Lakhdar Brahimi serait-il le futur président ?

Lakhdar Brahimi
Lakhdar Brahimi

Soutenir, sans illusions, militer sans joie, relayer sans convictions, voilà à quoi s’astreignent, aujourd’hui, une partie des formations politiques, sans que cette situation paradoxale n’émeuve, outre mesure, leurs dirigeants.

A cet égard, le FLN, le RND, le MPA, le TAJ ou encore l’ANR se sont bien trouvés, puisqu’ils nous offrent comme seule vie démocratique, les interventions calibrées de leur «lider maximo» sur les plateaux de télévision. Désormais, ce que l’on nommait autrefois «politique» est balayée, phagocytée par l’agenda présidentiel et par des enjeux qui n’ont plus rien à voir avec les soucis quotidiens des Algériens.

Les chefs de partis, par exemple, ont beau se démener, faire semblant d’animer la scène politique et se déplacer dans les wilayas, en vain ! En appeler au débat d’idées, rien à faire. Tous les partis, d’ailleurs, le craignent : Soufiane Djilali, Benflis, Mokri, Djaâballah et même Soltani ne s’intéressent qu’à une seule chose, la présidentielle de 2019. Dans le camp présidentiel, il en va de même et ce que l’on peut observer aujourd’hui ressemble à une répétition fonctionnelle des rôles entre Ouyahia, Saâdani et Sellal, pour les années à venir.

Au premier, le rôle de batailleur voire de lessiveur, quitte à offusquer la sensibilité de la classe politique, y compris dans son propre camp. Au second, autoproclamé porte-parole du président de la République, le rôle se voulant plus consensuel de rassembleur, grâce à son initiative de «front interne». Quant au troisième homme, le Premier ministre en l’occurrence, il est fortement «encadré» par le duo chevronné du FLN et RND ; il sait qu’il n’est pas le plus fort des candidats pour 2019 et il doit se dire que quand on n’est pas le plus fort, on peut gagner à condition de savoir jouer sans ballon, par la science du placement et du remplacement. En évitant autant se faire que peut, de se mettre en position «d’hors-jeu».

En cela, Abdelmalek Sellal est bien l’homme du président auquel il réitère, en permanence son soutien inconditionnel. Il a toujours avancé, mais masqué. Son ambition présidentielle, ce sont les autres qui en parlent au moment où lui-même, balaie d’un revers de main cet avenir qui lui est prédit par ses soutiens qui ont eu à le côtoyer durant sa longue carrière et surtout pendant les deux campagnes électorales qu’il a menées avec succès.

Aujourd’hui, il a cependant d’autres soucis. Il est le chef d’un gouvernement qui fait face à l’une des plus graves crises de pétrole qui impacte gravement le pays et les citoyens. Il le sait, les orientations économiques et sociales qu’il a définies ne prendront leurs effets qu’à la faveur d’un retournement de la conjoncture, d’un sursaut du baril. En 2017 ou en 2018. Il lui faut savoir attendre et surtout durer au gouvernement ou s’accrocher dans la périphérie du pouvoir. En fait, le premier ministre a besoin de la confiance peut-être aussi de la défiance de la classe politique, tous partis confondus. Le rejet de cette classe politique dans la population est tel que bénéficier de sa défiance peut devenir, paradoxalement, un atout !

Le gouvernement est d’obédience FLN et c’est Saâdani qui l’affirme. L’homme a dit qu’il a réformé le parti de l’intérieur en nommant aux postes sensibles et au bureau politique des têtes nouvelles. Pas si sûr. Aujourd’hui, ce parti ne peut éternellement tenir des populations captives au nom d’un passé lointain dont il ne reste que des supposées valeurs qui ne sont pas respectées, une fois les membres du parti au pouvoir. Quant au vote FLN, il n’est plus, depuis quelque temps déjà, l’expression naturelle de ceux qu’on nommait la classe prolétaire. Le mot lui-même ne s’emploie plus tant il renvoie au «socialisme» de feu Ahmed Ben Bella.

Aujourd’hui, le FLN privé de sa légitimité sociale s’est révélé incapable de concevoir les contours d’une nouvelle alliance politique porteuse de progrès. Le RND, son allié de toujours pourtant, n’en veut pas de son initiative de «front intérieur», l’obligeant à battre en rappel sa clientèle des partis «occasionnels» et des organisations de masse qui lui sont affiliées pour former son bloc d’alliance.

Le FLN et le RND, faut-il le dire, sont impuissants l’un que l’autre, à empêcher la contestation qui germe en leur sein. Englués l’un que l’autre dans leurs incohérences internes, ils devraient s’interroger : pourquoi ne pas faire exploser, une bonne fois pour toutes, leur prétendue unité ?

Oui, aujourd’hui, la classe politique est en état de coma cérébral. Les rares idées qu’elle défend viennent de ceux de l’ISCO et de son désir d’organisation d’élections présidentielles anticipées. Et aussi du FLN et de son initiative de «front interne» qu’il n’a pas su cependant expliciter pour la rendre praticable. On entend les mêmes éléments de langage prédigérés, les mêmes arguments si usés que l’on perçoit, nettement, l’hypocrisie à travers.

Les Algériens sont, globalement, hostiles à leur classe politique, car ils ne se sentaient pas représentés. Ils en ont assez de ces militants opportunistes et de «métier» qui squattent les postes et de cette endogamie politique. Ceux qui ont la propension à se constituer en «cercles fermés» destinés à faire la loi dans les assemblées. Des écuries, à usage presque exclusivement présidentiel. L’ambition désormais de tout chef de parti algérien est de pourvoir son patronyme d’une désinence en «iste» (Saâdaniste, Mokriste, Benflisiste etc), afin de faire reconnaitre sa vocation à concourir à la prochaine présidentielle.

Aux discours de l’union, prônés par les uns et les autres, il faut faire face à une réalité : chaque groupe ou Parti politique tire la couverture à lui, tout en gardant l’index en l’air pour sentir le vent passer. Mais les Algériens veulent du changement, de nouvelles têtes, des gens simples venant de la classe moyenne. Et surtout, qui seraient d’accord pour retourner à leurs fonctions originelles une fois leur mandat expiré ! Les citoyens ne savent pas comment en finir avec cette classe politique, finalement, peu démocratique qui les étouffe. Des partis sont tenus par les mêmes leaders depuis leur création, c’est à dire depuis l’ouverture du champ politique en 1989 ! Ils sont les premiers coupables de cette morosité politique ambiante, car au lieu de prendre conscience de leurs disfonctionnements, de l’absence de démocratie et de transparence en leur sein, ils n’ont pour souci que celui de protéger leurs intérêts. Et en cela, ils poussent les gens vers l’abstention et le désintérêt de la chose politique.

Nous ou le chaos, affirment à l’unisson le FLN et le RND. Est-ce à dire pour les citoyens qu’il ne reste pour les joutes électorales à venir, qu’à voter par défaut, sans aucune perspective ?

Pourquoi les débats sont-ils insupportables ? Pourquoi ils ne vont pas plus loin que la simple émulsion médiatique ?

Plus besoin de décider, prétendent certains, il faut «s’adapter» ! Beaucoup de nos concitoyens ont l’impression, la crise aidant, de n’avoir plus prise sur leur avenir qui s’assombrit, de plus en plus, sans que des perspectives ne leur soient proposées clairement. Que faut-il en déduire ? Que le peuple est en mal de dictateur ? Ou bien qu’il est en attente d’un dirigeant politique capable d’en finir avec toutes les formes de désordre ? En attendant les réponses, l’heure est à la course aux sénatoriales : se faire élire et réélire ! C’est la seule ambition qui tient les «militants politiques» qui n’excellent que dans les campagnes électorales et la prise d’un pouvoir dont ils ne savent que faire une fois élus !

Depuis, il y a eu les annonces du président de la République, qui a promis d’ouvrir davantage le champ politique même si lui-même ne regarde qu’une chose : les rapports des forces politiques. Et à ce petit jeu, ses cartes maitresses s’appellent Amar Saâdani et Abdelmalek Sellal.

Ainsi, la montée au créneau de Saâdani qui a apporté toutes les réponses politiques aux questions de l’heure, y compris l’initiative des 19.

D’un mot sur cette initiative des «19-3-1» pour dire ceci : «quand on pose des questions dignes d’un vestiaire de foot, il ne faut pas s’étonner d’obtenir des réponses adaptées à un terrain boueux. De là, à en tirer des conclusions générales sur les aspirations (cachées ou réelles) des initiateurs de la démarche, il y a un pas qui serait hasardeux de franchir».

Ceci étant dit, Amar Saâdani apparait comme celui qui a été «désigné» pour barrer la route de la présidentielle à Ahmed Ouyahia. Pour le président de la République, «la nature a horreur du vide» prend tout son sens et la mise en avant du secrétaire général du FLN, lui permet de se concentrer sur son projet de constitution, puisque Saâdani consacre toute son énergie à répondre aux contre-attaques des uns et des autres, et surtout à encaisser les coups. Et aussi à tirer sur Ahmed Ouyahia qui est plus présidentialiste que quiconque ! Et c’est visiblement dans cette direction que le chef du RND compte s’engager désormais. C’est aussi le seul moyen de contrer toute la classe politique qui a flairé en lui l’ennemi. Elle ne lui fera pas de cadeau.

Le premier ministre quant à lui, n’est pas en état, de «challenger» le président de la République à qui il a maintes fois réitéré sa fidélité. Dans le camp de l’opposition, on affiche une unité de façade ; beaucoup sont à la limite de la fracture tellement les «égos» sont énormes, les bases électorales ne manqueront pas de s’émietter à l’approche de la date fatidique des élections.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de concurrents pour 2019 ? Pas si sûr et le moins que l’on puisse dire pour l’instant, c’est que la vie politique risque de connaitre sous peu quelques surprises.

Le pays semble aujourd’hui prisonnier d’un système qui conduit à une élection présidentielle où le léger comme l’incompétent pensent qu’il suffira de se présenter, ou de se retrouver au second tour face au candidat du pouvoir pour gagner, à la faveur de la mise en place de la «démocratie apaisée» promise par Abdelaziz Bouteflika dans sa lettre du 1er novembre 2015 et des «mécanismes indépendants de contrôle et de gestion des élections» qui empêcheront toute fraude!

Pour autant, la tâche ne sera pas aisée pour tous les candidats à la candidature présidentielle qui sont en train de «fourbir leurs armes» à partir de Mazafran ! Il en est de même de la présidentiabilité de l’actuel premier ministre Abdelmalek Sellal et son prédécesseur Ahmed Ouyahia que le politologue algérien Rachid Grim balaie d’un revers de main, dans un entretien qu’il a accordé récemment à un journal électronique, "TSA", pour surprendre et dire : ce sera Lakhdar Brahimi !

Il n’est pas parti pour faire 10 ans, mais juste un mandat, a affirmé Rachid Grim qui, en livrant ce "scoop" prétend relayer une «prévision émanant d’outre Atlantique". L’homme, c’est vrai, est un ami intime du président dont il affirme qu’il ne lui sert pas d’alibi, en faisant allusion aux cinq audiences qu’il lui a accordées.

Il est reconnu pour ses compétences à l’international et le poste de vice-président sera donc créé, pour lui, à la faveur de la prochaine constitution. Ainsi Lakhdar Brahimi pourrait être nommé pour l’occuper, et partant, présider «la Conférence Internationale sur le terrorisme» que l’Algérie s’apprệte à organiser en 2016 !

On n’en est pas là pour le moment et il serait hasardeux de spéculer sur les gains hypothétiques d’un président dont le nom est soufflé extra-muros. Et rien ne permet de dire que les Algériens sont en mal d’un président «importé», ce qui devrait inciter à modérer les divagations sur la prétendue cooptation de Lakhdar Brahimi qui, certainement, n’aimerait pas être le Hamid Karzaï algérien !

Cherif Ali

Plus d'articles de : Opinion

Commentaires (8) | Réagir ?

avatar
gtu gtu

merci pour les informations

avatar
klouzazna klouzazna

c'est une blague... pas le complice du boucher de damas !!!

visualisation: 2 / 7