Propagande sournoise et méthode Coué à l’algérienne

Kameleddine Fekhar, accusé d'atteinte à la surêté de l'Etat, en attendant son procès.
Kameleddine Fekhar, accusé d'atteinte à la surêté de l'Etat, en attendant son procès.

La tolérance n'a jamais excité de guerre civile ; l'intolérance a couvert la terre de carnage. Voltaire

Ce qui s'est passé à Ghardaïa n’est pas un événement anodin, comme essaie de le faire passer le pouvoir algérien et ses relais. Il ne peut être comparé aux dizaines d’émeutes constatées quotidiennement à travers l’Algérie. De par sa genèse et sa particularité, iI est gravissime et pourrait entraîner des conséquences imprévisibles. D'autant plus qu’il intervient à un moment de grands bouleversements et de fortes tensions dans le monde où certaines puissances créent et/ou entretiennent le chaos partout pour s’accaparer des matières premières et des ressources énergétiques afin de pérenniser leurs suprématies militaires, économiques et culturelles. La situation actuelle de l’Algérie n’est pas aussi faite pour arranger les choses. Elle est dirigée par un président sénile, impotent, vivant en quasi-réclusion. Il est absent de la scène nationale et internationale depuis bien longtemps. Il est totalement coupé des réalités du moment. Il reste obsédé par son seul "trône".

Le vrai pouvoir se trouvant ainsi aux mains d’une maffia "militaro-affairiste" dont l’unique souci est la prébende. L’Algérie se trouve totalement paralysée. Continuer à ignorer superbement les événements de Ghardaia , ou à les minorer en les qualifiant de simples escarmouches sans lendemain entre "Algériens", liés au chômage ou provoqués par les barons de la drogue comme le veulent certains, c’est faire preuve de cécité politique .À moins que cela ne soit qu’une simple diversion. Si on comprend la position des opportunistes et des affairistes, par contre celle de certains "intellectuels" algériens, l’est moins. Ce conflit vient ainsi mettre à nu, la politique chauviniste et exclusive pratiquée depuis longtemps par le pouvoir algérien. L’Algérie n’a jamais été si mal dirigée .Et les conflits si nombreux.La gabegie, la déprédation et le népotisme ont été érigés en mode de gouvernance. La corruption a gangrené toutes les strates de la société ; reflétant l’incurie du pouvoir. Quand l’argent coulait à flots, il était possible d’acheter la paix sociale et à contenir toutes sortes de revendications. Mais plus à présent, avec la dégringolade des prix de pétrole !

Tout est en ébullition ! Tout est remis en cause .Les sociétés se métamorphosent ! Les conflits de toutes sortes s’exacerbent. Le mur de Berlin est tombé, un nouvel ordre mondial est né. Mais les pays arabes (à l’exception de 2 ou 3) dirigés par des dictateurs ou des tribus, sont incapables de faire leurs mues ; préfèrant se réfugier dans un passé mythique plutôt que de faire face à l’avenir .Ils se désagrègent déjà alternativement face au plan de morcellement ! Beaucoup d’entre eux n’existeront peut-être plus sous leurs formes actuelles, dans un avenir pas très lointain!Le passé n’a jamais servi de garantie pour l’avenir. Avec ces bouleversements, tout s’accélère si vite et dans tous les domaines ! Ce qui était vu comme absolu hier ne l’est plus aujourd’hui.

Ne tirant pratiquement aucune leçon de ces événements, le pouvoir algérien tourne le dos à tous ces changements, et persiste dans son arrogance et sa politique fondée sur la médiocrité, le mensonge, le louvoiement et la répression. Il reste emmuré dans sa conception rétrograde de l’histoire. Il continue de pédaler dans la semoule en attendant que l'orage passe ! Il se gourre lourdement .Il ne sera pas épargné par la tempête !L’histoire à tendance à se repeter. L’Algérie n’est donc ni prête ni préparée à faire face à tous ces bouleversements et n’est pas au starting-block pour affronter aussi l’avenir.Elle est en réalité très fragile malgré le fardage. On assiste à un populisme démagogique, à une absence totale de l’État, à une régression caractérisée dans tous les domaines (social, culturel, religieux, idéologique, etc.), une fuite effrénée des cadres, des scientifiques, des écrivains, des artistes, etc vers l’étranger. C’est ce qui est le plus inquiétant. L’abdication (ou le deal !) devant les forces rétrogrades et passéistes est très flagrante. Ce qui laisse la porte ouverte à toutes les supputations. Certains journaux et chaînes de TV connus incitent à la haine, l’exclusion et à la violence religieuse sans être aucunement inquiétés.

- Ou sont-ce les signes avant-coureurs d’un projet concocté en catimini pour l’Algérie de demain : conformiste, inquisitrice, chauviniste, uniformisée, clanique ?

- Où les "minorités" (ethniques, religieuses, linguistiques) seraient stigmatisées, frappées d’ostracisme ?

- Où les Algériens "inofficiels" n’auront plus leur place, et ne seront "tolérés" qu’en abjurant leurs spécificités et en se «dissolvant» dans la majorité «officielle»et «normalisée» !

Cela n’est pas si loin d’un roman dystopique ! Mais la réalité dépasse parfois la fiction

L'hypocrisie feinte ou voulue de présenter l’Algérie comme un unique bloc homogène ; est historiquement une falsification. Cette vision mènera inéluctablement vers la prééminence d’une partie de la société sur l’autre avec les conséquences que l’on peut aisément deviner? En analysant le traitement réservé au conflit, on constate un parti pris évident aussi bien du pouvoir, de certains partis politiques, que de la part de beaucoup de médias. La réponse, au lieu d’être politique, a été répressive et militaire.On a choisi de sévir contre des opposants politiques dans une parodie de justice, et de laisser les vrais assassins courir.

Cela ne fera qu’exaspérer ceux qui sont victimes de cette injustice et renverra aux calendes grecques toute solution stable, durable et pacifique du problème. Montrant ainsi la voie à tous ceux à qui ne sont tolérés que "dissous" ! Au lieu d'analyser objectivement les vraies causes de ce conflit afin d’éclairer les Algériens, certains «intellectuels» de mauvaise foi ou par opportunisme, versent carrement dans des discours laudateurs, en avançant des explications saugrenues défiant tout esprit rationnel. La politique actuelle, hypocrite et sournoise mènera inexorablement, dans un avenir très proche, le pays, sinon vers un éclatement du moins vers une débâcle programmée et dont la responsabilité n’incombera qu’a ce pouvoir et à lui seul.

Une question mérite d’être posée : comment de pays tolérant, ouvert et avant-gardiste, l’Algérie a basculé dans un conservatisme archaïque, rejoignant le lot de certains pays aux idéologies rétrogrades et fanatiques? Comment a-t-elle permis à certains algériens, armés et imbus de haine religieuse viscérale et absurde, assassiner en toute impunité d’autres d’algériens dont l’unique tort est de ne pas faire partie de leur «majorité» religieuse» ? Il ne faut pas éluder le problème de fond et appeler un chat par son nom. Beaucoup d’indices et de témoignages crédibles le corroborent. Il s’agit bel et bien d’un conflit intercommunautaire à Ghardaia. Le silence de la société en général, ne fera d’ailleurs qu’encourager l’extrémisme sous toutes ses formes, à continuer son travail de sape partout en Algérie et à brouiller davantage les cartes. Ces crimes nous interpellent tous, et nous rappellent le danger de l’extrémisme et du fanatisme religieux et la violence sous toutes ses formes qui gangrène l’Algérie d’aujourd’hui.

On a bien vu sur des plateaux de télévision, certains hurluberlus lançant des appels au meurtre contre des écrivains, faisant l’apologie du Daech (acronyme de l’État islamique), des manifestants brandissant l’étendard de ce même Daech au centre d’Alger ; et entendu même un haut fonctionnaire des affaires religieuses et waqfs relamant une police des mœurs ! Rien que cela ! Nos héros doivent bien se retourner dans leurs tombes ! Eux qui se sont sacrifiés pour une Algérie moderne. Du moment que l’on y est, pourquoi alors ne pas légiférer sur le port de la ceinture de chasteté avec verrouillage numérique et GPS.Et cela, en 2015 ; au moment ou des pays découvrent une exoplanète à des milliers d’années-lumière de notre planète et se préparent à explorer Mars ! De même, le choix de l’armée pour la gestion du conflit à Ghardaia est la preuve indubitable de la faillite totale du pouvoir politique, et nous renseigne sur sa vraie nature.

Encore une fois, au risque de nous répéter, ce ne sont pas les militaires qui réussiront à ramener une paix durable ni à Ghardaïa ni ailleurs en Algérie ! Ce n’est nullement leur vocation. Ces affrontements intercommunautaires (comme tant d’autres) perdurent. Elles ne datent pas d’hier. Le pouvoir fidèle à lui-même a toujours préféré la mascarade à la vraie solution. Il pense les résoudre , en envoyant à chaque fois une procession de ses hauts représentants pour manger du couscous avec certains sages des deux communautés ou faire la prière du Maghreb avec les uns et l’Ichaa avec les autres. Puis exultant, il crie, pour ceux qui veulent bien l’entendre, la paix est revenue ! Le lendemain, les affrontements reprennent de plus belle !

Malheureusement pour lui, dans ce cas, l’autosuggestion ne lui est d’aucun secours. Que nous sommes encore loin, trop de l’état de droit dont on aime tant gaver les Algériens et les étrangers! C’est n’est qu’un mythe comme tant d’autres! Aux revendications et manifestations légitimes et pacifiques en Algérie, on assiste toujours à la sempiternelle et vieille rengaine aussi bien de la part du pouvoir que d’une certaine classe politique affairiste, opportuniste et aux ordres : le complot, la main de l’étranger, les forces occultes, etc.

Grotesque, et ridicule comme dirait l’autre ; et avec juste raison. Et même lors des événements tragiques, cette thèse était soutenue. Comme si tous les Algériens étaient des mineurs, des irresponsables ou n’étaient que des enfants de cœur ! Cela a été déjà entendu quand l’Algérie était confrontée au terrorisme intégriste et menacée dans son existence même. Certains ne cessaient de rabâcher que ce n’était pas des Algériens qui massacraient, égorgeaient, violaient, brûlaient.Et pourtant. Cela sort du domaine de la raison et relève plutôt de la psychanalyse !

Vivons-nous dans un pays "orwellien" conditionné, qui a perdu toute raison et courage, pour croire à de telles sornettes ? Comment continuer, devant une telle tragédie nationale, à raisonner ainsi et débiter de pareilles inepties au lieu de faire face à la réalité ? L’Algérien n’est pas un ange et n’est pas différent des autres. Il est aussi capable du meilleur comme du pire ! On l’a constaté ! Tout est question de valeurs inculquées, d’éducation, de formation et de culture ! D’un choix de société quoi!

L’Allemagne en est l’exemple ! L’Algérie d’aujourd’hui n’est plus ce qu’elle était. Dans les faits, elle est devenue tout simplement intolérante et sombre doucement mais sûrement dans l’intégrisme! Après des décennies de matraquage dans les écoles, de culture sectaire, de rejet de l’autre, de non-respect des autres religions, de la femme, de tout ce qui est étranger, etc. Qu’attendre alors de l’Algérien. Qu’il soit autrement ? Un modèle de tolérance et d’ouverture? Cosmopolite ?

Cela n’est donc que le résultat d’une politique d’exclusion, de sape, de démobilisation et de démotivation, menée depuis bien longtemps ici, par le pouvoir et non pas dans des laboratoires étrangers ! Qui n’a pas entendu certains Algériens maudire les ibadites, les traitant de kharidjite, et méritant la mort ? Insulter les noirs africains dans les rues d’Alger ?

Notre couardise nous aveugle-t-elle à ce point pour qu’on n’arrive pas à le reconnaître ? C’est un fait avéré .Le nier, n’as aucune importance maintenant. Même nos religieux se sont mis de la partie avec leurs prêches haineux dans les mosquées. Un ex-ministre des affaires religieuses, n’a-t-il pas appelé les Algériens à se méfier des chiites, leur rappelant qu’ils ne peuvent être (les Algériens) que sunnites et malékites (c’est génétique !) que les autres rites importés (sic !) ne sont pas les bienvenus chez nous et présentent même un danger d’après cet illustre illuminé ! La messe est ainsi dite. Cela relève du plus pur délire paranoïaque. Combien de jeunes Algériens savent que beaucoup de dynasties musulmanes installées en Algérie étaient d’obédiences chiites ? Et cela des siècles durant. Même dans les écoles, tout est fait pour cultiver la haine ! L’histoire enseignée est falsifiée, tronquée et très partiale. Certains propos tenus par beaucoup de nos "universitaires" et "intellectuels" choquent, et dépassent de loin les propos les plus xénophobes tenus par l’extrême droite occidentale ! Qui a dit que le racisme est l’apanage uniquement des Occidentaux ?

A-t-on jamais vu une télévision algérienne passer des émissions sur les autres religions pour mieux informer les jeunes en particulier ; comme le font régulièrement certaines télévisions dans d’autres pays. Et on ose parler de cohabitation et respect de l’autre ! Ou est donc cette tolérance de l’autre tant vantée par ce pouvoir ? Ce ne sont que des mensonges, de la pure hypocrisie et du verbiage destinés à tromper l’opinion internationale.

Cette duplicité a inéluctablement donné naissance à des générations qui se reconnaissent plus dans certains charlatans saoudiens que dans leurs propres savants et héros. Les jeunes Algériens ignorent leur propre histoire. Que savent réellement-ils de Jughurta, Massinissa, Saint Augustin ; des romains, des vandales , des Rostemides , des Fatimides, etc ? Ce n’est pas en s’accointant avec le Wahabisme que l’on progressera et que l’on fera cohabiter différentes communautés. Cette idéologie de l’obscurantisme est par essence basée sur le chauvinisme, l’ostracisme et le mépris des autres, des droits de l’homme, des libertés, etc.

Sa position est connue depuis longtemps : pour elle ; les Ibadites sont des Kharidjites, et ils doivent être combattus en tant que tels ! Ses prédicateurs le crient haut et fort sur les canaux satellitaires ! Sauf pour les sourds qui ne veulent pas entendre ! Mais aucune condamnation ni réaction ferme de la part de nos Oulémas et politiciens. Il faut se rendre à l’évidence à moins d’être un fervent adepte de la théorie du chaos, que ce n’est pas :

- En entretenant l’éternelle théorie du complot étranger

- En soutenant que le pays est homogène, uniforme, monobloc.

- En fermant les portes de la diversité, du dialogue et de la tolérance.

- En amarrant l’Algérie au quai du passé, de la nostalgie et de l’intolérance.

- En pratiquant le folklore culturel, linguistique et identitaire.

- En transformant la république en royaume privé ou le pouvoir reste entre les mains des mêmes personnes qui refusent l’alternance hors "la famille". Que le pays pourra progresser, être un État moderne et sortir indemne des turbulences qu’il traverse. L’Algérie c’est un immense pays ; et de par son histoire, n’est pas homogène. Elle est plurielle et diverse !

Pour préserver cette admirable mosaïque ethnique, culturelle, linguistique et religieuse, elle doit sortir de cette impasse dans laquelle elle se trouve, s’ouvrir davantage aux autres, aller vers une vraie démocratie ! Afin que chaque Algérien puisse se sentir chez lui, libre, en sécurité et pas persécuté.

B. Rachid

Consultant/Alger

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Commentaires (2) | Réagir ?

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deradji nair

je vous ai bien lu Monsieur Rachid mais je n'ai pas vu vous venir avec une issue. Jamais à ma connaissance les mozabites, ni les Kabyles ni autre etre maudit par les Algériens qu'ils soient arabe, musulmans ou amazigh. Dans toutes les villes algériennes ont constate qu'il y a les différentes composantes de ce peuple et où personne ni composante n'a été reléguée et repoussé par les autres. Vous vivez sans doute dans un reve et le peuple algérien est bien soudé et c'est bien par vos escarmouches ici et la et vos dispersions bien MAkISTE que vous essayez d'en faire des différences quoique bien avant vous le FIS, le GIA et les déjéneurs avaient essayé mais n'ont jamais convaincu ce peuple. Alors je vous dit comme le disait un poème "courez, courez vous ne le rattraperez jamais.

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khelaf hellal

Un système politique qui prône le repli sur soi, le resserement des rangs et le dogmatisme idéologique et identitaire, tous les ingrédients du fascisme et de l'exclusion de l'autre, il ne voit pas les choses autrement en incitant à l'union dans la diversité et le pluralisme démocratique et leurs enrichissement par la tolérance, le respect des différences et la cohabitation pacifique. Il préfére le populisme, la démagogie de pacotille et l'asservissement moutonnier pour ratisser large dans les votes et rempiler à chaque fois aux élections. Hilter a réussi aussi par ce vil procédé en embobinant la jeunesse allemande dans sa folle ascension.