Turquie : génocidaire et sans remords

Le génocide arménien oublié pendant trop longtemps.
Le génocide arménien oublié pendant trop longtemps.

Alors que de très nombreux pays dans le monde s’apprêtent à souligner le 24 avril le 100e anniversaire du génocide arménien, l’attitude de la Turquie montre pourquoi ce crime contre l’humanité doit être puni sévèrement.

Pendant que les petits enfants des survivants du génocide de 1915 perpétré contre les Arméniens organisent une commémoration pacifique à Istanbul le 24 avril, le premier ministre turc Ahmet Davutoglu nie que l'Empire ottoman ait organisé le massacre systématique de sa population arménienne pendant la Première Guerre mondiale. Pourtant, les preuves du génocide qui a lieu d'avril 1915 à juillet 1916 sont écrasantes et indéniables. Le ministre de l’Intérieur, Talaat Pacha, avait alors utilisé les tout derniers développements technologiques du temps, soit le télégraphe pour envoyer à tous les gouverneurs ottomans des provinces d’Anatolie l’ordre de déporter ou de massacrer sa population arménienne. Les hommes son assassiné dès que les convois sont suffisamment loin des villages et leurs corps sont jetés dans l’Euphrate ou brûlés dans des grottes. D’autres Arméniens sont obligés de faire des marches forcées dans le désert et y meurent de la manière la plus atroce. Si le gouvernement ottoman s'est employé à systématiquement éliminer toute preuve du génocide, les rapports des survivants, de nombreux témoins et diplomates qui sont présents sur les lieux des massacres montrent le processus génocidaire.

Ce n’est pas pour rien que le 24 avril a été choisi pour célébrer ce centenaire. C’est qu’a cette date en 1915 sont arrêté et assassinés froidement à Constantinople plus de 2300 intellectuels Arméniens. Bien que les exactions contre les Arméniens aient commencé à moindre échelle à la fin du 20e siècle, cette date marque cependant le commencement d’un génocide structuré et exécuté avec précision. Le Pape François a désigné au cours d'une messe solennelle à Rome, ce massacre des Arméniens comme le premier génocide du 20e siècle. Quelques jours plus tard, soit le mercredi 15 avril, le Parlement européen adoptait à son tour une résolution sur le centenaire du génocide arménien. Cette résolution venait à la suite de deux précédentes interventions dans ce dossier. Le 18 juin 1987, ce même Parlement avait voté une résolution qui demandait une solution politique à la question arménienne et voyait comme un obstacle à l'examen d'une éventuelle adhésion le refus du gouvernement turc de reconnaître ce génocide. Une autre résolution sur l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie votée le 28 septembre 2005 l’appelait aussi à reconnaître le génocide des Arméniens comme un préalable à l'adhésion à l'Union européenne. Ce refus de regarder la réalité en face vient de loin. L’historien turc, Taner Akçam, montre que le père de la Turquie moderne créée en 1923, Mustafa Kemal Atatürk, a décidé de protéger des tribunaux locaux les dirigeants qui avaient fait ce massacre des Arméniens.

Entre 1,2 million et 1,5 million d’Arméniens de l'Empire ottoman seront assassinés lors de ce génocide. Sa commémoration n'est pas l'affaire uniquement des Turcs et des Arméniens, mais de l'humanité entière. Pourtant, la Turquie semble croire qu’il lui suffit de lancer quelques insultes sur la scène internationale pour faire oublier le passé. Un éditorialiste d’un quotidien proche du régime a même accusé les Européens de mener une guerre contre la Turquie en parlant de guerres de religion et rappelant la sanglante histoire coloniale de plusieurs pays européens. Cette situation n’est pas nouvelle et se perpétue dans le temps. Rappelons qu’un journaliste et écrivain turc d’origine arménienne Hrant Dink a été assassiné le 19 janvier 2007 par un nationaliste turc de 17 ans. Dire que de reconnaître le génocide arménien de 1915 symbolise la montée du racisme en Europe est pourtant une insulte à l’intelligence humaine. En arrivant à triturer les chiffres au maximum, la Turquie est tout de même obligée d’admettre qu’elle a été la cause de la mort d’un demi-million d’Arméniens. Selon les dirigeants de ce pays, ces décès seraient survenus sans intention malveillante. Cette question dépasse désormais la seule question turco-arménienne. C'est un signe du racisme qui persiste parmi une certaine classe de citoyens en Turquie face aux Arméniens.

Par chance, les commémorations commencent à s’organiser dans le monde entier. Près de 170 000 membres de la communauté arménienne de Los Angeles devraient manifester le 24 avril pour souligner ce centenaire. À l'heure actuelle, 23 pays ont d’ailleurs officiellement reconnu le génocide arménien. D’autres comme l’Allemagne reconnaissent le massacre sans cependant le considérer comme un génocide. Pourtant, les Nations unies définissent le terme de génocide comme un acte commis dans l'intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Le meurtre calculé de plus d’un million d’individus entre pleinement dans cette définition. La Turquie a pu s’en tirer jusqu’à maintenant sans avoir à affronter les conséquences de cet ignoble crime contre l’humanité. Dire qu’il faut laisser l'Histoire aux historiens comme le fait le président turc Recep Tayyip Erdogan est refuser qu’elle puisse aider à prendre de meilleures décisions dans le futur. Pourrait-on voir dans l’aide de ce pays à l’État islamique et dans son attitude actuelle face à ses Kurdes une conséquence de cette impunité que ses dirigeants croient avoir face aux droits de l’homme ?

Michel Gourd

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