Derrière l'arrestation du général Hassan ...

Saïd Bouteflika se prépare à hériter de la présidence que lui léguera son frère Abdelaziz Bouteflika.
Saïd Bouteflika se prépare à hériter de la présidence que lui léguera son frère Abdelaziz Bouteflika.

Avec l'arrestation du général Hassan, ancien chef des services de renseignements algériens en charge de la lutte contre le terrorisme, quelques heures à peine après l'annonce par Madani Mezrag, ancien chef de l'Armée islamique du salut (AIS) de la constitution de son parti (qui n'est autre que le nouveau FIS), se confirme et s'accélère la stratégie du clan Bouteflika de pérennisation de son règne même après la mort de l'actuel chef de l'Etat.

Mohamed Benchicou

Le projet de Bouteflika, annoncé déjà dans une chronique TSA du 25 mai 2014, consiste à laisser à son successeur (ici, le jeune frère Saïd) une nouvelle "légitimité", un terrain viabilisé, débarrassé des vieux partis discrédités, de l'hostilité islamiste et de la chape du DRS, un système bâti sur la "rénovation et la paix". La rénovation serait assurée par l'ouverture sur la société civile et la promotion d'une nouvelle élite politique rajeunie ; la paix étant garantie, elle, par un pacte avec les islamistes La sortie de Mezrag valide ce que nous écrivions : "Le projet politique (du Président) reposera sur les forces qui, pense-t-il, vont donner au système une nouvelle validité : une coalition impliquant la société "civile" et à laquelle se joindraient les islamistes de l’ex-FIS ! Le jeune frère évoluerait sur un terrain viabilisé : consensus total ! Le fondement de la nouvelle "légitimité" du système reposerait sur la "rénovation" et la paix. La "rénovation" par une nouvelle classe politique qui remplacerait les anciennes structures discréditées ; la paix par une concession politique majeure aux Islamistes radicaux, c’est-à-dire le retour de l’ex-FIS sur la scène politique !

L’accord entre la présidence et les chefs de l’ex-FIS reposait sur un marché exceptionnel : "la réhabilitation politique, c’est-à-dire la possibilité de créer un nouveau FIS qui s’intégrerait dans l’architecture du futur pouvoir de Saïd Bouteflika."

Le général Hassan de son vrai nom Abdelkader Aït-Ouarab, très proche du général Toufik, était parmi ceux qui s'opposaient frontalement à ce projet et qui l'avaient fait capoter une première fois en 2007.

Nous étions à la fin du mois d’août 2007 et le chef de l’État venait, en cavalier seul, de donner un brusque coup d’accélérateur au pacte avec les intégristes : il accorda aux anciens du Front islamique du salut (FIS, dissous) et à ceux de l’Armée islamique du salut (AIS), le droit de revenir à la politique, contredisant ainsi les lois du pays. Son négoce était clair : obtenir coûte que coûte le cessez-le-feu et se faire consacrer comme l’homme de la paix auquel le troisième mandat serait tout destiné. Les chefs de l’AIS se sont engagés, en effet, à "persuader" leurs amis terroristes encore actifs d’abandonner les maquis. Dès juillet, ils font parvenir, au nom du président Bouteflika, un "message de paix" aux émirs du GSPC. En contrepartie d’une si louable prestation, les dirigeants intégristes recevraient carte blanche pour créer un "nouveau FIS."

Madani Mezrag, habilement, rend public le marché conclu avec Bouteflika lors d'une conférence de presse, le 16 août 2007, et annonce la création prochaine d’une nouvelle formation politique qui succéderait au FIS. Il prend même un accent frondeur pour l'occasion : «Des droits politiques et civils nous ont été accordés dans le cadre de l’amnistie, et notamment la participation aux élections, et ces droits inquiètent déjà certaines personnes influentes au pouvoir, qui cherchent à nous barrer la route. Nous concrétiserons ce projet s’il le faut sans l’approbation du ministre de l’Intérieur», ajoute-t-il, laissant entendre l’appui direct de Bouteflika. Ledit ministre de l'Intérieur n'était autre que Yazid Zerhouni. Interrogé par la presse, le 2 septembre, il confirma les propos de Mezrag : "Les activistes de l’Armée islamique du salut dissoute, qui ont fait part de leur intention de revenir à l’activité politique dans un nouveau parti, peuvent présenter leurs dossiers !» Une déclaration qui jeta le trouble au sein de l’opinion et qui confirmait bien la détermination du président de permettre le retour du FIS. La déclaration de Zerhouni est, en revanche, chaudement accueillie par les dirigeants du parti dissous. "Yazid Zerhouni a agi en tant qu’homme d’État qui respecte la loi et la Constitution ainsi que le droit des citoyens à s’organiser dans un cadre légal", déclare aussitôt Madani Mezrag à El Khabar.

Entre-temps, le 14 août, une bombe déchiquette la voiture d’un proche de Mezrag, le chef islamiste Mustapha Kertali, ex-émir de la phalange (katibat) Errahmane. Il en sort vivant mais perd une jambe. "Cet attentat, c’est un message d’avertissement adressé par les ennemis de la réconciliation», dira-t-il sur son lit d’hôpital. L'ancien chef terroriste, dont les hommes avaient, entre autres, égorgé la jeune Amel parce qu'elle ne portait pas le voile, reçoit une lettre de sympathie de la part de Bouteflika.

Bien qu’Al-Qaida ait revendiqué l’opération contre lui, Kertali regarde en direction des Tagarins : "Al-Qaida a peut-être perpétré et revendiqué l’attentat mais les bénéficiaires de cet acte sont ailleurs."

Mais le rapport de forces n'était pas tout à fait en faveur du clan Bouteflika. Une grande partie de la hiérarchie militaire désapprouva cette transaction machiavélique, funeste pour le pays, aventureuse pour eux. Bouteflika était allé plus loin que ne prévoyait la "lettre de mission" qui lui avait été remise en 1999 et qui se bornait à assurer la reddition de l'AIS en échange de l'impunité et d'avantages matériels. Résultat : le mardi 4 septembre, fidèle à sa renommée, le ministre Zerhouni se rétracte à partir de Jijel, déclarant devant des journalistes ébaubis : «Tout retour des responsables du parti dissous sur la scène politique est exclu. Ceux qui évoquent aujourd'hui le retour des anciens responsables du FIS à l'activité politique semblent oublier que la plaie du terrorisme est encore ouverte»

La pirouette fit rire tout Alger. Aujourd'hui, en 2015, on risque de rire beaucoup moins.

L'emprisonnement du général Hassan annonce la volonté de museler tout adversaire du pacte Bouteflika -AIS.

Quelque chose a changé dans le terrible bunker du pouvoir algérien.

MB

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Commentaires (16) | Réagir ?

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Mehdi marekchi

Jamais votre frère ne sera président, détrompez vous cher président, enfin président. Dans ce pays, il y a encore des hommes capables (dans le civil et le miliatire) de le défendre comme l'ont fait nos chouhadas.

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Chebel Assad

Oui à l'Etat de droit, à l'arbitrage de la loi et des institutions, non aux dépassements, à l'atteinte aux droits de l'homme, non à la vindicte, au lynchage, au lachàge!

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