L’huile d’olive dans tous ses états

Une huilerie traditionnelle en Kabylie
Une huilerie traditionnelle en Kabylie

En Kabylie, nous parlons communément de "l’huile d’olive" (zit uzemur) comme s’il n’y en avait qu’une seule et, qui plus est, ne pouvait provenir que de notre patelin. Tout le reste étant bien sûr coupé ou mélangé ou frelaté et que sais-je encore comme suspicion d’impureté ?

Bien sûr, l’huile de Kabylie est top mondial de ce qui se fait en la matière et, celle de la Grande Kabylie est meilleure que celle de la Petite (et vice et versa selon d’où l’on est originaire) ; celle de la commune d’en face est moins bonne que celle de sa propre commune ; celle du village d’à côté est moins "goûteuse" que celle son propre village…et peut-être même plus acide. Je n’irai pas jusqu’à parler de l’ubac ou de l’adret (amalu nigh assamer) de la même parcelle familiale car, là il y a du vrai du fait de l’incidente de l’exposition au soleil.

Bref, pour le récoltant qui exploite péniblement quelques oliviers sur les flancs escarpés de nos montagnes, il ne peut avoir qu’une seule vraie huile d’olive : celle qui est tirée de ses propres olives qu’il a ramassées une à une puis emmenées au moulin le plus proche, généralement à dos bête et qu’il a faites broyer par des meules en grès centenaires (ighuraf), en sa présence le jour J. Ce jour J étant dicté par le volume du tas amassé (aamor) qui, idéalement, doit représenter une presse au moins, soit l’équivalent de 36 scourtins (tiquftin). En poussant un peu le détail, on peut dire que la contenance de ces 36 couffins représente environ 12 hottes.

Donc, après avoir broyé, malaxé, pressé, le moulinier extrait un liquide couleur café qui, par décantation permet à l’huile, plus légère que l’eau et qui ne s’y mélange pas durablement (émulsion instable), de remonter en surface. Après ce périple ayant permis l’extraction d’un jus couleur or et presque aussi précieux pour qui a suivi toutes ces étapes, on laisse au fond de la cuve (tahdhunt), les margines (amuredj). Il est à noter cependant que ces effluents ne doivent en aucun cas, en théorie, être rejetés dans la nature car les phénols et polyphénols qu’ils contiennent, ne sont pas sans incidence sur l’environnement. Par le passé, les anciens ont pu imaginer des pistes de recyclage dont le succès n’est pas forcément avéré (insecticide ; herbicide ; traitement des oliviers voire du bétail; gale des moutons ; etc …).

C’est sûr qu’après tant d’efforts, l’huile du "bled" ne peut être que la "meilleure" de toutes car imprégnée de ce goût si particulier de l’attachement aux racines propre aux Nôtres (allez donc faire vendre ses terres à un Kabyles!).

À l’heure de la mondialisation effrénée que nous vivons, on peut quand même admettre que d’autres choses se font, en la matière (et se font souvent bien!) dans le reste du monde ou, à défaut, dans le bassin méditerranéen qui concentre la presque totalité de la production oléicole mondiale (le plus grand producteur étant l’Espagne). On peut même admettre qu’il y a plusieurs huiles d’olives et qu’elles ne se valent pas toutes.

Ainsi, dans les supermarchés européens, il y a différentes appellations et, par conséquent, des étiquetages différents et rigoureusement contrôlés (règlement CEE n° 356/92 du Conseil du 10/02/1992) :

  • L’huile d’olive vierge (4 catégories : vierge extra ; vierge ; courante ; lampante),
  • L’huile d’olive raffinée,
  • L’huile d’olive (obtenue par le coupage des deux précédentes),
  • L’huile de grignons (ighès) d’olive brute,
  • L’huile de grignons d’olive raffinée,
  • L’huile de grignons d’olive (obtenue par coupage des deux précédentes).

En général, à part le procédé d’extraction, le seul élément probant de différenciation de ces huiles est leur degré d’acidité, le top étant de 1g/100g. C’est sur ce point que pêche peut-être aujourd’hui l’huile de nos montagnes. Et, si l’on fait abstraction des procédés d’extraction souvent rudimentaires, elle est garantie 100% Bio !

Cependant, au risque de décevoir les montagnards de Kabylie, et de mon village en particulier, mais tout en étant sûr qu’ils ne changeront rien à leur habitudes et à leurs convictions, je me dois de rapporter que l’huile d’olive est excellente partout, dans le bassin méditerranéen, de par ses effets bénéfiques pour la santé, bien avant son goût du terroir qui, souvent, relève de la fierté du producteur.

Sans doute en est-il ainsi du paysan grec, espagnol, italien,…

M. Cherfi

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Commentaires (2) | Réagir ?

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gtu gtu

merci

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romuald gari

j'adore l'huile d'olive de Kabylie, elle est tellement intense. j'en rapporte à chaque fois. mais quand je suis en France j'achète directement sur http://www. alziari. com. fr, un peu cher mais d'une qualité incomparable