Médaille du Sinaï, médaille du roi de l’attente !

D'énormes forces militaires sont déployéestout le long des frontières.
D'énormes forces militaires sont déployéestout le long des frontières.

La séance d’installation des vizirs de la régence (1) a tout de même eu ce petit intérêt de témoigner d’un ultime soubresaut d’un État (2) à l’agonie.

À l'ordre du jour, de la rarissime séance, une question tellement éloignée des sordides, mais néanmoins banales, manigances de partage et de contrôle de la rente qu’elle paraît saugrenue et anachronique : "La création d’une médaille de la participation aux guerres du Moyen-Orient, en 1967 et 1973." !

La grande majorité des hommes qui ont pris part à ces engagements ne sont plus de ce monde et les quelques rares survivants qui restent ne sont plus d’active. Donc, à l’évidence, l’objet n’est pas tant de rehausser l’image de ces combattants que de faire, peut-être lors d’une grandiloquente cérémonie, un timoré pied du nez à l’axe, contre nature, le Caire - Riyad, qui structure un néo monde "arabo-musulman" qui ne garde de la précédente chimère que ses pires travers.

Une doctrine de défense sulfureuse

Comment penser qu’une régence dont la marque de fabrique est l’humiliation de tous ceux qui ont résisté à la déferlante régressive islamiste, citoyens volontaires armés («patriotes»), gardes communaux, officiers et djounouds de la mobilisation jusqu’aux retraités de l’armée, en passant par les démocrates et républicains dans leur pluralité, puisse penser décorer des patriotes pour leur bravoure ? Sa doctrine militaire (3), comme elle le ressasse à chaque occasion, est l’absolu reniement de ce que cette décoration doit célébrer. Cette doctrine se résume en un sacro-saint principe «de non-engagement» de nos forces armées hors de nos frontières fondée sur une confusion, sciemment instaurée et entretenue, entre capacités de projection de forces et bellicisme !

Comment une régence dont les renoncements ont fait le lit des répétitives désobligeances saoudienne (4) et qatari (5) pourrait-elle célébrer la bravoure et le courage. Il y a même lieu de parler à son sujet de vassalité à l’égard de ses nouveaux centres de «puissance» (6).

Un spasme nostalgique ?

Cette décoration, inspirée peut-être par des gorges profondes, à coups sûrs inaccessibles, qui gardent un vague souvenir des rêves de grandeur de l’État algérien, ne souligne que mieux le caractère antinational de la doctrine militaire actuelle. Le principe de «non-engagement» à l’extérieur couplé à un obscur processus de «professionnalisation» de l’armée a abouti à un dramatique affaiblissement de nos capacités de défense et à une surexposition du pays. Les risques qui pèsent sur le pays ne peuvent que s’accentuer, surtout s’il venait à survenir une inversion des rapports de forces en faveur d’un réel éveil patriotique qui viendrait déjouer les plans de la régence en place. C’est dire le machiavélisme du piège dans lequel l’Algérie se débat.

Des conséquences occultées

La doctrine militaire promue par la régence aboutit à des résultats catastrophiques pour le pays. Le front patriotique intérieur, édifié dans le feu de la résistance républicaine à l’islamisme, a été pulvérisé par les trahisons concordistes. Le potentiel républicain et démocratique du service national a été anéanti par de démagogiques et répétitives mesures administratives de libération de classes entières (7). Et, pour finir, ce qui reste de potentiel patriotique (institutionnel) aux forces armées a été neutralisé par la mise en place d’une sordide «ligne Maginot» le long de nos frontières au sud du pays qui épuise les forces armées et neutralise leur poids dans les jeux politiques.

Trois conséquences majeures sont à comptabiliser à l’actif de la félonne doctrine de la régence :

  • Le non-engagement de nos forces armées en Libye ; facteur déterminant qui a favorisé la prolifération de l’armement condition indispensable à l’élévation de l’intensité des confrontations fratricides libyennes et des menaces sur les États limitrophes.
  • La neutralisation du potentiel patriotique de l’armée qui a favorisé le retour, en grand, de l’ancienne puissance coloniale dans un rôle de gendarme de la région.
  • Enfin, les deux précédentes conséquences combinées ont empêché la création d’un salutaire axe Alger-Le Caire qui aurait été un puissant facteur de stabilisation de la région et de résorption de ses crises ; un rempart à la régression inféconde qataro-saoudienne.

«Ali mout Rajel ?»

Dans ce contexte et au regard des lignes de front actuelles, cette "médaille aux vétérans du Sinaï", qu’elle qu’en soit l’inspiration, tient beaucoup de l’étendard du roi de l’attente au fronton d’une Grenade déjà moribonde. A moins…. que l’Algérie ne renoue avec son Etoile, s’ancre dans sa Nord-Africanité et réengage son combat libérateur…. Ce qui est toute une autre histoire avec tous les risques auxquels il a été fait allusion plus haut.

Mohand Bakir

Renvois

1- La caste installée à El Mouradia, aux plus hautes responsabilités militaires et aux postes clefs de la gouvernance institutionnelle.

2- Au sens moderne.

3- En aucun cas elle ne peut être qualifiée de doctrine de sécurité nationale.

4- Les embûches répétées à l’accomplissement de la mission de rapatriement de nos nationaux à partir de Sanaa ou les arrogantes accusations de financement du «terrorisme».

5- La dernière en date était l’arrogante acquisition des "Femmes d’Alger" par le vizir Ben Jasem qui s’est empressé d’ébruiter son forfait pour bien signifier que son geste vise, dans sa mentalité bédouine, à outrager une Nation et un peuple.

6- Bien sûre, puissance par procuration.

7- Ce qui jure avec la nécessaire rénovation des formes et contenus du SN.

8- Au sens du temps où la "Rejla" n’avait rien à avoir avec la misogynie et la mini-jupe

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Commentaires (2) | Réagir ?

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urfane

Une nuance de taille dans votre analyse pertinente au demeurant "Enfin, les deux précédentes conséquences combinées ont empêché la création d’un salutaire axe Alger-Le Caire qui aurait été un puissant facteur de stabilisation de la région et de résorption de ses crises". La première crise mortelle dans l'œuf de la nation algérienne fut la réunion du CNRA de Tripoli sur injonction de l'axe du même nom "Le caire-Alger". Le potentiel algérien est en son sein de même que la félonie d'ailleurs. C'est une équation inextricable et sans fin....

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Vous avez tout à fait raison pour ce qui est de l'axe initial Alger-Le Caire qui a miné la construction nationale algérienne. Cet axe a trouvé son mortel épilogue à Camp David.

Le propos ici se rapporte aux conditions concrètes issues des soubresauts desdits "printemps arabes" qui ont vu Doha et Riyad intronisées en pivots sans que la moindre tentative de résistance ne voie le jour... Dans ce contexte un axe "du refus" aurait été intéressant et Alger (Les Tagarins) aurait dû y travailler, mais ne faisant pas cela c'est toute "la stratégie" symbolisée par le CEMOC qui s'est écroulée.....