Tamazight : une pseudo-officialisation par un système "jacobin"

La lutte pour une véritable reconnaissance de la dimension amazighe de l'Algérie est loin d'être finie
La lutte pour une véritable reconnaissance de la dimension amazighe de l'Algérie est loin d'être finie

Est-ce que tamazight est réellement une langue officielle dans la nouvelle constitution algérienne ?

Une lecture superficielle et d'un regard non averti, on tenterait de répondre par un Oui. Mais en faisant une lecture approfondie sous un angle plus poussé, on se rendra compte de la supercherie du pouvoir.

Devant la pression et la constance dans la lutte pour la reconnaissance officielle de la langue tamazight, les décideurs n'avaient pas d'autres choix que d'introduire le caractère officiel. Cependant, l'article 3 bis de l'avant-projet, stipule que tamazight est également une langue nationale et officielle. À ce niveau l'expression pourrait être acceptée même si le terme '' également'' suscite interrogations.

Ce qui montre le manque de volonté politique dans cet avant-projet c'est la distinction entre de statuts entre tamazight et la langue arabe. Cette dernière sauvegarde toujours cette suprématie en l'instituant comme LA seule langue officielle de l'État. Ce qui veut dire que tamazight n'est pas une langue de l'État mais d'un État fictif !

Les rédacteurs de l'avant-projet se sont substitués aux linguistes ou sociolinguistes en décidant de changer la définition des concepts. Ce qui est admis, une langue officielle est une langue utilisée dans les différentes institutions de l'État. Consacrer exclusivement cette fonction à la langue arabe, signifie que tamazight relève encore du champ de l'informel. Le caractère officiel d'une langue a été vidé de sa substance pour tamazight. Même son introduction facultative à l'école n'a pas permis à langue d'évoluer.

L'intention du pouvoir est d'installer une instance scientifique (académie berbère) pour la standardisation de la langue amazighe. Mais la composante de cette structure demeure suspecte en connaissant les critères de désignation de toute promotion.

Une académie berbère devrait être composée de compétences dans le domaine de tamazight et qui l'ont démontré sur le terrain de la recherche et non faire appel à des pseudos-chercheurs en vue de trancher une aussi importante question que le choix du caractère. Tout en sachant que le pouvoir algérien rejette l'option des caractères latins en l'assimilant au colonialisme français.
Nous avons l'expérience marocaine. Il y a eu une lutte acharnée entre les arabo-islamistes qui revendiquent les caractères arabes pour des raisons purement idéologiques.
Par ailleurs, les militants et chercheurs de tamazight défendent les caractères latins pour des raisons plus scientifiques qu'idéologiques. Ils ne se sont pas acharnés pour l'écrire en caractères tifinagh. Et pourtant, ces derniers représentent plus cet aspect historique de l'amazighité. La production scientifique et littéraire les plus sérieuses sont en caractères latins.
Par ailleurs, le royaume marocain a tranché pour les caractères tifinagh pour départager ces deux groupes. Ce choix n'est pas justifié scientifiquement. Il a été imposé.

Ce genre de débat va surgir en Algérie. Par conséquent, la vigilance s'impose pour notamment ceux qui croient que le combat a abouti et que les militants qui revendiquent l'officialisation de tamazight ne trouvent plus quoi revendiquer. Non. Le vrai combat commence. Tamazight ne pourrait évoluer dans un environnement hostile aux valeurs universelles telles que notamment les droits de l'Homme dont le choix des parents d'un système éducatif qui convient à leurs enfants. Cet aspect est négligé pour des raisons politiques et idéologiques.

Toutefois, la Kabylie ne serait pas prête de limiter son combat à la revendication amazighe. Sans pouvoirs de décisions dans d'autres secteurs, la région n'est pas prête d'accepter tamazight évoluant dans une atmosphère dictatoriale et idéologique contradictoire à l'esprit de Tamazgha. On ne peut pas dissocier tamazight de la démocratie et le droit de choix du système éducatif convenable à leurs enfants. L'arabisation du système éducatif en Algérie est une décision qui a pour objectif d'assimiler les esprits et de les conditionner.

Tamazight sans valeurs démocratiques et modernes et un système éducatif performant n'a aucun sens. Dans cet esprit, tamazight dans la constitution ne calmerait pas la région car le pouvoir a toujours une arrière-pensée malsaine. Notamment s'il a l'intention de pousser le bouchon en imposant le caractère arabe pour la transcription de Tamazight en faisant la promotion des pseudos chercheurs pour justifier ce choix idéologique. Et d'ailleurs tous les arabo-islamistes, KDS, gens du pouvoir revendiquent ouvertement ce choix.

Le pouvoir n'a aucune bonne intention, il ne fait que réagir à des pressions, il est dans la ruse et non dans la résolution des questions posées par la société. Seul un système décentralisé donnant de larges pouvoirs aux régions dotées de parlements pourrait sauver le pays d'une explosion. Les autonomies régionales pourraient constituer une solution qualitative en mettant fin au jacobinisme calqué du colonialisme français. Les autonomies régionales ne menacent aucunement l'unité nationale ou territoriale mais s'entêter dans la philosophie populiste et autiste actuelle pourrait sérieusement hypothéquer cette intégrité territoriale.

Tamazight n'a aucun avenir dans un système jacobin actuel. Car ce dernier ne reconnaît pas la diversité. La refonte de l'État s'impose pour permettre aux régions du pays de vivre leurs spécificités culturelles, linguistiques et politiques.

Kamel Amari

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Commentaires (13) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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gtu gtu

merci

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