De la déclaration de Bouteflika et de la nécessité d’une trêve politique !

Ouyahia-Saadani, une guéguerre de deux serviteurs du pouvoir.
Ouyahia-Saadani, une guéguerre de deux serviteurs du pouvoir.

Nous sommes le seul pays au monde à s’offrir le luxe d’une course en sac quand il faudrait se préparer au marathon (pensée à méditer).

Dans sa lettre à l’occasion du premier novembre, le président de la République demande aux Algériens "de bien considérer les enjeux de l’étape dans laquelle se trouve le pays, de garder leur sang froid devant les défis qui sont bien souvent exagérés dans le but de les effrayer et de les faire douter de leurs capacités".

Le message est aussi destiné à toute la classe politique, en général, et en particulier, aux partis de l’alliance présidentielle soumis depuis peu à une féroce guerre de leadership. Il y a ces dernières semaines comme des relents de guerre (des mots) ouverte entre le RND et le FLN, deux partis qui, pourtant, font le sérail politique national. Les deux partenaires alliés du pouvoir, Amar Saâdani et Ahmed Ouyahia, affichent un désaccord total sur les méthodes à employer pour parvenir à ce projet de «front intérieur» qui leur est cher, à l’un et à l’autre, et qui a été initié par le premier nommé.

La proposition pour un front uni en faveur du programme d’Abdelaziz Bouteflika "n’est pas le mode qui nous convient" a déclaré Ahmed Ouyahia au nom de son parti. De ce fait, le rejet du RND de la démarche du FLN ajoute à la crispation des chefs des deux partis ; Amar Saâdani, s’emploie, d’ores et déjà, à décrocher la majorité au Sénat pour affaiblir son rival. Il faut dire que les escarmouches entre FLN et RND sur cette question de soutien au programme du président de la République sont devenues monnaie courante, même si le ton reste policé. Elles font, en tous les cas, les manchettes de la presse nationale.

Pendant ce temps-là, dans le camp de l’opposition, on s’apprête à se rassembler de nouveau, afin de démontrer que chez Ali Benflis et consorts, on détiendrait "l’alternative" au pouvoir, et qu’on s’apprêterait à la présenter au citoyen et à la société civile. L’ancien chef du gouvernement, n’a pas manqué de fustiger à partir de Sétif, ce qu’il a qualifié de "démocratie spécifique algérienne", affirmant que l’opposition nationale réclame une transition démocratique, c’est-à-dire, le départ du président de la République. L’opposition qui affiche une discipline de façade, se prépare pour son "Mazafran 2", alors qu’elle manque, cruellement, d’une figure de proue à même de la fédérer.

Est-ce à dire que l’option de constitution d’un front intérieur est, d’ores et déjà, condamnée à échouer ? Oui, semble-t-il, car l’opposition a un avis tranché sur la question : c’est non, au moment même où Taj, le MPA, l’ANR et les partis qui gravitent autour, font campagne en faveur de la proposition du SG du FLN ; la démarche politique de ce dernier, s’inspirant des idées du «parti unique» Louisa Hanoune se pose la question sur le sens d’un tel projet, auquel, sans surprise, elle a opposé une fin de non recevoir. On assiste, désormais, à un nouveau bras de fer entre les partis de la majorité présidentielle et les opposants : une espèce de "remake" de l’époque de Sid Ahmed Ghozali et de son projet de "conférence nationale" qui a ratissé large (FLN- ex-FIS et FFS ), pour le résultat que l’on sait. Mais comment vont évoluer les rapports entre les deux camps du pouvoir et de l’opposition, d’ici à 2019 ? s’interrogent les observateurs et ceux qui, parmi les citoyens, suivent peu ou prou, les activités politiques dans le pays.

Ceux de l’ISCO n’en démordent pas : "Le jour où nous avons averti et alerté de la gravité de la situation, ceux qui, parmi le système, manquaient d’intelligence et de compétences, nous contredisaient et nous accusaient d’amplifier les choses et le temps a fini par nous donner raison". Cette réaction de l’opposition a fait réagir un éditorialiste qui a dit ceci : "Au nom du changement, l’opposition a mis de côté les idéologies pour se réunir autour d’un seul objectif, le départ du pouvoir en place. Avec cette façon de faire, les organisations créées par l’opposition ne portent pas en elles la solution, mais plutôt le germe du chaos". Comment ne pas croire ce journaliste, quand on sait que dans les rangs de l’opposition, certains en appellent à l’armée et d’autres menacent de porter leurs revendications dans la rue !

Et les citoyens dans tout ça ?

Ils ont peur même s’ils sont beaucoup plus préoccupés par les vicissitudes du quotidien et de la vie chère ; ils ne comprennent pas aussi, pourquoi en haut lieu et chez les opposants, on continue à se chamailler et parler en même temps de la nécessité de conforter la stabilité du pays. Le SG du FLN, semble détenir la réponse à ce paradoxe : "Il est important d’activer la scène politique, dit-il, afin qu’elle puisse s’adapter aux mutations qui surviennent dans la société et relever les défis qui se posent à l’Algérie, notamment en ce contexte marqué par l’instabilité et les crises dont souffrent nombre de pays arabes et africains». Secouer la société, c’est l’objectif tracé par le SG du FLN ! Il n’est pas partagé par le citoyen lambda, frappé de plein fouet, par la crise aujourd’hui admise par le président de la République lui-même.

Quant à la société civile, elle a, maintes fois, affiché sa désaffection de la chose politique, pour se sentir concernée par l’interpellation du chef du FLN. Peu importe pour Amar Saâdani qui s’accroche à son idée d’un front intérieur et qui est, en même temps, capable de rester sur son invitation à l’endroit de l’opposition, même si celle-ci se préoccupera, essentiellement, à lui marquer son refus. Il restera, ainsi, sur sa proposition, a écrit un éditorialiste, ne serait-ce que pour marquer sa différence avec le Secrétaire Général par intérim du RND.

Assiste-t-on, aujourd’hui, à la résurgence d’une nouvelle pensée unique ? Oui, puisqu’on entend sur fond de "guéguerre", les mêmes éléments de langage prédigérés et les mêmes arguments si usés, tant des partis au pouvoir que ceux de l’opposition, à telle enseigne que l’on devine les ambitions au travers. Il y a aussi toutes ces phrases assassines, ces accusations et aussi ces tentatives de "révision" de l’Histoire qui fusent de partout à travers un déballage qui ne dit pas son nom et qui, au final, donne une piètre image du monde politique incapable de porter un projet de société, encore moins défendre un programme de gouvernance. Voilà à quoi nous assistons aujourd’hui : au réveil de la pensée du vide ! Il est toujours déprimant de voir revenir, avec des couleurs d’avenir, ce qui a assombri le passé.

A qui la faute ? Aux institutions qui nous condamnent à ce spectacle politique désolant et à ce multipartisme de façade, qui n’intéresse que ceux qui en font commerce ? Ou à tous ceux qui ramènent tout à une course à l’élection présidentielle de plus en plus semblable à ces tours de manège, où les enfants s’essaient à décrocher le pompon, avec l’assurance de n’avoir à l’arrivée ni projet, ni méthode, ni volonté politique ? Encore moins, le souci de tenir leurs promesses de campagne, ou leurs engagements d’opposants démocrates ?

L’Algérien, le citoyen lambda est à mille lieues de tout ce remue-ménage. Loin, par exemple, de l’ambition d’Amar Saâdani de remporter la majorité au Sénat et supplanter, ainsi, son "ami" Ahmed Ouyahia ! Il ne se reconnaît pas aussi, dans ce qui agite tous les "politicards" qui s’emploient, par tous moyens, à consolider leurs "baronneries" et leur "carriérisme" politique. Il faut que cela cesse, parce que c’est trop ! Et rien que pour ça, il faut, pour le moins écouter et donner le temps au président de la République, lui qui s’apprête à livrer son projet de nouvelle constitution et surtout qui vient d’accéder à la principale revendication de l’opposition, à savoir : "La mise en place d’une instance indépendante pour la surveillance des élections" !

Sachant cela, pourquoi cette dernière s’entête-t-elle à se livrer à une fronde systématique, ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, qu’elle doit perdre son sens critique et sa capacité de proposition ? Les changements constitutionnels annoncés ouvriront la voie, assure-t-on du côté de la présidence de la république à une transformation en profondeur de la vie politique, permettant ainsi à l’opposition parlementaire de «saisir le Conseil constitutionnel» et d’exprimer , ainsi, son avis en toute démocratie.

Une deuxième république, se sont précipités à affirmer les plus optimistes d’entre-nous, auquel cas, il sera enfin possible d’engager les réformes structurelles dont a besoin notre société embrigadée dans des structures conçues dans le passé, avec un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Alors, disons-le, sans ambages, il est temps de " laisser les armes aux vestiaires". Le pays a besoin d’une "trêve politique". Maintenant !

Toutes les bonnes volontés où qu’elles se trouvent, doivent se mettre en synergie pour débattre des problèmes du pays, même si personne n’imagine qu’on est convié à se tenir la main, tendrement, les uns et les autres pour le plus grand bonheur possible. Ce serait ridicule et même malsain, car la démocratie, c’est aussi la bagarre et l’alternance.

Dans l’urgence d’aujourd’hui, on pourrait admettre qu’il existe des choses plus urgentes que celles consistant à exiger une période de transition ou des élections présidentielles anticipées. Peut-on alors, espérer des politiques de tous bords, une petite pause dans leurs chers pugilats afin de permettre au pays de souffler, de se mettre en ordre de marche et de s’en sortir. Et aux justes réformes d’aboutir. Et passé le plus dur, le jeu de massacre pourra recommencer gaiement ! Bien entendu, ce n’est pas facile, car cela revient pour chaque camp à brutaliser son aile la plus conservatrice.

Gouverner, c’est tendre jusqu’à casser tous les ressorts du pouvoir, disait Clémenceau, figure française de "l’Union Sacrée" pendant la grande guerre, et qui n’a jamais cessé de boxer, férocement, ses adversaires politiques.

Cherif Ali


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Commentaires (4) | Réagir ?

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Atala Atlale

"Peut-on alors, espérer des politiques de tous bords, une petite pause dans leurs chers pugilats afin de permettre au pays de souffler, de se mettre en ordre de marche et de s’en sortir. Et aux justes réformes d’aboutir. Et passé le plus dur, le jeu de massacre pourra recommencer gaiement ! Bien entendu, ce n’est pas facile, car cela revient pour chaque camp à brutaliser son aile la plus conservatrice. "

À travers ce paragraphe de M. Cherif Ali, on peut déduire que l'auteur se place au-dessus de la mêlée lui, en occultant les actes de malgouvernances ayant conduit le pays à cette situation, vous proposez tout simplement une amnistie générale sur tout. Une espèce de perte et profits en quelque sorte. Non Monsieur, il s'agit du passé et de l'avenir de ce pays, pas un match de boxe où l'on sonne une pause pour reprendre ensuite la bagarre. Désolé.

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klouzazna klouzazna

A recommander l'excellent livre...

"Abane : le faux procés" de Mr Khalfa Mameri, edition Mehdi de Tizi-ouzou

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