Le ministère des Finances a besoin de réformes structurelles

Le ministère des Finances nécessite de profondes réformes
Le ministère des Finances nécessite de profondes réformes

Le système financier algérien, poumon des réformes et enjeu de pouvoir, a besoin de réformes structurelles pour dynamiser le tissu productif. D’autres services dépendants toujours du ministère des Finances, comme ceux des domaines, la douane et la fiscalité sont gérés avec des méthodes du début du XXème siècle.

Ainsi, par exemple, récemment le 04 avril 2015, le Ministre de l’habitat annonce officiellement que le service des domaines n’est pas informatisé, qu’il faut attendre six à sept mois minimum pour avoir un acte domanial, rendant plus ardu le contrôle sur l’acquisition des logements sociaux. Cette contribution pose à la fois la problématique de la réforme du système financier et également du service des domaines, n’étant pas une vue de l’esprit mais à partir d’une expérience vécue. Mais qu’on visite les services des douanes et de la fiscalité, il en est de même. Comment un Ministère de souveraineté, depuis l’indépendance politique, n’a-t-il pas pensé à impulser les réformes et à informatiser certains services vitaux tant pour l’économie que pour le citoyen ?

1.- Le système bancaire algérien déconnecté de la sphère réelle productive

Ce n’est pas une question de cadres au niveau des banques existant des femmes et hommes de valeur mais non autonomes dans la décision de gestion. La réforme du système financier renvoie fondamentalement à la gouvernance globale. C’est que l’Algérie a peu de banques accompagnant les véritables investisseurs et pas de véritables bourse des valeurs, la bourse d’Alger étant en léthargie depuis 1996. Plusieurs questions se posent concernant le système financier algérien, poumon du développement du pays et de la croissance future du pays. C’est un enjeu énorme de pouvoir, ce qui explique que les réformes structurelles annoncées depuis plus des décennies années soient souvent différée, les banques publiques en 2015 représentant plus de 85% du crédit octroyé. Malgré leur nombre les banques privées sont marginales. A partir de là, ne faut t-il pas parler de refondation du système financier algérien pour dynamiser le tissu productif algérien ? C’est que la majorité des entreprises que ce soit pour leur investissement ou leur exploitation courante, sont entièrement dépendantes de «monnaie hydrocarbures ». Et parallèlement, se tisse des liens dialectiques entre la logique rentière et l’extension de la sphère informelle, ( avec des monopoleurs informels), produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat et de la bureaucratie qui contrôlent 40% de la masse monétaire en circulation et plus de 65% des segments des produits de première nécessité : marché des fruits et légumes, du poisson, de la viande rouge et blanche et à travers les importations le textile et le cuir. C’est un système économique construit sur un ensemble de réseaux portés par des intérêts financiers individuels à court terme, développant ensuite à moyen terme des stratégies d’enracinement bloquant les réformes pour préserver des intérêts acquis, pas forcément porteur de croissance mais pour le partage de la rente. Or, la vrai richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Les banques publiques croulent sous le poids de surliquidités dont plus de 70% provenant de la Sonatrach via la BEA (banque qui est florissante que grâce à Sonatrach) qu’elles n’arrivent pas à transformer en capital productif. On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement, opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage: réescompte) auprès de la Banque d’Algérie pour les entreprise publiques qui sont ensuite refinancées par le Trésor public en la forme d’assainissement, rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d’Algérie. L’analyse du système financier algérien ne peut être comprise donc sans aborder la rente des hydrocarbures. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures donnant ainsi des taux de croissance, de chômage et d’inflation fictifs. La richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque: stock physique (stock ressources naturelles d’hydrocarbures)-stock monétaire (transformation: richesse monétaire) – répartition (modalités et mécanismes de répartition: investissement-consommation-fonds de régulation). La société des hydrocarbures ne créait pas de richesses ou du moins très peu, elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l’entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change qui du fait de la faiblesse de capacité d’absorption sont placées à l’étranger (86%) y compris le quota et prêts de 5 milliards de dollars au FMI.

2.– La bureaucratisation du service des domaines

C’est l’histoire que j’ai vécue personnellement, une histoire réelle, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates qui vivent dans une autre planète, des discours et des promesses déconnectés de la réalité. Mon seul souci, étant muni d’un titre de propriété légal, était de récupérer un livret foncier alors que la demande a été transmise aux services des enregistrements depuis 2006 avec des références précises. Je me suis présenté dans une sous structure dite d’enregistrement des titres de propriété. On m’informe que depuis 2010, il n’existe pas de responsable ni régional, ni de wilaya, un simple chef de services dépendant directement d’Alger. Des centaines pour ne pas dire des milliers de dossiers sont amoncelés. Aucune informatisation, tout se traite au manuel avec un personnel limité. Bien malin pour retrouver tel ou tel dossier ; il faut avoir le flair. Le bureaucrate en voyant ces centaines de personnes le supplier dans cette liste d’attente interminable est dans une jouissance extrême. C’est la puissance de la bureaucratie. Ce n’est pas de notre faute renchérit le responsable local car avec l’informatisation, le gain de temps et surtout cette attente interminable des citoyens serait réduite de 80%. Le ministère des Finances ne veut pas informatiser malgré plusieurs demandes depuis des années. Cela ne date pas d’aujourd’hui. « cela est peut être volontaire» me rétorque un cadre ironiquement avec beaucoup de sous entendus lourds de sens. J’ai rencontré une veille femme de 75 ans « mon fils cela fait plus une année qu’il me font revenir après une attente de plusieurs heures. Je pointe parfois à 5 heures du matin. Je n’ai pas de connaissances, que dois-je faire ? » Vient un jeune qui interpelle un employé des domaines. « Je viens de la part de Nordine, il vous a appelé. Qui est Nordine réplique l’employé ? Qu’il vienne me voir tout seul et on verra ». Rendons tout de même hommage à certaines structures comme celles du Ministère de l’Intérieur, restant certes encore beaucoup d’efforts à faire- dont l’informatisation et le recrutement d’un personnel qualifié, qui permettront de lutter – en partie- contre cette hydre bureaucratique. La nouvelle réglementation est claire. L’acte notarié n’étant plus suffisant, il faut à présent un livret foncier pour régulariser toute transaction immobilière. J’ai dû donc passer l’épreuve d’acquisition du livret foncier. Cette histoire vécue n’est pas propre malheureusement à ma propre personne mais concerne la majorité des petits algériens qui n’ont pas de connaissances, de l’Est à l’Ouest en passant par le Centre et le Sud. Les vieilles gens sont généralement les plus concernées afin d’exécuter une fredha. Cela devient un chemin de calvaire pour eux. Il leur faut accéder pour certaines wilayas d’abord aux services concernés. Il y aura une âme généreuse qui viendra vous dire que la réception ne commence que l’après-midi, il ne vous dira pas que les bureaux ferment à 16h. Il vous informera qu’auparavant il faut aller récupérer le numéro de votre bien auprès du Cadastre. La surprise commencera d’abord là-bas, l’assaut des bureaux concernés commence à l’ouverture et bien heureux celui qui arrachera le ticket d’accès à la chaîne qui s’est déjà formée. Alors fier d’avoir récupéré la précieuse information, le bienheureux se présente aux services du domaine le lendemain en début d’après-midi, en pensant être le premier. Quelle est sa surprise lorsqu’il s’aperçoit que la file est constituée déjà à partir de midi. Le nombre est tel qu’il est évident qu’il est impossible pour lui d’arriver aux guichets avant l’heure de fermeture. Il essaye encore le lendemain et c’est la même situation. Tout algérien responsable arrive au constat qu’il lui sera impossible d’arriver à régler son problème de cette façon. Il demande à parler au directeur qui se trouvait par hasard de passage, il est vrai que la cohue avait atteint son paroxysme. Notre petit algérien l’interpelle en lui faisant remarquer qu’à moins d’abandonner son travail pour venir camper devant les bureaux, il était impossible d’obtenir satisfaction. Il ose recommander d’organiser l’accès aux services des domaines par un enregistrement des citoyens pour faire respecter l’ordre d’arrivée et de clôturer l’enregistrement une fois le quota atteint en attendant que les autorités centrales veulent bien informatiser ces services cruciaux.. Le petit algérien savait qu’il y avait des passes droits contre rémunération et ceci par contre était bien organisé. Les vieux malheureux continueront leurs lamentations devant ces situations inextricables. Le fonds de commerce induit ne peut s’accommoder de la transparence qu’imposera une informatisation du système ce qui permettra de réduire le divorce Etat/citoyens. Le contrôle de cette information est un pouvoir trop grand pour espérer qu’il soit abandonné au profit d’une bonne gouvernance. Il serait intéressant à partir d’enquêtes de voir, par exemple, combien de temps ça prend si vous voulez acheter les droits, c’est-à-dire la délivrance des titres de propriété. Il y a lieu, également, de mesurer le temps pris en moyenne pour marchander avec la bureaucratie (corruption). Mais point de preuves. Tout se traite à l’oral et en informel.

3.- Combattre le terrorisme bureaucratique

Toute démarche scientifique exige de partir du général pour revenir au particulier afin de proposer des solutions concrètes aux problèmes multidimensionnels auxquelles est confronté le pays durant cette étape décisive, les tactiques devant s’insérer dans le cadre d’une vision stratégique à moyen et long terme. La confusion des rôles jouant comme vecteur dans ce sens dans la mesure où la forme d’organisation ne fait que traduire les objectifs ou les non objectifs qui ont un soubassement politique. Le bureau comme l’a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société. Il est nécessaire au fonctionnement de toute économie mais non fonctionner comme en Algérie comme pouvoir bureaucratique qui fonctionne en vase clos et qui est le pouvoir numéro 1, car les pratiques sociales contredisent souvent les discours si louables soient-ils. Des structures centrales et locales hétéroclites non synchronisées et souvent antinomiques bloquent la circulation de l’information qui en ce XXI siècle avec la révolution d’Internet constitue le véritable pouvoir, certaines sous structures ou personnes acquérant plus de pouvoir par la détention de certaines informations. Ces réseaux croisés – étanches – expliquent que lors de séminaires à intervalles de quelques mois, des responsables différents donnent des chiffres différents parfois contradictoires. Par exemple les différents taux de croissance d’inflation et du taux de chômage donnés qui contredisent les tests de cohérences. La non maîtrise des données internationales, la faiblesse dé la codification existante, la rente ayant pendant des années comblée les déficits au nom d’une paix sociale fictive, la marginalisation des compétences, tout cela engendré fondamentalement par la nature du système bureaucratique expliquent l’effondrement du système d’information à tous les niveaux ou parfois des responsables sont informés par la presse ignorant le fonctionnement de leur secteur .Or la base de toute décision repose sur une information fiable et une erreur de politique économique peut se chiffrer en pertes pour la Nation de plusieurs centaines voire des milliards de dollars. Pour l’ensemble des raisons évoquées précédemment, les rapports de l’IGF, de la Cour des Comptes, des Commissaires aux Comptes, et même de l’A.P.N restent incomplets surtout en tant que mesures à prendre, en recommandations pour éviter que de telles pratiques ne se reproduisent car ne cernant pas les causes fondamentales et surtout des liens complexes entre l’environnement international, les politiques macro-économiques et sociales et les cellules de base entreprise ou services collectifs. Car pour pouvoir sanctionner une entité, il faut qu’elle ait été responsable. Peut-on sanctionner un directeur général qui a subi une injonction externe. Un directeur général d’entreprise publique est-il propriétaire dans le sens économique large- véritable pouvoir de décision-de son entreprise? Qui est propriétaire en Algérie de l’ensemble de ces unités économiques et de certains segments des services collectifs se livrant à des opérations marchandes? C’est toute la problématique du passage de l’Etat propriétaire gestionnaire à l’Etat Régulateur ou stratège que n’ont résolu jusqu’à présent ni la structure des fonds de participations ni la nature des holdings, si les sociétés de participation de l’Etat SGP qu’ils soient de 10, 20 ou 30, ni récemment les groupes industriels. Cela pose la question fondamentale des incohérences des politiques socio-économiques et du manque de visibilité dans la démarche d’une économie de marché productive s’insérant dans la globalisation de l’économie. Le statut quo actuel est préjudiciable à l’avenir du pays amplifié par l’extension du marché informel qui est proportionnel aux actions bureaucratiques.

4.- Pas de confiance sans Etat de Droit d’Etat de Droit

Combien d’habitations ont été construites illicitement et que les autorités locales certainement avec des directives d'en haut, ont régularisé par la suite sous la pression de la rue ? Combien d’Algériens ont construit des habitations individuelles légalement mais qui ont en majorité entre 5 à 10 ans des actes administratifs et non des titres de propriété ? Paradoxe, avec des conflits entre des structures de l’Etat notamment les APC et les réserves foncières traduisant des conflits d’intérêts ? Combien d ‘entrepreneurs au niveau des zones industrielles ont-ils des titres de propriété souvent demandés par les banques comme une fraction des garanties des prêts octroyés ? Qu’en sera-t-il pour le dossier sensible du cadastre agricole ? Des enquêtes précises montrent que la majorité des entreprises publiques n’ont pas une délimitation claire de la superficie qu’elles occupent souvent en contradiction avec les données figurant dans leurs bilans? Que l’on visite en Algérie toutes les wilayas, faisons un inventaire de ces actifs et rapportons cette valeur à celle que donnent les statistiques officielles, et nous aurons mesuré l’importance de ces immobilisations en dehors du Droit et que le produit national ne décode pas. Cela a des incidences sur la structuration spatiale des villes qui se créent partout et dans tous les lieux et ne pouvant pas planifier des besoins en eau, électricité (souvent avec des raccordements anarchiques) et sans réseaux d’assainissement. Cette situation est le reflet de la structuration sociale complexe où cette sphère dite « illégale » n’est pas relativement autonome vis-à-vis des sphères bureaucratiques locales et centrales. Or lorsque le droit ne fonctionne pas, rien d’autre ne fonctionne avec les risques d’autoritarisme et d’abus qui pénalisent surtout les couches les plus défavorisées. Le droit de la propriété est essentiel et l’intégration de la sphère informelle est cruciale si on veut créer une économie de marché véritable basée sur la production de richesses et l’Etat de droit. Où est la crédibilité d’un Etat qui ne contrôle que 10 à 20% des activités économiques ? La majorité des prix Nobel d’économie entre 2000/2015 ont mis en relief, la sclérose des pouvoirs dictatoriaux personnalisés, source de surcoûts des transactions, l’efficacité des institutions démocratiques au sein des relations Etat/marché, tant pour un développement fiable local qu’une nouvelle régulation internationale. Sans retour à la confiance, il ne peut y avoir symbiose Etat citoyens et encore moins un processus de développement fiable renvoyant à la morale. La généralisation de la corruption comme l’a montré le grand sociologue Ibn Khaldoun est le début de la décadence de toute société. L’histoire réelle, sujet d’un livret foncier, mais pouvant être étendue à d’autres segments, que vivent des centaines de milliers de citoyens algériens quotidiennement, montre clairement la dominance du pouvoir bureaucratique rentier sclérosant. En fait, l’objectif stratégique est de redonner confiance à la population algérienne en instaurant un Etat de droit, base du retour à la confiance, passant par des actions concrètes de lutte contre la corruption, le favoritisme, le régionalisme, les relations de clientèle occulte qui ont remplacé les relations contractuelles transparentes, l’application de la règle de Piter qui fait que l’on gravite dans la hiérarchie en fonction de sa servitude et de son degré d’incompétence. La lutte contre la bureaucratie source de la corruption renvoi à la question de l’Etat de droit, la transparence dans les décisions, soutenue par un dialogue permanent ouvert à la société, la bonne gouvernance et à la démocratie. Cela est sous tendu par la nécessaire rationalisation de l’Etat dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective. Cela n’est pas une question de lois vision bureaucratique et d’une culture dépassée, les pratiques sociales contredisant quotidiennement le juridisme.

En fait le dépassement de cette entropie implique la refonte de l’Etat, liée à la moralisation des personnes chargées de générer la Cité. Le pouvoir bureaucratique sclérosant a ainsi trois conséquences nuisibles au développement en Algérie : une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays ; l’élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique ; et enfin le bureaucrate bâtit au nom de l’Etat des plans dont l’efficacité sinon l’imagination se révèle bien faible, le but étant de donner l’illusion d’un gouvernement même si l’administration fonctionne à vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la société majoritaire. En résumé, j’interpelle les autorités concernées pour lever ces obstacles bureaucratiques inadmissibles au moment de l’ère Internet, qui touchent la majorité des citoyens algériens et à se pencher sur la réforme des structures dépendantes du Ministère des Finances, banques, douane, fiscalité et domaine.

Abderrahmane Mebtoul, analyste international

N.B- «Le terrorisme bureaucratique, est l’obstacle majeur au frein à l’Etat de droit et à l’investissement porteur en Algérie» Interview d’Abderrahmane Mebtoul au grand quotidien financier français – Les Echos (2008) -Abderrahmane Mebtoul (Docteur d’Etat (1974)-expert international- Expert comptable -diplômé de l’Institut supérieur de gestion de Lille -Professeur d’Université -Expert International

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Commentaires (1) | Réagir ?

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klouzazna klouzazna

Il est parfois étonnant de découvrir l'étonnement des autres !!!

Comment s'étonner de l'emprise désastreuse de la bureaucratisation sur une société qui a opté pour le "copier-coller" du mode hyper-bureaucratique de FAFA !!! Rappelons que ce dernier pays et le notre sont les rares pays au monde a posséder une école nationale qui forme (moule) des bureaurates !!! stériles et serviles !!! juste bons a dépenser de l'argent publique !!! un autre héritage colonial qui a la dent dure !!!