Plaidoyer contre les dérives du "tout football"

Le tout-football des dirigeants algériens a écrasé les autres disciplines sportives.
Le tout-football des dirigeants algériens a écrasé les autres disciplines sportives.

Le système sportif national connaît des dysfonctionnements destructeurs. La politique du "tout football" menée par les pouvoirs publics, amplifiée par les médias et subie par une écrasante majorité de la population marginalise certaines disciplines, en écrase d’autres et ne permet pas l’émergence de sports nouveaux.

Et contrairement à l’idée répandue, cette politique ne sert pas le football et lui porte même préjudice.

Le refus de ce fait accompli doit être audible et assumé. Les cadres du sport doivent défendre leurs disciplines contre l’extinction. Le judo, le tennis, le basket, le volley, la lutte, les arts martiaux, le cyclisme, le tennis de table, l’équitation, l’athlétisme et ses différentes spécialités, les sports aquatiques, les sports de montagne etc… ne sont plus visibles et à écouter les techniciens, ils ploient sous d’énormes difficultés dans l’exercice de leur métier et passion. Autrement dit, ils font de la résistance.

Pour ce qui est du football, un petit exemple nous édifiera sur la réalité de cette discipline qui s’est écartée de sa vocation : "Prenez votre enfant et allez l’inscrire dans l’association la plus proche, vous éprouverez les pires difficultés à le faire dans un pays où il est dit qu’on respire le football et affubler la discipline du titre pompeux de sport roi."

C’est dire que les conditions de la pratique même du football ne sont pas réunies.

La première mission des pouvoirs publics est de créer ces conditions pour la pratique sportive une, plurielle et diverse ; donner aux jeunes et moins jeunes, aux femmes et hommes de ce pays la possibilité de pratiquer le ou les sports de leur choix, de vivre leur passion. Il n’y a pas de sports majeurs et de sports mineurs, il y a le sport point final.

Nous sommes donc loin de cette vision "démocratisée" du sport.

Certes, aujourd’hui, nous sommes rentrés de plain-pied dans le sport business et dont le football constitue un élément emblématique, une vitrine du capitalisme mondialisé. Les droits de retransmission télévisés, la déréglementation du marché des transferts, la publicité, les sponsors, le merchandising et les paris légaux en ont fait un créneau économiquement porteur.

Ceci étant, en aucun cas, le sport professionnel n’a coupé les ponts avec le sport amateur. Mieux, dans beaucoup de pays développés, est instauré un impôt de solidarité en faveur des autres disciplines. C’est la mission même de l’Etat. Chez nous, c’est le bazar, beaucoup de disciplines survivent.

Ceci nous renvoie à la théorie des systèmes puisque nous parlons de système sportif national. Tout système doit avoir une homéostasie c'est-à-dire un équilibre interne. La rupture de cet équilibre (c’est le cas du système sportif national) mènera vers le désordre ou le chaos.

Toutes les composantes du sport doivent être réhabilités et considérées ; sport d’élite, sport pour tous, sport féminin, sport pour enfants, sport pour jeunes, sport pour seniors, sport et loisir, sport et santé, sport militaire, sport pour handicapés et inadaptés mentaux etc…

Les pouvoirs publics doivent savoir que la pratique du sport doit répondre à une réelle attente sociale. La dichotomie entre disciplines majeures et disciplines mineures est arbitraire ; et "le tout football" est une dérive.

L’Etat, fort de sa responsabilité morale, a certes le devoir d’aider à l’émergence d’un sport de haut niveau propre ,loin de la répugnance de la manipulation des masses face à des situations économiques et politiques catastrophiques, mais doit surtout protéger le sport dans toute sa diversité et permettre à la population algérienne dans ses différentes composantes de profiter du sport et de ce qu’il procure comme bien être émotionnel ,sur la perception de soi, la santé et le bien être perçu. L’éloignant par là du spectre de la violence, du chauvinisme et du sexisme. Le sport porte en lui les valeurs d’éthique, de respect, de noblesse et de solidarité.

Tout cela passe par la réhabilitation d’un segment important du système sportif national : le cadre du sport.

Hamel Abderrahmane

Cadre et magister en sport

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Kichi Duoduma

«... Certes, aujourd’hui, nous sommes rentrés de plain-pied dans le sport business et dont le football constitue un élément emblématique, une vitrine du capitalisme mondialisé... » L’auteur ne croit pas si bien dire, mais probablement pas dans le sens qu’il donne à cette phrase. Beaucoup de gens se lamentent que l’argent a corrompu le football, le vrai de vrai, cet idéal superbe

et pur !... En réalité, le football est intimement lié dans son existence même à l’argent, et ce depuis sa naissance. Le football, C“EST l’argent. C’est le symbole même du capitalisme. Il est né à une époque où le capitalisme était devenu fermement ancré dans les sociétés européennes. Les règles du jeu du football sont identiques à celles (théoriques) du capitalisme et de la nouvelle idée au 19ème siècle de “démocratie”. Le foot comme le capitalisme dit que le terrain est égal pour tous les joueurs, zaâma il n’y a pas de favoris, le meilleur gagne toujours et c’est bien comme ça. Ça peut sembler évident aujourd’hui, mais ce n’était pas comme ça avant le capitalisme. C’est le règne de la concurrence. Les équipes ont les mêmes chances et doivent respecter les mêmes règles, et tout le monde il sera joli et tout le monde il sera content. Dans la vie réelle, si on ne respecte pas les lois du capitalisme il y a l’agent de police et le juge qui vous puniront, dans la vie symbolique du football, il y a l’arbitre. L’arbitre utilise même un sifflet identique à celui de l’agent de police, tiens ! Alors puisque des peuples comme ceux d’Amérique Latine et d’Afrique et les classes de travailleurs européens sont laissés pour compte par le capitalisme réel on leur donne le capitalisme symbolique dans lequel ils gagnent assez souvent pour se soulager les esprits et laisser les vrais capitalistes vaquer à leurs vraies affaires. Ça s’appelle de l’aliénation. Un même cerveau qui vit dans deux mondes, l’un réel l’autre imaginaire. Je ne sais pas si quelqu’un a jamais fait une étude des spectateurs de football dans le monde entier pour voir quelles proportions (s’il y en a) des classes riches s’intéressent au football, et combien d’entre eux fréquentent les églises et les mosquées. Je parierais ma dernière paire de chaussettes trouées que ce n’est pas beaucoup.