La constitution en Algérie : tout le monde en parle, ou presque !

L'opposition rejette pour différents motifs le projet de constitution de Bouteflika
L'opposition rejette pour différents motifs le projet de constitution de Bouteflika

Il y a quelques mois, quelques jours même, Amar Saâdani, le SG du FLN, fier comme Artaban, affirmait que la révision constitutionnelle comporterait de "grosses surprises".

Le projet a été rendu public et il ne semble pas avoir tellement surpris l’opposition, encore moins l’opinion. Ce qui a fait dire à certains que Amar Saâdani n’a pas eu, peut-être, accès à la vraie information. A moins, qu’entre-temps, le projet n’ait été modifié. Cela ne l’a pas empêché, pour autant, de faire entendre sa voix, à l’occasion de sa récente conférence de presse où "il a revendiqué, au nom du FLN, la paternité de la majorité des amendements proposés", moins celle se rapportant aux "bi-nationaux" qui n’a pas été de son goût ; ce qui l’a amené à dire : "L’Algérie a traversé une période difficile qui a provoqué un départ massif de ses cadres et de ses compétences à l’étranger ; nous avons des cadres binationaux compétents dans plusieurs domaines qui souhaitent participer au développement du pays ; l’article 51 du projet de constitution les empêche de le faire et nous demandons son amendement !". Est-ce à dire que le FLN ira jusqu’à ne pas voter la constitution si sa demande n’est pas prise en compte ? Difficile à dire et ça serait, aller très vite en besogne que de le croire !

Dans le camp de l’opposition en tous les cas, on rejette en bloc le texte ! Et on promet dans la foulée, une contre-proposition à en croire Soufiane Djilali qui en a fait l’annonce. Toutefois, personne n’est dupe du jeu des partis de la C.N.L.T.D qui cherchent toujours l’étape d’après ! Pour l’instant, leurs chefs y vont de leurs petites phrases :

  • Mokri pour le MSP qui estime que "cette constitution n’est ni consensuelle encore moins porteuse de réformes ; elle n’exprime que les orientations du président de la République et de ceux qui l’entourent".
  • Benflis qui met en cause des "forces extraconstitutionnelles" en affirmant que celles-ci sont derrière le projet de constitution qui répond plus aux intérêts étroits du régime politique en place et son souci obsessionnel d’assurer sa survie, qu’à l’aspiration des Algériens à la modernisation du système politique national, à travers l’avènement d’une république démocratique et sociale s’épanouissant dans le cadre d’un Etat de droit. Le projet, a-t-il dit, ne m’a inspiré que des réactions attristées dans le sens où la constitution de la république ait été réduite à incorporer une logorrhée politicienne sans consistance. Sans profondeur de vues et sans cohérence politique et juridique.
  • Soufiane Djilali pour sa part, affirme que "la constitution a été faite pour un président omnipotent et au-dessus de la nation : ce n’est pas une constitution du XXIe siècle".
  • Louisa Hanoune qui, avant d’asséner son "bled Mickey" qui a fait grand bruit, a déclaré : "Il n’y a pas de réformes politiques ; nous avions rêvé et souhaité une réforme respectable parce que notre système politique est pourri ; les amendements proposés ne sont que des retouches superficielles ; au lieu de renforcer et d’élargir les prérogatives des parlementaires et définir le vrai rôle de l’Assemblée, ils nous parlent du droit de l’opposition rappelant le coup de force législatif à l’occasion de l’adoption de la loi de finances pour 2016" ; "pas d’indépendance de la justice, ajoute la patronne du Parti des travailleurs, dès lors que le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Chef de l’Etat, encore moins d’indépendance pour l’instance chargée de la surveillance des élections dont les membres et le président seront désignés par ses soins". Bien évidemment, Louisa Hanoune s’arrange à chacune de ses sorties médiatiques, d’enfoncer le clou et de lancer des piques à destination de ses adversaires-ciblés en déclarant notamment : "Je suis offusquée de constater qu’on a pensé à constitutionnaliser ce qu’on a appelé –l’amélioration du climat des affaires-, ce qui apparaît à mes yeux, comme une satisfaction d’une demande de l’oligarchie !".
  • Djaballah qui, pour ne pas changer, continue de s’interroger sur le projet de société qu’on veut donner aux Algériens et la dimension de la langue arabe dans le pays
  • Le FFS, enfin, qui rejette le projet de constitution dans sa globalité

Comme on le voit, le projet de constitution rendu public, ne semble pas faire l’unanimité au sein de la classe politique nationale. Mais pas que. Il y a aussi la presse qui, non seulement a relevé toutes les incohérences, mais n’a pas pris de gants pour critiquer celui qui a été chargé de le présenter ; Kamel Daoud entre autres, s’est intéressé de plus près au directeur de cabinet de la présidence de la République écrivant à son propos : "son dernier titre de gloire courtisane a été de présenter au peuple la nouvelle constitution. Mauvais choix du point de vue de la ruse. L’homme a l’indice de crédibilité le plus bas du pays, et a usé d’arguments surréalistes et tellement bêtes que cela a été pris pour de l’insulte volontaire de la raison. Le nouveau texte est boiteux et porte, désormais, l’image de cet homme et de ses explications -mode café- ; il laissera le goût d’une ruse reconduite, pas celui d’une proposition!".

Notre confrère n’a pas été le seul à ne pas aimer l’intervention d’Ahmed Ouyahia. Les journalistes présents à la conférence de presse de ce dernier, ont également été surpris par son aplomb. Ne pouvant ignorer qu’ils allaient l’interroger, en particulier, sur le "rétropédalage" relatif à la limitation des mandats présidentiels, mais aussi sur cette obsession du pouvoir à "triturer" la constitution en fonction des désirs du moment, Ahmed Ouyahia, droit dans ses bottes, s’est surpris lui-même en s’entendant dire, en définitive, que ce n’est pas un changement de constitution qui est proposé mais un "enrichissement" !

De ce qui précède, faut-il se hasarder à conclure que le projet de constitution, tel que soumis, a été rejeté globalement et dans le détail ? Que nenni ! Il s’est trouvé beaucoup de compatriotes et des intellectuels engagés qui lui ont trouvé beaucoup de points positifs et dans la foulée, ont exprimé leur satisfaction concernant, par exemple, "la constitutionnalisation de la langue tamazight" et la création d’une "Académie de la langue tamazight" ou encore, l’abandon du "délit de presse".

Peut-on dire pour autant que le projet de constitution a accaparé l’attention générale ? Celle du citoyen lambda, par exemple ? Pas si sûr ! Pour beaucoup d'Algériens, la constitution est passée au second plan, loin derrière la loi de finances de 2016 et toutes les augmentations qui ont impacté leur quotidien. Certains concitoyens, internautes de leur état, ont été, néanmoins, plus entreprenants, puisqu’ils ont été jusqu’à faire des propositions : promotion de la justice sociale, élimination des disparités régionales, encouragement de la construction d’une économie diversifiée et sa protection contre toutes formes de malversation, détournement, corruption, trafic illicite, abus, accaparement ou de confiscation illégitimes.

Du débat autour de la constitution, il est apparu, une fois encore, que le clivage entre le peuple et les élites politiques au pouvoir ou dans l’opposition, est devenu fossé ; et le fossé est devenu abîme. Pour le peuple, l’objectif principal réside dans la sécurité sociale, celle de l’emploi ou la sécurité individuelle. Pour les élites, il n’est contenu que dans le pouvoir, les affaires et l’argent. Qu’offre-t-on au citoyen si ce n’est une piètre image de la politique, celle par exemple, d’anciens dirigeants qui se rejettent la responsabilité d’un passé douloureux. Que cesse ce déballage qu’on dirait puéril s’il n’était aussi putride !

Il y a aussi l’opposition et sa quête toute aussi pathétique qu’insupportable "du plus petit dénominateur commun" entre les formations hétéroclites qui la composent, alors que leurs différences idéologiques sont criardes. Dans les rangs de la majorité présidentielle, on ne fait pas mieux. Aujourd’hui, le FLN et le RND, par exemple, se contentent d’être le "milieu nourricier" des ambitions et le "lien exclusif" du personnel politique. Pour en venir à bout, il ne suffit pas de critiquer leur chef, leur programme (ils n’en ont pas) ou leurs ambitions cachées. Pour cela, il faudrait à un moment ou un autre, aller peut-être, vers une «constituante" ; l’idée chère à feu Aït Ahmed. Tout un programme.

La constitution, oui tout le monde en a parlé, ou presque !

En Allemagne, la chancelière Angela Merkel s’est réjouit, nous dit-on, "des avancées démocratiques contenues dans la nouvelle constitution algérienne" après que notre Premier ministre, séjournant à Berlin à la tête d’une délégation officielle, lui en ait exposé les grandes lignes. En France, il est aussi question de réforme constitutionnelle. Pas la nôtre, bien sûr. Dans ce pays, les esprits s’échauffent autour de la question de l’institutionnalisation (ou pas) de la «déchéance de la nationalité» pour faire des terroristes bi-nationaux, des apatrides, alors que pour ces derniers, la seule patrie qui vaille, c’est la mort !

Chez nous, les journaux continuent de consacrer des pleines pages au projet de constitution, même après son adoption par le dernier Conseil des ministres ! Au vu des incongruités politiques criantes mais aussi des insuffisances rédactionnelles évidentes que contenait le texte et, ensuite, après les réactions, appréciations et remarques, observations, critiques et autres sidérations qu’elles ont suscitées autant chez les médias et les experts juristes, l’on se demandait, écrivait un éditorialiste d’un quotidien francophone, si l’étape du Conseil des ministres n’allait pas être une occasion d’y remédier. Il fallait, sans doute, une petite dose de candeur politique pour y croire, poursuit le journaliste mais, par nécessité ou par commodité, la candeur politique fait parfois partie intégrante de l’attirail du parfait journaliste.

Et les journalistes, trouvent encore à redire, car c’est leur boulot. Abed Charef, par exemple, estime que "le président de la République garde tous les pouvoirs sans avoir à rendre compte ; il veut régler des questions liées au fonctionnement du pouvoir, sans avoir à nommer un vice-président, comme on le lui suggère depuis des années. Il délègue donc au premier ministre le soin de présider les réunions du gouvernement, selon l’article 85 alinéa bis, sachant que celui-ci n’a aucune marge de manœuvre, n’étant, en définitive, qu’un simple "puching-ball" entre le parlement et l’opposition, et qu’il peut être congédié à tout moment. Ce qui permettra au président Bouteflika de terminer, tranquillement, son 4e mandat. Et de se préparer pour la suite".

Il y a aussi pour conclure, cette polémique qui semble couver sur "la voix référendaire ou parlementaire" que compte suivre le président de la République, maintenant qu’il a saisi le Conseil constitutionnel, pour faire adopter ses amendements ?

Selon les spécialistes, un tel questionnement n’a pas lieu d’être car la question est, semble-t-il, réglée par les articles 174 et suivants, soumettant toute réforme de la loi fondamentale au suffrage du peuple, qu’elle soit initiée par le président de la République ou le parlement. De quoi donner en somme, du grain à moudre à tous ceux opposants ou partisans, qui continueront à évoquer la loi fondamentale du pays dans sa version de 2016.

Cherif Ali

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Commentaires (2) | Réagir ?

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moh arwal

L'officilalisation de tamazight n'est pas pour demain, elle est mise en résidence surveillée parce que son devellopement est sous contròle du Président via son veto au niveau académique.

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Caton L'ancien

Catomaior

Moi, je propose d'inscrire dans la constitution que dorénavant les autorités des communes d'Algérie n'auront plus le droit de faire aussi facilement les trottoirs, je dis bien les trottoirs et non pas le trottoir car ça pourrait prêter à confusion.