Revoilà les migrants subsahariens en Algérie !

La migration subsaharienne en Algérie est une réalité.
La migration subsaharienne en Algérie est une réalité.

Près de 500 migrants clandestins ont été arrêtés ces derniers jours, par des unités de l’ANP dans la wilaya de Tamanrasset, a indiqué le ministère de la défense nationale dans un communiqué.

Phénomène récurrent, faut-il le dire, même si la migration subsaharienne vers l’Algérie est un problème, relativement, récent. Alors que la migration inter régionale est constante depuis les années 1970, principalement entre l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie, la migration en provenance de l’Afrique de l’Ouest n’a, réellement, pris de l’ampleur qu’au début des années 2000. Les conflits locaux, par exemple, en Sierra Leone, au Libéria, en République Démocratique du Congo, au Nigéria, en Côte d’Ivoire et surtout au Mali ont joué un rôle important en désorganisant les flux migratoires intra-régionaux et en les redirigeant vers l’Afrique du Nord et vers l’Europe.

Les autorités nationales ont longtemps occulté la réalité de la migration subsaharienne vers l’Algérie, considérant que les populations migrantes ne faisaient que transiter à travers le pays pour rejoindre l’Europe via le Maroc.

Les derniers chiffres disponibles fournis par Abdelmalek Sellal font état de la présence de 20 000 migrants subsahariens en situation irrégulière et réfugiés, essentiellement originaires du Mali et du Niger. Le premier ministre, répondant d’ailleurs, à un journaliste qui le questionnait sur ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur, a déclaré que "le problème de migration clandestine vers l’Algérie pouvait perdurer en raison de l’insécurité qui prévaut dans les pays du Sahel".

Quid de l’opération de rapatriement des migrants de 2014 ?

L'expulsion en décembre 2014 d’un grand nombre de migrants clandestins a nécessité l’apport d’un budget de près de 40 milliards de dinars, selon toujours la présidente du croissant rouge algérien. Pour rien ou presque, disent les plus septiques d’entre-nous, puisque le phénomène a ressurgit ! On commence à observer en effet, dans les rues d’Alger d’Oran et de Béjaïa notamment, des groupes de jeunes africains composés de 3 à 6 individus, déambulant et mendiant auprès des passants. Sont-ce des rescapés de l’opération initiée en décembre dernier par les pouvoirs publics, qui a permis le rapatriement de près de 250000 nigériens dans leur pays, opération faut-il le rappeler, entreprise à la demande des autorités nigériennes et qui s’est déroulée dans les meilleures conditions à croire la présidente du croissant rouge algérien, Saida Benhabyles ? Auquel cas, les autorités algériennes doivent redoubler de vigilance sachant que «des réseaux criminels internationaux» exploitent ces personnes de l’aveu même du ministre nigérien de l’intérieur, Massaoudou Hassouni, qui en a fait la déclaration à Alger, la veille du lancement de l’opération de rapatriement de ses compatriotes.

Qui sont-ils et d’où viennent-ils ces migrants ?

La migration subsaharienne est, essentiellement, malienne et nigérienne car les ressortissants de ces pays n’ont aucune peine à circuler, librement, dans le grand Sahara. Commerçants par le passé, ils s’adonnaient à l’économie frontalière du "troc". C’était aussi des "saisonniers" qui venaient travailler ponctuellement dans les oasis du Sud. On appelait ce genre de déplacement "migration alternante".

Dans les années noires, à un moment où l’Algérie était durement frappée par le terrorisme, d’autres mouvements suspects de passeurs d’armes et de contrebandiers, en tous genres, ont commencé à prendre forme, ce qui a eu pour effet de perturber le système du «troc frontalier».

Depuis c’est une autre forme de migration, pratiquée essentiellement, par des jeunes africains ; une sorte «d’initiation à la vie adulte» un rituel consacré dans certains villages africains, obligeant tout homme désirant fonder une famille, d’entreprendre une aventure migratoire, pour travailler et gagner de l’argent, mais aussi pour s’affirmer. La migration de ce point de vue, écrivait Mohammed Saïb Musette, spécialiste de la question des migrations internationales, peut être comparée au «service militaire».

A cette migration africaine, multiforme, s’est greffé un autre phénomène, celui des «migrants-mendiants», nigériens notamment, qui ont déferlé en grand nombre dans notre pays. Les Algériens, de manière générale, ont éprouvé beaucoup de compassion envers ces étrangers qu’ils aident au mieux, non sans s’interroger, disons-le, sur l’étrange facilité avec laquelle ils ont atterris dans la Capitale et les principales concentrations urbaines du pays. La multiplication des dispositifs de contrôle n’a pas, à l’évidence, réussi à juguler leur migration. Certains croient savoir que les migrants, en provenance du Niger, ne sont pas des refugiés de guerre ou des sinistrés de la sécheresse mais plutôt des mendiants professionnels qui se livrent à cette activité depuis toujours dans leur pays, à partir de la ville d’Arlit.

L’Algérie est, à l’évidence, leur nouveau terrain de chasse depuis qu’ils ont appris de la part de certains d’entre-eux, revenus «fortune faite» au pays, que les algériens sont généreux ; voilà pourquoi ils viennent, en masse, avec femmes et enfants. Pourtant, rien de la situation au Niger, actuellement, ne justifie ce déferlement de migrants sur l’Algérie !

Quelle est la destination finale de ces migrants ?

L’Algérie, faut-il le dire, n’est pas leur destination finale :

  • 40% d’entre-eux, affirment les experts des mouvements migratoires, sont venus en Algérie pour travailler
  • 40% sont dans une sorte de «transit» vers le continent européen ; ce sont les plus instruits et ils visent à s’installer en Espagne, en Italie ou en France
  • 20% de ces migrants qui sont en Algérie voudraient rentrer chez eux, mais ne peuvent le faire. Il leur est impossible de partir en Europe ; retourner dans leur pays, c’est leur faire admettre leur "échec migratoire" et pour éviter cela, ils sont capables de prendre tous les risques en optant pour la "harga" ou en se présentant comme des "refugiés politiques".

Notre pays n’est pas le seul à avoir été ciblé par ces "migrants spéciaux", en majorité des subsahariens qui étaient arrivés, par le passé, à constituer quelques 35% de la population libyenne, plus d’un tiers donc de la population globale de ce pays, à cause de la politique "africaniste" de Kadhafi ! Des observateurs ont affirmé qu’il suffisait d’une décennie de plus de cette politique et ces migrants seraient devenus majoritaires dans le pays.

Avec les migrants, il y a aussi les réfugiés :

Aux migrants maliens et nigériens, il faut aussi prendre en considération les Syriens, en grand nombre dans notre pays. L’Algérie leur a ouvert ses bras, eux qui ont fuit les combats se déroulant dans leur pays ; beaucoup d’entre-eux ont refusé d’intégrer les structures d’accueil qui leur ont été préparées, notamment à Sidi-Fredj. Une partie d’entre-eux est, aujourd’hui, réduite à vivre d’expédients, voire à mendier aux portes des mosquées ! Les motivations de ces derniers sont, toutefois, indéchiffrables : veulent-ils rester en Algérie ou poursuivre leur exil au Liban ou ailleurs dans le monde ? S’apprêteraient-ils pour partie, comme 200 de leurs congénères, à rejoindre la Libye pour se rendre en Italie, après avoir établi une connexion et même plus, signé un pacte avec des milices libyennes ? Ce qui a fait dire aux services de sécurité qui les ont arrêtés, avec leurs complices algériens, qu’ils font partie d’un vaste réseau de financement du terrorisme, dans le cadre d’un plan financé par Daâch ?

Il y aurait actuellement quelque 42 millions de victimes de conflits et de persécutions dans le monde, réfugiés, qui se trouvent exilés, pour la plupart dans des camps, depuis cinq ans ou plus, dans des situations que des humanitaires appellent "situations de réfugiés prolongés".Ces situations, faut-il le rappeler, n’incluent cependant pas les millions d’autres personnes déracinées qui sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Un grand nombre d’entre-elles sont également dans l’incapacité de rejoindre leurs foyers, parfois depuis des décennies ; c’est le cas des Palestiniens.

Contrairement à ce qui est propagé en occident comme rumeurs faisant état de flots de demandeurs d’asile dans certains pays industrialisés, la réalité est que 80% de réfugiés dans le monde se trouvent dans les pays en voie de développement.

Ce chiffre va croissant au regard de la crise économique globale qui n’en finit pas de durer et aussi des énormes disparités entre le Nord et le Sud de la planète, de la xénophobie ambiante, du changement climatique, de l’émergence de nouvelles guerres, et aussi du caractère insoluble des vieux conflits qui menacent d’exacerber ce problème de déplacement déjà massif. La mauvaise gouvernance et la corruption, sévissant notamment, en Afrique et dans le monde arabe sont à ajouter à ce constat.

La limite de la politique répressive

Après avoir accueilli des centaines de familles syriennes, solidarité arabe oblige, voilà que notre pays est, de nouveau, assailli par des grappes d’africains, nigériens et maliens majoritairement, qui ont élu domicile dans les rues ; à croire que le mouvement migratoire, même s’il a connu des reflux en 2014 à l’occasion de l’opération de retour enclenchée conjointement par l’Algérie et le Niger, reste malgré tout stable, en croissance continue et s’installe dans la durée. Comme on l’a affirmé supra, quelques 20000 migrants africains clandestins «séjournent» dans le pays.

A exiger plus de fermeté au niveau des frontières, et demander, à minima, l’expulsion de tous ces africains en situation irrégulière, il va se trouver quelques «humanistes» pour dire qu’il ne faut surtout pas le faire, alors que la grande majorité d’entre ces subsahariens, n’a ni diplôme, ni formation encore moins un métier la rendant éligible au séjour régulier dans notre pays.

L’Afrique compte aujourd’hui 1,1 milliards d’habitants et en comptera encore 2,4 milliards en 2050 et 4,2 milliards en 2100 !

Avec une telle population conjuguée à la mauvaise gouvernance et la corruption, la pauvreté du continent noir ira s’exacerbant !

Il faut savoir, toutefois, que 96% de l’immigration africaine se fait à l’intérieur du continent africain, 2% se faisant hors d’Afrique et seulement 2% des migrants arrivent en Europe. Pourtant, c’est connu, c’est l’Europe qui est à l’origine du sous-développement de l’Afrique et qui continue, avec la complicité des gouvernements fantoches à piller le continent, à en contrôler ses richesses et y semer le chaos.

Que compte faire le gouvernement Sellal ?

Notre pays a opté en 2014 pour le rapatriement des migrants africains ; l’opération prend à l’évidence l’aspect du «tonneau des Danaïdes». Un certain nombre d’entre-eux continue à séjourner dans le pays. Beaucoup travaillent, clandestinement, et constituent une force non négligeable dont profitent, essentiellement, les entrepreneurs privés, sans scrupules. Pendant ce temps-là, des secteurs comme celui de l’agriculture et du bâtiment connaissent un ralentissement en l’absence d’une main d’œuvre adéquate. Beaucoup de subsahariens ont quitté la Lybie en guerre, et se sont retrouvés en Algérie avec l’espoir de décrocher «un contrat de travail». Le gouvernement pourrait faire l’effort de «régulariser» tous les africains qualifiés qui expriment le souhait de rester en Algérie pour y travailler. Cela passerait par la révision des textes réglementaires concernant le séjour, la circulation et l’emploi des étrangers. Il faut le faire, disent certains !

Le gouvernement, pour le moment, continue de tolérer cette migration clandestine, entrecoupée d’opérations ponctuelles, d’arrestations et de reconduites aux frontières, signe manifeste qu’il n’est pas disposé à la régulariser. Les pouvoirs publics sont pour "un règlement global" de l’émigration clandestine à travers, notamment, le développement des économies subsahariennes, et le renforcement de la stabilité interne des pays concernés. Avec les événements du Sahel, notre pays a renforcé la sécurité à ses frontières, tout en affirmant ne pas vouloir jouer le rôle de "gendarme" de l’Europe, comme l’a fait Kadhafi par le passé.

Pourra-t-il, pour autant, juguler les vagues de plus en plus nombreuses des migrants, notamment au seuil de la saison estivale propice aux mouvements migratoires, sans compter la ténacité hors du commun de ces personnes qui, autant de fois refoulées, réussissent souvent, avec femmes et enfants, à forcer les points faibles du dispositif sensé contrôler leur flux ?

Leur détermination, écrivait Ali Bensaâd, éminent géographe, a généré un "désordre" utile et salutaire sur la scène internationale et qui a autant secoué les opinions publiques que les responsables européens notamment, remettant la question des mobilités dans les agendas internationaux. Ainsi les trois événements diplomatiques les plus importants de cette décennie en Méditerranée (la conférence euro-africaine de Rabat en 2006, celle de Paris en 2008 et le Sommet de l’Union pour la Méditerranée) ont eu pour thème "la question migratoire".

Certes, l’approche des pays occidentaux reste répressive, mais ces conférences ont eu, au moins, le mérite de soulever la tragique question du droit à la mobilité. Exigence revendiquée par nos propres "harragas" dont certains, rappelons-nous, y ont laissé leur vie ! Le monde se transforme donc aussi "par le bas", par "l’interstice", et par "l’action des exclus" a écrit Ali Bensaâd. Il n’est pas de tragédie, comme celle, par exemple, des migrants subsahariens, qu’il ne soit aussi une espérance !

Cherif Ali

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