"La constitutionnalisation de tamazight est un moment historique"

Langue millénaire, tamazight a été combattu et ignoré par les pouvoirs successifs en Algérie.
Langue millénaire, tamazight a été combattu et ignoré par les pouvoirs successifs en Algérie.

Ali Brahimi, ancien député et militant de la cause amazighe réagit au projet de constitutionnalisation de tamazight.

La langue amazigh vient d’être consacrée langue officielle dans la nouvelle mouture constitutionnelle présentée par le chef de l’Etat. Indépendamment du contexte de délabrement institutionnel, politique, économique et culturel du bilan du pouvoir et des calculs de survie d’un régime honni par l’ensemble des citoyens libres de ce pays, l’Instant et la Décision sont historiques !

Nous prenons cette justice tardive sans remercier quiconque parce que c’est notre droit naturel de parler, écrire, travailler et vivre dans notre langue maternelle et parce que c’est le droit historique inaliénable d’une langue et d’une culture qui ont survécu à des millénaires de déni et de répression, de recouvrer, sans conditions, leur souveraineté sur leur territoire historique! L’Algérie et la plus grande part de l’Afrique du nord appartiennent aux espaces linguistiques et culturels arabophone et francophone mais ne seront jamais arabe ni français parce qu’elles sont déjà amazigh et qu’elles doivent le rester!

L’injustice du «colonialisme intérieur» infligée aux peuples nord africains est d’autant plus révoltante que ceux qui la leur font subir ne sont que des Amazighs encore Amazighophones ou des Amazigh que leur arabisation de fait a amené à aliéner leur identité nationale au profit d’un emprunt refusant la greffe!

Il était temps de désamorcer cette bombe à retardement car le messalisme, les Ulémas et le régime issu du coup de force de l’été 62 ont failli convaincre, d’une part, les Algériens arabophones de leur souche étrangère au territoire nord-africain et, d’autre part, les amazighophones de leur colonisation par des frères «étrangers» à leur sol!

La fin institutionnelle du déni lève aussi toute couverture à l’amalgame islamité-arabité qui n’a bizarrement de prétention qu’en Afrique du nord. Il reste et appartient aux formations politiques islamistes de renoncer à cet abus culturel et linguistique en acceptant sincèrement voire en rejoignant la marche du peuple amazigh vers le recouvrement total et la reconstruction de sa souveraineté culturelle! Le socle identitaire de l’Algérie est aujourd’hui conforté à charge pour le régime auteur du déni anti-amazigh d’entreprendre la thérapie collective identitaire et culturelle pour différencier arabisme et arabophonie !

Plus au-delà, il appartient maintenant à ceux qui s’arrangeaient du déni culturel anti amazigh pour justifier leur tiédeur ou leur refus d’intégrer les rangs du mouvement démocratique, de se mobiliser pour imposer la citoyenneté, l’Etat de Droit et l’Etat civil lequel ne saurait se confondre avec une dictature militaire ou religieuse !

En ce moment historique, mes pensées et ma gratitude vont à tous nos aînés morts depuis l’Etoile nord africaine jusqu’au trio de Idie El watani et aux militants anticoloniaux berbéristes injustement assassinés par leurs frères d’armes , aux victimes du crime d’Etat du printemps de 2001 en Kabylie et à nos compagnons proches qui n’ont pu assister à la consécration de leurs sacrifices ; de Mohand Ouharoun à Bessaoud mohand Arab, Bacha Mustapha, Salah Boukrif, Berdous Maamar, Achour Belghezli, Rachedi M’hamed et tant d’autres que l’on m’excusera de ne pouvoir tous citer! Dommage qu’ils n’aient pu vivre cette aube qui revient après des siècles de déni et de haine de soi !

Il reste maintenant à mettre le fruit du combat de tout le peuple nord-africain amazigh entre les mains des femmes et des hommes de science loin de toute manipulation idéologique ou politicienne pour mener à bon port la longue œuvre de réhabilitation et de modernisation et d’institutionalisation d’une langue qui a pu survivre aux tempêtes de tant de siècles obscurs! L’Académie amazighe aux académiciens!!!

Bien entendu, nous ne lâcherons jamais prise: l’Etat demeure redevable des moyens humains, financier et matériels pour cette reconstruction !

Il reste à nous militants de la revendication amazigh à reconstruire notre unité par-delà les barrières ou différences partisanes, notre unité tellement nécessaire pour obliger les pouvoirs publics à ne pas laisser l’officialisation rester de l’encre sur du papier !

Pour autant, nous ne sommes pas dupes! L’illégitimité de ce pouvoir reste entière et continuera à nous mobiliser pour faire triompher pacifiquement les idéaux de démocratie, de liberté et de Droit de l’Homme dans une Constituante libre qui respecte l’ensemble des droits historiques de l’amazighité!

Ali Brahimi

Alger, le 5 janvier 2016

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Commentaires (5) | Réagir ?

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mhand said

je conseil de toujours tenir bon et continuer le combat. vaut mieux un, j ai, que plusieurs je n ai pas.

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Rabah Mansour

Oui c'est un moment historique malgré les sordides calculs des tenants de l'arabo-islamisme sectaire, faschiste et totalitaire.

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