France : la traque du financement du terrorisme s'intensifie à Tracfin

Une surveillance accrue du financement du terrorisme a été décidé.
Une surveillance accrue du financement du terrorisme a été décidé.

L'activité de lutte contre le financement du terrorisme au sein du service de renseignement financier Tracfin a doublé depuis les attentats qui ont fait 17 morts début janvier en France, a déclaré jeudi son directeur, Jean-Baptiste Carpentier.

En 2014, la cellule dédiée de Tracfin a travaillé sur 231 dossiers et en a transmis dix à la justice, a-t-il précisé. Dix à 15 agents travaillent aujourd'hui dans cette cellule, selon un récent rapport sénatorial qui recommandait début avril d'en doubler les effectifs.

D'ici 2017, dix personnes supplémentaires viendront renforcer ces équipes, précise Jean-Baptiste Carpentier, sans confirmer leur dimension actuelle. Quelque 550 dossiers de financement du terrorisme ont été instruits par cette cellule depuis 2011 et 150 dossiers sont en cours de traitement, d'après le rapport remis au Sénat.

Un véritable "travail de moines bénédictins", selon le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission d'enquête sur les filières djihadistes, qui souligne les montants parfois "très modestes" des flux à analyser.

Pour aller faire le djihad en Syrie, quelques milliers d'euros suffisent. Et ces sommes, souvent issues de plusieurs sources -quête, solidarité familiale, petits délits- peuvent être difficiles à détecter. Fin mars, le ministre des Finances Michel Sapin disait vouloir se battre contre "ce terrorisme à bas coût."

"L'objectif pour les pouvoirs publics est moins de tenter d'entraver ce type de financement que de les identifier pour retracer une véritable cartographie des flux financiers entre personnes impliquées dans les filières syriennes ou dans des actes de terrorisme", juge Jean-Pierre Sueur dans son rapport.

Le procès de membres d'un réseau tchétchène "de soutien" à un groupe de 10 à 15 caucasiens en Syrie, condamnés ce jeudi à des peines allant de deux à six ans de prison ferme, illustre cette problématique des "micro-financements" du djihad.

Deux jeunes Tchétchènes qui avaient sollicité l'aide de leur communauté pour financer leur départ en Syrie, où ils se sont entraînés quelques semaines en août 2013 sans prendre part aux combats, ont été condamnés à cinq et six ans de prison.

Baï-Ali Mahaouri, 46 ans, a de son côté écopé de quatre ans ferme pour avoir organisé des collectes auprès de la diaspora de la région lyonnaise pour financer le groupe, dirigé par un ancien rebelle tchétchène ayant combattu la Russie.

Les fonds qu'il récoltait, envoyés via Western Union en Belgique, où se trouvait un "centralisateur", servaient à acheter divers matériels et vêtements.

"Il y a le financement du terrorisme et il y a le financement des terroristes", souligne Jean-Baptiste Carpentier.

Au financement structuré "du terrorisme", très important dans les années 1990, a succédé le financement "des terroristes" depuis le début des années 2000, avec des sommes "beaucoup plus restreintes", qui obligent ses services à travailler "au premier euro", explique le directeur de Tracfin.

L'Etat islamique, qui a pris pied en Syrie et en Irak, a toutefois "renouvelé le dispositif", dit-il, avec "une structure qui a de nouveau les moyens de financer du terrorisme."

Tenu au secret sur ces dossiers extrêmement sensibles, le fonctionnaire refuse de dire si des flux financiers provenant de Daech ont à ce jour été repérés en France.

Une seule enquête significative

Depuis 2013, certains transferts via des services comme Western Union font l'objet d'une transmission automatique à Tracfin: les opérations de plus de 1.000 euros et celles don't le cumul représente plus de 2.000 euros pour un client en un mois. Le service les conserve comme "base documentaire", sans ouvrir d'enquête. Les retraits et dépôts d'espèces de plus de 10.000 euros sur un mois seront également signalés automatiquement au service de renseignement financier à partir de janvier 2016.

En matière de terrorisme, Tracfin reçoit des signalements d'autres services de renseignement et de banques, entre autres. "Si vous commencez à envoyer régulièrement de l'argent sur la frontière turco-syrienne, je pense que vous ferez rapidement l'objet d'une déclaration de soupçon", explique Jean-Baptiste Carpentier.

Mais les autorités ont "du mal à déterminer des vraies filières de financement", reconnaît une source judiciaire. Un seul dossier "significatif" fait actuellement l'objet d'une information judiciaire ouverte par le parquet antiterroriste de Paris, précise cette source. Il s'agit du dossier "Perle d'espoir", une association soupçonnée d'avoir financé, "sous couvert d'humanitaire", des départs vers la Syrie et l'approvisionnement de combattants.

Quelques dossiers en sont au stade de l'enquête préliminaire et des éléments de financement se retrouvent aussi en marge d'enquêtes pour association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme. Mais rien de très significatif. Sur les dix dossiers transmis par Tracfin en 2014, "tous ne relèvent pas forcément du terrorisme", explique cette source.

Reuters

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