Activité politique : les privilégiés de l’absence à projection

L'opposition peine à exister dans la société encore moins à peser sur les agissements du pouvoir.
L'opposition peine à exister dans la société encore moins à peser sur les agissements du pouvoir.

L’action politique est en train de tomber dans les travers d’une contingence accaparée par l’alliance contractée par les forces bourgeoises avec les appareils répressifs (*).

Cette alliance dénature le fait politique et aiguise les tendances conservatrices dans lesquelles aiment à survivre les personnels politiques. Nous avons lu que des partis vont reprendre le travail politique à la rentrée, comme s’il s’agissait d’une administration qui, sans aucune retenue morale, dévitalise les forces vives de l’entité de référence. Comme si les citoyens devraient attendre les réunions rituelles des états-majors des partis. Attendre pour pouvoir exprimer des espoirs qui finiront dans des déclarations lues à la presse, laquelle fait tourner des fonds discursifs au profit des logiques conservatrices. Attendre l’autorisation des organes de médiatisation, dont la logique a été fournie par l’idéologie officielle.

L’acte politique est confisqué par un personnel obsédé par les logiques bourgeoises. L’on pourrait dire, sans risque réel de se tromper, que la quasi-totalité des partis ont abandonné les classes défavorisées dans des terrains contrôlés par les appareils répressifs. Les agents officiels n’y tiennent qu’une place déterminée. Contrairement à ce que ne cessent de dire certains politiques, la répression n’est pas l’exclusivité des appareils d’Etat, lequel, tout le monde le sait, est confisqué par une secte qui en fait la propriété. C’est une mafia qui a réussi son auto-moralisation (une légitimation pathologique) : c’est le cas de tous les systèmes historiques, à l’instar du colonialisme. Les partis qui étaient attachés aux préoccupations populaires ont carrément changé de posture, en troquant l’engagement matériel contre le confort de l’image (cela nous rappelle le personnage Beck de La Lenteur de Kundera).

Les partis ont décidé de transformer le politique (qui veut dire l’association du peuple à la gestion des affaires de la Cité, notamment d’après ce que nous ont appris les révolutionnaires algériens) en un simple jeu électoral à l’issue duquel le parti viendrait grossir ses rangs par des militants en rupture de ban avec la contrainte doctrinale. Cette dernière donne, à l’aide des outils (conventionnels) de lutte, vie aux sujets du parti, en créant des espaces d’auto-identification, où il n’est pas demandé des investigations incriminantes des subjectivités propres aux militants (chacun sait que les choix des caps politiques survivent difficilement aux mécaniques totalitaires, dont les schémas d’action). L’errance idéologique donne à la difficulté de réflexion le droit d’être citée comme cause qui permet aux agents idéologiques d’adhérer aux logiques régressives, sur lesquelles sont, d’ailleurs, fondés beaucoup de programmes politiques, notamment en Algérie. Beaucoup de partis ont de vrais contentieux avec eux-mêmes concernant la question doctrinale. Réduits aux carnavals électoraux, les partis croient pouvoir relayer leurs idées par des rencontres (fermées, puisque toute personne voulant y intervenir passerait par le filtre dressé par les agents du parti –pratique copiée des régimes totalitaires) auxquelles ne sont invités que les familiers, les courtisans, les dociles et la clientèle. Le débat n’est qu’un slogan, notamment chez la gauche, c’est-à-dire les partis historiques. Les questions fondamentales des citoyens ne sont même pas pensées par les instances des partis, lesquels prennent les préoccupations des groupes sociaux (qui ne sont pas visibles dans l’épistémè relayée par les centres médiateurs de l’opinion) pour des futilités qu’on n’hésiterait pas, par ailleurs, à mobiliser pour récupérer des voix, errantes et tenues en suspens, que l’auto-passion réussirait à capter. Quel beau rôle que de considérer sa posture politique comme transit, par lequel la passion accèderait à l’échelon bourgeois, promis par les fonctionnaires des partis, surtout en périodes électorales ! Beau cadeau pour ceux qui prennent le politique pour des moments d’habillage passionnel, payé par les désirs d’autoservitude et de commutation de la peine phénoménale infligée au désir de présence collective !

Toutefois, la préoccupation centrale des officines du pouvoir politique, c’est justement de contrôler l’espace politique. Le discréditer, le politique, étant dévolu aux fonctionnaires des partis, y compris ceux qui prétendent vouloir refonder l’espace national. Les fonctionnaires des partis jouent très bien le jeu. Tout est parachuté d’Alger, comme si les masses sont réduites à n’être que l’instance exécutive d’un pouvoir législatif qu’elles n’ont pas élu. Ce pouvoir –je parle du pouvoir exercé par les directions nationales des partis- décide de tout, ne fait rien pour traquer les logiques régressives installées par les grands centres idéologiques (c’est-à-dire ceux qui aspirent à conquérir l’Histoire). Les sections, les bureaux de wilaya sont tenus d’exécuter les caprices de secrétaires sans subjectivités politisées, recrutés (donc sans aucune conviction) par des partis qui veulent doubler l’aspiration spirituelle de l’abdication à l’Histoire. Les directions nationales ordonnent et les organes locaux exécutent.

Dire non au pouvoir politique ne veut nullement dire désamorcer les logiques par lesquelles fonctionne ce pouvoir.

Les diverses organisations qui occupent l’espace public (et qui ont pour but le changement politique) se régalent du conditionnement à la stupidité auquel elles sont soumises. La radicalité se dissout dans le temps qui profite aux systèmes transhistoriques garants de la légitimité des édifices culturels historiques, dont les appareils répressifs actionnés par la posture Etat, laquelle posture se substituait à Dieu. Les luttes ont commencé bien avant l’indépendance, idée que les acteurs dits politiques préfèrent jeter dans la mémoire péthétisante, laquelle mémoire doit se fondre dans l’existentialité politique. Au lieu de chanter la patrie, il serait plus rationnel de la faire ; je ne me permets bien évidemment aucun dérapage moral. L’esprit de capitalisation (idée que nous apprenons de l’éminent économiste algérien Hadj Nacer) est sinon nié, du moins haï, par les divers animateurs politiques. Et je pense que certains états-majors de partis ont bien vu, lorsque certains avaient voulu faire abdiquer la réflexion pour satisfaire des pulsions conjoncturelles et extrémistes qui ne doivent pas engager l’entité de référence. La mouvance politique ne veut pas dire forcément les spectacles, les attroupements et les marches, si elle s’entête à s’exclure comme principe d’opération dans l’imagination de la praxis de la collectivisation définitive. Les militants s’oublient dans un collectif historique qui ne tardera pas à être férocement déchiqueté par l’usure existentielle. Cette posture est le mal absolu qui atteint les apprentis de la politique.

Pour conclure, il faut saluer le travail mené par les militants de sections. Surtout ne pas s’ingérer dans les affaires des partis, lesquels subissent toutes sortes de pressions, de menaces et de… tentations. Tirer sur l’ambulance, n’est-ce pas secourir les oppresseurs ?

Nos gouvernants osent nous lancer des avertissements pour nous préparer à affronter la crise qui pointe à l’horizon. C’est extraordinaire comme manière d’imagination de l’espace collectif. Les opprimés sont haïssables, parce qu’ils acceptent de payer sans qu’aucune facture ne soit établie et ne leur soit adressée. Nous avons déjà appris l’existence de la pulsion de s’anéantir que les faibles se recommandent, juste pour élargir aux oppresseurs l’espace paradisiaque.

Madi Abane

(*) Ce texte est un commentaire de l’activité politique qu’on voit dans l’espace national. Que toute animosité ressentie dans le texte me soit pardonnée. Tous les militants sont à saluer, y compris ceux qui ne trouvent d’intérêt dans le débat que le désir raviver les idéologies paralysantes. Tant que le néant menace de nous contrôler, l’Etre n’a pas à tendre à l’idiotie, qui ne fait que renforcer les pouvoirs des logiques régressives. Dur de dénicher ces logiques, car elles sont éclairantes de nos peurs, nos peurs à nous détacher des mécaniques garantes de notre héritage.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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elvez Elbaz

Une opposition canada dry!

Hé, oui!

Pourtant çà a le"bomber de torse"d une opposition. La "vocifération" d une opposition. La "harangue"d une opposition. Le"retenez moi sinon je fais un malheur"d une opposition.

Mais ce n'est pas une opposition!

Mais un ersatz d opposition style "ôte toi de là oh!makhzen clanique bouteflikiste pour que je prenne ta place et que je place mes hommes et on repart pour un tour. Un autre tour de cinquante infernales annees!

Transition democratique, comme ils disent, en écumant leur bave médiatico-satellitaire londonienne, du côté des qataro-fisiste du "kabylophobe benchenouf and co!

Pousse pas trop fort le "fauteuil roulant" khouya said sidi ahbibi!çà me donne des vertiges!

WAkhaq A MOULAY sidi khouya abelaziz 1é!

Yek le peuple a voté?!

Le peuple a voté et a bien voté !MOULAY sidi khouya !!

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Atala Atlale

M. Ghoul dans le soir d'algérie dit "Tout le monde attend la constitution"

Mais si tout le monde attend cette fameuse constitution, pourquoi tout le monde ne peut en donner son avis ? Eh oui ! Puisqu'il n'y aura pas de référendum. Cela se fera entre les copains qui logent dans les deux chambres, celle du Haut et celle du Bas.

Eux donc, par la force de ces institutions illégitimes, lèveront haut et fort la main pour dire "OUi" nous représentants du Peuple votons favorablement au projet de cette nouvelle constitution.

Comment n'en serait-il pas ainsi ? Tous les avantages et autres passe-droits seraient perdus sans cela : Passeport diblomatic, bureau, secrétaire, hôtellerie, restauration aux frais de la princesse, relations fructueuses, terrains, affaires.

Mais disons le franchement à ces mercenaires en col blanc, "N'avez vous pas honte de trahir ce pays et son peuple, ne voyez-vous pas où va l'Algérie ?"