Grande Bretagne n'était pas écrite mais coutumière. Eh bien, nous aussi, nous avons une constitution coutumière, tout est dans l'usage, rien n'est écrit !

Il est loin le temps de la Constition

Un certain nombre d'entre nous avaient soutenu l'idée de la Constituante. Faute n'a pas été de publier dans les journaux nationaux pour faire campagne sur le concept et les conditions de son établissement par débat national ouvert (car des débats nationaux organisés par ce pouvoir ont toujours été nombreux, ce sont les conditions de leur organisation et de leur contenus qui sont essentiels dans la Constituante).

A ce moment, et à ce moment seulement, une porte était ouverte, très étroite mais possible pour permettre l'entrée dans un autre monde. L'Algérie courait le risque d'un grand traumatisme et s'était jurée que les anciennes institutions et leur mode de fonctionnement devaient être abrogés. Nous avions rêvé !

Proposer une constituante maintenant reviendrait à livrer la belle idée à des gens dont je n'aurais même pas la confiance de prêter mon stylo bille. Il en est définitivement terminé de la seule voie possible pour remettre tout à plat. Le drame est que ces hommes ont contaminé la génération adulte suivante et nous ne sommes pas prêts de retrouver un terrain favorable avant de très nombreuses années.

La réforme, ce sont les très jeunes Algériens qui nous l'apporteront car ils vont vivre dans un autre monde qui s'annonce et dans une autre logique de pensée. Rêvons une seconde fois, c'est peut-être la bonne, mais nous serons au ciel !

Sid Lakhdar Boumédiene

Enseignant

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Commentaires (7) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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khelaf hellal

C'est une véritable bouffonnerie , une Constitution aux antipodes des valeurs universelles que sont la liberté, la démocratie, les droits de l'Homme, elle impose l'enfermement culturel ; les carcans idéologiques et théocratiques , les oeilléres sur l'apprentissage des langues étrangères, elle nous place à la traine des pays émergents on est encore loin des slogans péremptoires de début de règne Bouteflika : Atteler notre pays au concert des nations. Une imposture Algérienne qui n'en finit pas d'abattre ses cartes et qui veut en plus terminer son jeu en triturant les textes de la Constitution en la surchargeant d'arabité et d'islamité Pour nous entrainer dans ses sables mouvants.

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