Des rapports internationaux contredisent les déclarations populistes des ministres des Finances et de l'industrie

Abdesselam Bouchouareb, ministre de l'Industrie, enfume la scène algérienne avec ses déclarations rassurantes.
Abdesselam Bouchouareb, ministre de l'Industrie, enfume la scène algérienne avec ses déclarations rassurantes.

Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, vient de déclarer que l’Algérie ne connaît pas de crise, que l’intégration du capital argent de la sphère informelle se dépose normalement dans la sphère réelle, malgré le dérapage accéléré du dinar qui accélère la méfiance vis-à-vis du dinar. Le ministre de l’industrie déclare que l’environnement des affaires est en nette amélioration et que tout baignera dans l’huile avec le nouveau code des investissements au moment où tous les rapports internationaux qui guident les hommes d’affaires disent tout le contraire. Que l’on ne vienne pas encore invoquer l’ennemi de l’extérieur, les véritables producteurs de richesses algériens connaissant parfaitement les entraves.

Ces ministres vivent-ils dans une autre planète car existe une différence entre l’activisme et les résultats palpables, qui intéressent tant les investisseurs que le citoyen algérien. Que le ministre des Finances donne le montant exact des privés informels qui ont déposé leur capital argent et le ministre de l’industrie la valeur ajoutée interne et les emplois productifs crées dans l’industrie par l’apport d’investisseurs locaux et internationaux entre 2013/2015? Selon mes informations, ces deux ministres ne sont pas crédibles ni au niveau national et encore moins au niveau international et s’ils sont reçus avec des sourires par certains partenaires étrangers, c’est qu’ils représentent l’Algérie, pas plus. S’ils étaient de simples citoyens, donc non ministres, ils ne seraient certainement pas reçus au niveau des institutions internationales et grandes universités qui ont besoin de clarté et de crédibilité et non de discours populistes démagogiques qui avec l’ère d’internet ne portent plus.

1.- Un climat des affaires bloquant les initiatives créatrices

Concernant le climat des affaires en Algérie nous avons deux rapports récents. Celui de Word Economic Forum et le BOieng de la banque mondiale. Pour le rpemeir rapport le classement annuel 2015/2016 du The Global Competitiveness Report 2015–2016 du World Economic Forum concerne 140 Etats qui vient de paraitre le 30 septembre 2015 à Genève, concernant les contraintes du milieu des affaires et l’efficacité économique dans le monde de 140 pays est établi sur la base d’une centaine d’indicateurs quantitatifs émanant des Etats membres et des organisations internationales (Banque mondiale, FMI, UIT, CCI, UNESCO...) ainsi que d’enquêtes qualitatives réalisées par le WEF lui-même. On doit tirer les enseignements pour l’Algérie qui a perdu 8 points, passant du 79e au 87e rang sur un total de 140 pays.

Dans la onzième édition de ce rapport, l’Algérie a obtenu un total de points de 3,97 sur 7 contre 4,08/7 points lors de l’édition précédente. -la taille du marché 37e, -l’équilibre macro-économique. Mais l’enquête a été réalisée avant l’analyse de l’impact de la baisse des recettes de Sonatrach sur les équilibres financiers, 38e place -l’efficacité des institutions le classement est de 99e ; -l’efficacité des infrastructures 105e, -l’enseignement supérieur/formation 99e, -l’efficacité du marché des biens 134e, -l’efficacité de l’éducation/santé 99e,-l’efficacité du marché financier 135e, -l’efficacité du marché du travail 135e, l’efficacité de l’innovation technologique 126e. Le bilan pour l’Algérie est très loin des potentialités du pays et elles sont énormes renvoyant au mode de gouvernance. Par ailleurs, l’assureur international Credendo dans sa note datant du 2 octobre 2015 dont les notes et rapports sont considérés comme une référence mondiale par les investisseurs internationaux, vient de dégrader l’Algérie dans la catégorie C, à savoir la catégorie des pays présentant le risque commercial le plus élevée (sur une échelle allant de A à C), invoquant , un soigne négatif pouvant décourager les investisseurs étrangers à venir en Algérie, la raison invoquée étant .une dépréciation d'environ 30% du dinar algérien par rapprt a dollar, l’économie algérienne demeure dominée par l’État avec la règle 49/51% et s’avère encore déficiente en matière d’efficacité économique.

Concernant le second rapport, dans l’édition 2016 du "Doing Business", l’Algérie perd 9 places passant de la 154e à la 163e position sur un total de 189 pays, contre 115e en 2008 et 163e en 2015 , proche des pays en guerre comme la Somalie, la Libye, la Syrie ou à la Centrafrique. Le Maroc passe de la 80e à la 75e place et la Tunisie est classée à la 74e place.

A titre d’exemple, pour l’’accès à l’information sur le financement (crédit), l’Algérie est classée 174e sur 189 pays ; . pour obtenir un permis de construire,( classement 122e) il faut en Algérie selon la banque mondiale ce 17 procédures et un temps d’attente de 204 jours, entrainant .un surcout de 0,9% du coût global du projet. Pour le raccordement au réseau électrique, il faut 5 démarches administratives, 180 jours toujours avec des surcouts exorbitants. Pour l’environnement juridique dont "l’exécution des contrats" et la résolution des litiges contractuels, il faut en moyenne 630 jours avec un coût équivalent à 19,9% de la valeur du contrat, Pour enregistrer d’un transfert de propriété, mesurant l’efficacité de l’administration foncière, il faut 10 procédures distinctes et 55 jours, soit plus de 7% de valeur de la propriété, l’Algérie étant classée à la 163e place , tandis que la Tunisie est 86e et le Maroc est 76e. Pour la protection de ‘l’investissement lié à la liberté d’entreprendre, l’Algérie est classée à la 174e place sur 189 pays. Concernant le commerce transfrontalier donc les procédures pour les importations et exportations, L’Algérie est classée 176e toujours sur 189 pays avec des surcouts exorbitants 267 heures et 1 000 dollars nécessaires pour réaliser une opération d’exportation, entre la mise en conformité documentaire et pour les importations, il faut compter 576 heures 866 dollars pour le même type de procédure. Cela n’est pas nouveau puisque qu’un rapport remis à la demande du gouvernement algérien par la banque mondiale datant de 2009, mais toujours d’actualité concernant les infrastructures montent clairement pour les infrastructures des surcouts dépassant parfois 30% par rapport aux normes internationales. La raison principale de ce manque d’attrait à l’investissement productif sont les incohérences des politiques 1963/2015 qui se fondent sur la rente et le monopole. Déjà en 2001, (1) j’avais proposé une grille de lecture à savoir les liens dialectiques entre l’évolution de la rente pétrolière et gazière, le façonnement de la société algérienne en monopole politique, social et économique, et les différentes logiques de pouvoir. Toutes les politiques socio-économiques depuis l’indépendance politique, devant éviter la sinistrose, tout ce qui a été réalisé n’est pas totalement négatif, mais beaucoup d’insuffisances et de gaspillage, ont eu pour soubassement le cours du Brent (le gaz étant indexé sur un panier de brut) ainsi que de l’évolution du cours du dollar. Ainsi, les différentes politiques économiques par le passage de la couche dominante monopolo-technocratique de 1963 à 1978, à la couche monopolo bureaucratique de 1980 à 2014 a pour fondement la rente, le monopole, un discours populiste produit des différents rapports de forces. La crise, depuis 1986 et depuis juin 2014 avec la chute de la rente des hydrocarbures, a permis de mettre à nu cette logique de la fin de l’Etat- providence, l’aboutissement a été la cessation de paiement et le rééchelonnement en 1994, en espérant ne pas renouveler cette expérience horizon 2018/2019.. La révolte contre l’Etat propriétaire gestionnaire traduit en fait son incapacité à continuer à entretenir, comme par le passé, de vastes couches improductives qui constituent, par excellence, la base de ce pouvoir. La marginalisation du travail et de l’intelligence est dû au fait que la reproduction du système ne repose pas sur l’extraction de surplus basé sur le travail mais sur la rente dont la redistribution permet une paix sociale fictive.

2.- Pour des réformes structurelles liant dynamique économique et dynamique sociale

Aussi, il me semble acquis que la démocratisation dans tous les domaines de la vie sociale, rompant avec les pratiques néfastes du passé, soit la seule voie de salut pour une Algérie prospère, dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux compte tenu de la métamorphose du monde. Mais que l’on s’entende bien, il y a solidarité entre la démocratie politique, sociale, culturelle et économique. On ne peut se targuer d’être un quart démocrate par exemple, en politique, mais pas en économie, au niveau social et culturel. La démocratie politique suppose la libre action des partis sur la base de respect des idées d’autrui, d’un programme clairement défini. La lutte doit se dérouler sur le plan des idées à mettre en œuvre en cas où l’opposition arrive au pouvoir. Le pouvoir est le pouvoir et l’opposition est l’opposition. Sur le plan social, le syndicat unique est à jamais révolu. La pluralité syndicale, l’implication de la société civile, à travers leurs organisations économico-sociales, est le signe de la vitalité de toute société par la naissance de nouvelles organisations, nouvelles dynamiques, poussant les anciennes plus conservatrices par définition, au changement nécessaire. La démocratie culturelle implique la reconnaissance des spécificités culturelles, la refonte de l’ensemble du système socio-éducatif car l’homme, pensant et créateur, doit être le pivot de tout processus de développement s’adaptant au monde en mouvement. Je suis convaincu que le XXIème siècle sera culturel ou ne le sera pas, ce qui serait préjudiciable à l’ensemble de l’humanité. L’élément inter-culturalité est la base des échanges, par le combat, contre toute forme de racisme et de diktat de la pensée unique, signe le plus évident de décadence de toute société.

La liberté des médias, à travers une concurrence loyale durant cette phase de transition en Algérie, doit être une préoccupation constante, ainsi qu’à un renouveau culturel pour véhiculer le nouveau mode de pensée. La démocratie économique n’est que la traduction de l’instauration de l’économie de marché concurrentielle à base de concertation sociale dans le cadre de l’interdépendance mondiale- projet de société économique qui a l’adhésion de majorité de la population qui aspire à un changement. Sur le plan économique, les axes à mener avec énergie comme condition de sortie de la crise, sous réserve de la mise en place des solidarités démocratiques analysées précédemment sont les suivantes : les mesures concernent le régime des changes mais devant éviter l’illusion monétaire passant par la réforme du système monétaire et financier, la liberté d’entreprendre , la libéralisation maitrisée des prix et compensations d’émissions, la rationalisation des finances publiques, la réforme de l’entreprise publique , le nécessaire développement du secteur privé, la dynamisation du secteur habitat, la politique de l’environnement, l’amélioration des données statistiques, la réforme du secteur agricole, et enfin point important, la mise en place d’un véritable marché du travail (mobilité et flexibilité) tout en protégeant les droits des travailleurs et surtout la mise en place du filet social (lutte contre la pauvreté et assistance sociale aux plus démunis.

L’économie de marché véritable ne saurait se limiter à la sphère commerciale mais induit une croissance durable basée sur la production de richesses permanentes tenant compte du bouleversement technologique mondial et de la concurrence internationale, l’Etat régulateur étant le garant du contrat social. Cela doit se caractériser par la lutte contre tout monopole qu’il soit de type public ou privé. La concurrence doit s’effectuer loin de toute vision de modèle périmée, (d’économie autocentrée stalinienne) par l’entrée de l’Algérie dans le cadre de la division internationale du travail à travers la stratégie tripolaire (ALENA, APEC, Europe via Afrique dont la Méditerranée constitue un sous- segment dynamique) qui se dessine à l’horizon 2015-2020. Il y a nécessité de repenser le nouveau rôle de l’Etat Régulateur qui devrait s’adapter à la nouvelle économie mondialisée et aux règles universelles de l’économie de marché, pour se consacrer à sa mission d’encadrement macro-économique, macro- sociale, et investir dans certains segments en amont, dont la maturation est très lente. On ne peut séparer la dynamique économique et la dynamique sociale. Cette solidarité des démocraties – en fait de la démocratie, trouvera des oppositions des rentiers, dont le fonctionnement occulte a conduit à la crise multidimensionnelle que l’ensemble de la population vit dramatiquement. Ce qui explique certaines dénaturations des réformes irréversibles pour asseoir la véritable démocratie et adapter l’Algérie aux mutations mondiales pour un monde multipolaire. Il s’agit d’avoir une vision stratégique clairement affichée de passage d’une économie rentière à une économie basée sur le travail et la récompense de l’effort. Cela suppose de restaurer l’autorité de l’Etat selon une vision démocratique : trop d’autoritarisme brise les libertés et les énergies créatrices, mais pas d’autorité conduit à l’anarchie, tout cela renvoyant à la refondation de l’Etat sur al base de libertés bien comprises. Ces lignes directrices impliquent donc une synchronisation des tactiques pour optimaliser l’efficience économique et sociale, donc une stratégie clairement définie dans le temps évitant l’actuelle instabilité juridique qui décourage tout investisseur potentiel. Cette politique devra être menée par des hommes convaincus par les réformes. La transparence et le langage de la vérité s’imposent pour une adhésion de l’ensemble des citoyens à la philosophie générale des réformes, dont l’accélération est la seule voie pour l’amélioration des conditions de vie des plus défavorisés. Et c’est là, que l’on trouve le rôle fondamental de l’Etat : lutter contre les disparités régionales à travers une politique d’aménagement du territoire base de la décentralisation économique, de l’implication des acteurs locaux, une nouvelle politique de la ville afin d’éviter ces gigantismes sources de délinquance, de prostitution et cause de surcoût supporté par un transfert d’impôts, lutter contre l’exclusion, intégrer la sphère informelle qui draine plus de 40/50% de la masse monétaire en circulation et garantir la cohésion sociale par la conciliation des coûts sociaux et des coûts privés.

En résumé le langage de la vérité et leur moralité doivent guider nos responsables. L’Algérie peut surmonter la crise multidimensionnelle passagère à laquelle elle est confrontée en instaurant une véritable société démocratique conciliant son authenticité et l’ouverture sur la modernité et ce afin de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie productive, liée à la transition énergétique reposant sur un Mix énergétique, devant conciliant efficacité économique et équité, les politiques parleront de justice sociale, qui ne sont pas antinomiques, bien au contraire, la justice sociale bien ciblée, ne signifiant en aucune manière égalitarisme, renforçant l’efficacité économique globale.

Dr Abderrahmane Mebtoul, expert International en management stratégique

(1) Voir Pr Abderrahmane Mebtoul "L’Algérie face aux défis de la mondialisation", deux tomes office des publications universitaires (OPU) Alger 2001 (570 pages)

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Commentaires (2) | Réagir ?

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klouzazna klouzazna

Le blanchiment d'argent n'a jamais un jour constitué un investissement rentable !!! mais plutot un cancer qui ronge l'économie d'un pays !!!

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Bachir Ariouat

Monsieur, si cela peut vous rassurez, sachez que personne ne croit plus au discours des ministres de ces régimes, d'ailleurs pas plus aux hommes de l'oppositions qui sortent pour la majorités d'entre eux du sérail du régime, c'est bien vous faites votre travail, c'est pour vous rassurez à notre tour.