Cop21, l’optimisme quel que soit le résultat

La pollution a atteint des proportions alarmantes.
La pollution a atteint des proportions alarmantes.

Voilà que notre planète s’échauffe et nous menace d’abréger le bail emphytéotique de cinq milliards d’années dont les scientifiques nous avaient assurés. La Cop 21 (Conférence des Nations unis pour le réchauffement de la planète) se déroule dans une prise de conscience jamais égalée même si le souvenir de l’échec de Copenhague est encore présent. Faisons un point d’analyse qui essaiera de convaincre que le rite international a d’ores et déjà gagné par l’avancée des esprits, avant même son ouverture et quel que soit le résultat final.

Laissons le débat scientifique aux hommes de sciences et aux nombreux articles qui expliquent les causes et les enjeux du réchauffement de la planète ainsi que les moyens d’en sortir. Le but de cette réflexion est de parier sur l’hypothèse paradoxale d’une réussite du projet mondial quel que soit le résultat final de la COP21. Elle se fonde sur un bouleversement profond de paradigme qui mènera inéluctablement, à très court terme, à un accord général pour un objectif commun et des moyens concrets d’y parvenir. Mais au préalable, rappelons ce qu’est cette conférence et le chemin tortueux qu’il a fallu pour arriver à celle de Paris.

L’histoire tumultueuse de la COP

La COP21 (la numérotation représente l’ordre chronologique des rendez-vous mondiaux), Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015, à Paris. C’est une longue histoire puisque la première réunion mondiale sur le climat remonte en 1979 à Genève.

En 1988, le GIEC, groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a été crée. Il a pour mandat «d’évaluer, sans parti pris et de manière méthodique et objective, l’information scientifique, technique et socio-économique disponible en rapport avec la question du changement du climat». Le Giec sera donc l’outil scientifique d’études et de conclusions irréfutables menant à la décision politique des Etats participant aux conférences sur le climat.

C’est en 1992, lors du «sommet de la Terre» à Rio de Janeiro que fut reconnu pour la première fois «l’existence du dérèglement climatique et la responsabilité humaine dans ce phénomène» et que fut signée la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Cette Convention-cadre entre en vigueur en 1994 et précède une autre étape importante que fut le protocole de Kyoto, en 1997, qui fixe pour la première fois aux pays développés des engagements chiffrés de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Et ainsi de suite, d’étapes en étapes jusqu’à la COP21 de Paris.

Nous avons le souvenir de l’échec retentissant de la dernière conférence de Copenhague, motif pour lequel de nombreux détracteurs de ces «messes géantes» dénoncent une inefficacité dont ils redoutent qu’elle soit consubstantielle à l’organisation mondiale. Lassées par tant de palabres, les populations du monde sont devenues très sceptiques quant à ces grandes réunions qui n’aboutissent jamais à rien.

Elles ont raison si on établit le lien entre l’organisation onusienne et le règlement des problèmes planétaires dans l’histoire récente. Lourde et paralysante, elle semble être le lieu d’un subtil jeu où les grandes puissances s’acharnent à bloquer une ou plusieurs autres et inversement, dans une ronde d’alliances et de contre-alliances.

Mais, justement, tout l’argumentaire de cet article repose sur le fait que ce qui compte dans cette organisation est en réalité la décision des grands états qui fixent l’ordre des priorités et les nécessités de régler ou non un problème. Or, dans cette affaire, pour la première fois, il semble que nous ayons une configuration d’unanimité des grands états concernés, notamment les deux plus importants, si ce n’est pendant la COP21, en tout cas, à très court terme.

Le revirement des deux plus importants pollueurs

Les Etats-Unis comme la Chine, sont les plus gros pollueurs de la planète. Ils avaient été, jusque là, les freins les plus importants à un accord de réduction massif des émanations de Co2 dans l’atmosphère. Barak Obama vient d’imprimer une force symbolique à sa prise de conscience en se prononçant contre le projet de construction de l’oléoduc géant Keystone XL qui aurait traversé le pays. Il est évident que les Etats-Unis prennent enfin la mesure de la menace que le productivisme acharné de leur économie fait courir à l’expansion économique nationale.

Le pays a connu de très grandes catastrophes écologiques et, on l’oublie assez facilement, la terrible tragédie de la centrale nucléaire de Three Mile Island, bien longtemps avant celles de Tchernobyl ou de Fukushima. Depuis, les catastrophes n’ont cessé d’être de plus en plus exceptionnelles, comme les grandes marées noires, la dévastation de La Nouvelle Orléans par l’ouragan Katrina et, même si les Etats-Unis ont du mal à l’attester, de celles que font entrevoir les forages frénétiques du gaz de schiste.

La conscience écologiste américaine n’est pas nouvelle mais pour la première fois dans leur histoire, ils sont persuadés que leur puissance économique peut être remise en cause. De plus, ils ont compris que "l’énergie verte" représentait un gigantesque levier de croissance, tout autant que le monde entier s’en est convaincu. C’est par ce biais opportuniste que la position américaine a été modifiée même si on peut leur faire crédit d’une conscience morale et humaniste à ce sujet, comme le prouve la position et les actes de l’ancien vice-président Al Gore. La protection des forêts, des eaux et du patrimoine géologique est inscrite fortement dans les esprits et les législations américaines. Il ne restait plus que la conscience d’une catastrophe économique pour tourner le dos aux productions à effet de serre, en tout cas dans les proportions actuelles.

La position chinoise est exactement dans la même justification mais avec un caractère d’urgence encore plus affirmé. Pendant de nombreuses années, la Chine rétorquait au monde que si le niveau d’émission chinois est actuellement le plus élevé au monde, il en est autrement dans une rétrospective plus longue, au niveau du siècle. Dans cette temporalité élargie, les Etats-Unis battent tous les records. La Chine a toujours plaidé son droit au rattrapage, ce qui donne à la lecture des chiffres une dimension comparative différente.

C’est certainement la vision apocalyptique des villes, sur lesquelles s’abat un épais brouillard qu’il faut aller rechercher la cause directe du revirement de la position chinoise. La Chine vit dans une éclipse solaire permanente, aux effets désastreux sur la santé, et donc sur l’économie. Les enfants chinois ainsi que les autres personnes à risque sont dans une situation désespérée et c’est toute la nation qui est en danger permanent. Il semble aujourd’hui évident à la Chine que son modèle de développement, concentré sur l’exploitation charbonnière et un rythme de production effréné, constitue une très grave menace pour son propre avenir. Le gouvernement central en est convaincu et l’on constate de nombreuses fermetures, et même de destruction, de dizaines d’usines à éjection fortes de fumées toxiques.

Comme toujours, c’est l’avantage comparatif qui fait prendre les décisions aux économies libérales. Le choix n’est plus entre deux compétitivités mais entre la poursuite du modèle ancien ou la destruction à grande échelle des vies humaines et des potentialités d’expansion économique. Voila pourquoi la négociation sur le changement climatique tourne le dos aux anciens échecs. Même si la conférence de Paris ne se termine pas sur la note optimiste que nous souhaiterons, cela ne saurait tarder dans un avenir très proche.

Mais l’annonce de la catastrophe imminente, si elle constitue un élément premier du pari optimiste, n’aurait pas été en mesure de faire bouger les lignes d’une manière si forte si deux autres facteurs n’avaient pas été au rendez-vous.

Les nouvelles technologies, enfin compétitives

Il ne faut pas être professeur en économie pour connaître un double mécanisme qui conduit à la compétitivité des technologies nouvelles. C’est tout d’abord les économies d’échelle qui obligent les nouveaux entrants à compenser les gigantesques investissements de départ sur des prévisions de volumes de production et de vente qui doivent être les plus importantes possibles. Raison pour laquelle ces nouvelles industries ne peuvent émerger qu’à la condition que le comparatif avec les recettes des autres énergies soit plus favorable. Tant que le pétrole était au plus haut, les Etats producteurs ne se sont pas sentis obligés de miser sur la génération industrielle suivante.

Mais cet effet comparatif est accéléré par le très fort développement des technologies qui, lui-même, contribue à son tour à participer à la baisse des coûts de production des installations et de leur exploitation. Il est loin, le temps où des dizaines d’hectares de panneaux solaires suffisaient à peine, disait-on avec humour, à éclairer un réfrigérateur et trois ampoules d’une vague maison isolée. Il en est autrement aujourd’hui où l’effet technologique accélère davantage le processus des économies d’échelles.

L’exemple méditerranéen en est l’illustration la plus prometteuse. Le Maroc s’est lancé dans la construction pharaonique d’un complexe thermo-solaire à Ouarzazate qui sera le plus grand au monde avec plus de cinq cent mégawatts, soit près de 14% de la consommation nationale et des perspectives très alléchantes d’exportation vers l’Europe, via une voie sous-marine existante, ainsi que vers l’Afrique.

L’Algérie annonce la reprise du beau rêve du projet Désertec et permet enfin d’entrevoir une lueur d’espoir pour sortir du dramatique questionnement de l’après pétrole. Le pays possède tous les atouts pour se placer dans les premiers rangs mondiaux car non seulement il bénéficie, comme ses voisins maghrébins, d’une proximité avec l’Europe mais dispose d’une expérience technologique immense pour autant que la jeunesse algérienne soit disposée à prendre le relais vers des horizons nouveaux.

Mais, à son tour, ce second argument a du bénéficier d’un bouleversement des esprits, notamment avec l’adhésion des populations au projet écologique, source d’un magnifique rebond espéré de la croissance mondiale.

La nouvelle pédagogie, de la menace au rêve

Jusque-là, l’écologie dite "politique" n’a cessé de nous vendre le projet de l’économie verte sous forme de menaces, de punitions et de paroles apocalyptiques. Le discours écologique a perpétuellement inscrit son message dans les avertissements et n’a jamais suscité de rêves qui entraînaient les populations vers une adhésion collective.

Pendant que les partis écologiques prêchaient leurs paroles sombres et inquiétantes, d’autres ont travaillé avec acharnement pour réaliser des prouesses technologiques afin de nous convaincre de l’utilité et de la performance des nouvelles technologies, renouvelables et propices à sauver la planète. Mieux encore, ils nous ont fait rêver, nous ont pris par la main et nous ont parlé comme à des adultes responsables, en nous faisant entrevoir la beauté de la transition écologique, source d’une économie florissante et positive pour la planète. Nous avons rêvé avec le projet Solar Impulse, nous avons été éblouis par les performances de la sonde Rosetta et ses panneaux solaires et peut-être, demain, notre Sahara sera notre rêve éveillé.

Pour toutes ces raisons cumulées, nous assisterons, tôt ou tard, à un bon compromis des pays développés les plus importants de la planète. La Cop 21 va débuter, le résultat positif est attendu, mais au fond, peu importe, car notre planète s’est fâchée et devant sa terrible force, beaucoup ont compris qu’il fallait s’incliner. Vu l’extraordinaire montée des températures, il est à parier que si ce n’est pas à Paris, ce sera très rapidement après.

Sid Lakhdar Boumédiene

Enseignant

Plus d'articles de : Opinion

Commentaires (2) | Réagir ?

avatar
Bachir Ariouat

Qu'il que soit le résultat, nous serons les dindons de la farce, je suis entièrement d'accord avec vous, parce que nous n'avons pas des gestionnaires et es personnalités cultivés aux responsabilités dans notre pays. NOUS SOMMES D'ACCORD.

avatar
klouzazna klouzazna

Tout ce qui est rapporté dans cette chronique est d'une grande perspicacité... Mais tant que les gouvernants des nations de ce monde ne mettent pas fin au règne de ces voyoux de spéculateurs de la finance mondiale et à leurs paradis fiscaux... la planéte terre n'a aucune chance de s'en sortir indemne !!!