Violences du M'zab : un marqueur de l’agonie de la 1re république

Le régime a complètement failli à Ghardaia.
Le régime a complètement failli à Ghardaia.

Depuis deux ans, le M’zab est livré à la violence et l’insécurité.

Régulièrement des morts sont à déplorer, dans une totale impunité, favorisant une dégradation inéluctable. C’est un des produits de la politique de réconciliation nationale qui a amnistié la barbarie islamiste. Ces derniers jours, la situation a pris une tournure alarmante et on enregistre de nombreux morts par armes à feu. Le MDS qui s’incline à la mémoire des victimes souligne que cette évolution dramatique, malgré tous les engagements de l’Etat, est un indice de l’arbitraire qui règne dans la région, comme dans tout le pays que ce soit en Kabylie, à Bordj Badji Mokhtar ou à Béchar… Les populations d’Alger et d’Oran qui ont accueilli des manifestations de la communauté mozabite ne s’y sont d’ailleurs pas trompées et ont exprimé leur volonté d’apaisement et leur solidarité avec leurs concitoyens, y compris chaambis.

Le pouvoir louvoie pour éviter un débat transparent sur les réponses à apporter et sur le nouveau consensus à bâtir. Il tente d’isoler ce qui se passe dans la région de la question de la nature de l’Etat, essaie de couper le mouvement citoyen naissant de toute solidarité démocratique. En toute mauvaise foi, il prétend réduire la conscience sociale, dans la région, à une conscience ethnique ou religieuse au moment même où émerge un mouvement citoyen d’une grande maturité à In Salah. Le pouvoir favorise ainsi les seuls rapprochements basés sur des conceptions identitaires et encourage l’idée que l’on voudrait substituer, à Ghardaïa, la population mozabite par une autre, sur le modèle de la mutilation/substitution identitaire arabo-musulmane. Et ceux qui relaient ces thèses alimentent sa stratégie.

De la même façon, le pouvoir qui se targue, à travers son Ministre des Affaires religieuses, de promouvoir un référent religieux national, alimente aussi l’idée qu’il s’agirait, non pas d’un conflit dont la solution réside dans l’édification d’un Etat de droit mais d’un antagonisme religieux entre ibadites et malékites, deux écoles religieuses qui participent pourtant de la communauté nationale. Pire, bien que le pouvoir persiste à maintenir pour l’Islam le statut de religion d’Etat, à raison qu’il constitue un ciment de la Nation, ses représentants entérinent eux-mêmes l’idée que ce serait sur une base religieuse que se divisent des algériens.

Ce qui est à déplorer, à Ghardaïa, ce n’est donc pas l’absence de l’Etat ou son inaction, mais sa nature despotique qui récuse toute idée de citoyenneté. Impliquer l’armée dans le maintien de l’ordre, relancer un plan de développement n’est donc pas suffisant. C’est la question de l’Etat, celui dans lequel se reconnaissent symboliquement tous les citoyens qui doit être posée. Malheureusement ce qui se passe à Ghardaïa nous alerte plutôt sur la tentation d’élaborer une nouvelle Constitution qui tournerait le dos aux exigences et ne serait qu’un avatar de celles que nous avons eu depuis l’indépendance. Une Constitution démocratique stipulerait cependant qu’il n’existe qu’une communauté, celle des citoyens égaux et libres devant la loi et se fonde sur l'idée qu'il existe un domaine politique indépendant des intérêts particuliers et que les citoyens doivent respecter ses règles.

Il est à craindre qu’en élaborant son projet de Constitution, dont Bouteflika vient d’annoncer qu’elle était au stade de finalisation, le pouvoir ne s’engage à promouvoir ni la séparation du religieux et du politique, ni une identité moderne de notre peuple basée sur l’algérianité comme synthèse de son islamité, de son arabité, de son amazighité ainsi que de son africanité et de sa méditerranéité, le tout ouvert sur l’universel.

Enfin, on ne peut pas exclure qu’il envisage la nécessaire décentralisation comme une forme de fuite en avant, lui permettant de s’affranchir des problèmes sans les dépasser, c'est-à-dire en proposant une solution qui épouserait les formes du communautarisme. Ce qui se passe au M'zab exige que nous fassions du débat sur la révision constitutionnelle, un débat citoyen, un débat pour une véritable 2e république qui reconstruise un nouveau vivre ensemble.

Le bureau national du MDS

Alger, le 9 juillet 2015

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Commentaires (2) | Réagir ?

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elvez Elbaz

Témoin de la répression féroce du FLN (Font de libération nationale) contre certains villageois kabyles qui n’adhéraient pas, comme l’aurait voulu ce parti,, Feraoun réagit aussi à la propagande, notamment celle d’un article d’El Moudjahid à ce sujet qui justifiait cette répression :

« Si c’est là la crème du F. L. N., je ne me fais pas d’illusions, ils tireront les marrons du feu pour quelques gros bourgeois, quelques gros politiciens tapis mystérieusement dans leurs courageux mutisme et qui attendent l’heure de la curée. Pauvres montagnards, … pauvres jeunes gens, vos ennemis de demain seront pires que ceux d’hier. »

Mouloud feraoun

Des paroles prémonitoires de mouloud feraoun lorsqu’on constate chaque jour et ce depuis plus de 50annees, la répression sur la kabylie de ce pouvoir indû!

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Aksil ilunisen

L'Algerie officielle est malade, c'est un fait. Elle est tellement malade depuis longtmps que son etat chronique s'est transformé en etat NORMAL.

Il serait preque ANORMAL que l'Algerie puisse avoir un jour, un President et des Ministres INTELLIGENTS qui puissent heriter l'intelligence de ABANE, la force de caractere de BENBOULAID et tenacité d'AMIROUCHE

Helas, l'Algerie de nos jour n'a herité que des mulles, toutes pareilles sorties de la meme ecurie pro-francaise et qui se prennent pour des chevaux de course, et trop fiers de leur "labeur" exemplaire au service de la Nation qui les guide a distance.

Un pays aussi riche avec un potentiel humain, et des richesses debordantes, vit toujours aux depends des recettes en hydrocarbures, ne parvenant meme pas a fabriquer une seringue, une pile, un petit circuit electrique..... C'est tres alarmant rien qu'a penser au terrible desastre qui attend les genreations futures.