Ali Benflis répond à Abdelaziz Bouteflika

Ali Benflis.
Ali Benflis.

Outre tous les autres ravages qu’elle occasionne au pays, la vacance du pouvoir rend particulièrement difficile de savoir qui fait dire quoi au premier responsable du pays.

En effet, en ce seul mois de mars, trois charges politiques d’une violence inouïe ont été menées contre l’opposition nationale au mépris de l’esprit du pluralisme politique et des règles élémentaires de la bienséance démocratique qui doivent régir les rapports entre le pouvoir politique et l’opposition nationale. L’on ne sait qui du titulaire nominal de la fonction présidentielle ou des cercles occultes qui se sont constitués à la faveur de la vacance du pouvoir est le véritable concepteur et l’instigateur réel de ces agressions politiques contre l’opposition nationale. Face à cette incertitude, ce qui est par contre bien établi est que tous les régimes totalitaires, à l’approche de leur fin, sont saisis de panique, versent dans l’irrationnel et perdent leur sang-froid et avec lui le sens des réalités.

Le message prétendument présidentiel lu à Ghardaïa à l’occasion de la célébration de la fête de la Victoire est susceptible de quatre lectures politiques essentielles :

La première lecture est que, dans sa lettre comme dans son esprit, le message prétendument présidentiel n’en est manifestement pas un. En effet il n’en a ni la hauteur de vue, ni le sens de la mesure et de la responsabilité ni la vision toujours rassembleuse qui forment les traits distinctifs des messages présidentiels respectables. Le message lu à Ghardaïa est le pur produit de semeurs de discorde et de porteurs de haine. Il divise au lieu d’unir ; il accuse à tort autrui et exonère à moindre frais ses auteurs de tous leurs errements et de toutes leurs turpitudes ; il agresse et stigmatise en un moment de célébration nationale alors que partout dans le monde les célébrations nationales constituent le temps fort de l’union sacrée.

La seconde lecture que permet le message prétendument présidentiel lu à Ghardaïa n’a rien de particulièrement rassurant. En déficit d’imagination, d’initiative et d’action pour prendre en charge les véritables problèmes du pays, le régime politique en place n’a plus que les accusations gratuites, le harcèlement verbal et le langage de l’outrance pour tenter vainement de faire porter à d’autres la responsabilité de ses propres échecs qui ne se comptent plus. Ce message prétendument présidentiel révèle aussi un régime politique qui n’a plus prise sur les réalités et un régime politique qui ne sait plus quoi dire, quoi faire et quoi inventer pour cacher ses innombrables faillites politiques, économiques et sociales qu’il laissera pour seul héritage à la génération présente comme aux générations à venir. C’est donc d’un régime politique saisi de panique, d’un régime politique désemparé et d’un régime politique ayant perdu son emprise sur les événements dont il s’agit. Et cela n’augure rien de bon pour notre pays.

La troisième lecture qu’autorise le message prétendument présidentiel lu à Ghardaïa relève d’un paradoxe bien singulier. Ce message a cru pouvoir lancer à partir de Ghardaïa un appel à la consolidation du front intérieur et de diriger vers l’opposition nationale un doigt accusateur l’incriminant dans son affaiblissement. Or qui mieux et qui plus que Ghardaïa elle-même peut témoigner que c’est bien la vacance du pouvoir, un gouvernement à l’abandon et des institutions en déshérence qui sont les sources réelles de l’effritement de notre front intérieur. Trois années durant, Ghardaïa a été livrée à son sort et elle n’est revenue à l’esprit des rédacteurs du message qu’au moment du choix d’un lieu pour sa lecture. Un choix bien mal inspiré car Ghardaïa est premier témoin à charge contre nos pouvoirs publics s’agissant de leur responsabilité dans la dislocation de notre front intérieur. Les premières fissures dans ce front sont apparues précisément à Ghardaïa et depuis lors elles se sont étendues à d’autres régions du territoire national. Et face à ces fissures, le régime politique en place a fait le choix coupable de laisser faire, de laisser aller et de laisser pourrir. Qui est donc sensé veiller sur l’unité de notre front intérieur ? Assurément c’est le régime politique en place et cette mission, comme tant d’autres, il l’assume bien mal.

Enfin la quatrième lecture que suggère le message prétendument présidentiel lu à Ghardaïa concerne les boucs-émissaires et les fausses cibles que le régime politique en place semble s’être choisi. Il s’agit de la presse et de l’opposition nationale.

Rappelons donc aux rédacteurs égarés de ce message que la presse nationale a payé le tribut du sang pour mériter et arracher son droit de penser, de s’exprimer, d’écrire et de critiquer sans autres limites que celles de sa conscience, du devoir de bien informer et des règles éthiques propres à la profession. Durant la décennie des larmes, du feu et du sang, quand certains ont couru aux abris et d’autres choisi le confort de l’éloignement, notre presse nationale a fait notre fierté et a mérité de la Nation pour s’être portés aux avants postes du combat pour la survie de l’Algérie comme Etat et comme Nation. Et c’est avec le même courage, les mêmes convictions et le même sens du sacrifice qu’elle est toujours aux premières lignes maintenant que l’Etat national est menacé dans ses fondements, dans son intégrité et dans sa pérennité.

Quant à l’opposition nationale, qui est devenue une réalité obsédante pour le régime politique en place, elle n’agit qu’en stricte conformité avec ce que lui dicte un devoir national sacré. Et ce devoir s’incarne aujourd’hui dans la sauvegarde de cet Etat national que met en péril un régime politique finissant. Le droit constitutionnel de l’opposition nationale est de s’opposer. Et ce droit se transforme en devoir dès lors que l’enjeu est la préservation de l’Etat national. Ce devoir national sacré nous l’assumerons jusqu’au bout sans faiblesse et sans crainte.

Ali Benflis

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Commentaires (9) | Réagir ?

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moh arwal

l algerie appartient aux familles boutef / zerhouni

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khelaf hellal

Ce sont les manipulateurs, les Machiavels qui déroulent ainsi leur intelligence sociale sur un parchemin , qui jouent sur les sentiments des gens pour faire tomber leur proie. Le stratagème est trop usé et trop voyant, il n'accroche plus grand monde , il sent le piège, la tromperie pour s'y laisser prendre aussi facilement. Des convoitises, rien que des convoitises cachées sur ce que peut offrir encore ce quatrième mandat, comment faire main basse sur les richesses qui n'ont pas encore été spoliées, dilapidées, détournées et pillées dans ce pays ? Tout ce qu'ils ne peuvent pas produire en cherchant à gagner du temps, ils le gagnent plus facilement en nous faisant perdre du temps. La perte de temps, l'immobilisme sont une richesse pour eux, ils repoussent le plus loin possible les promesses tenues et fait dissiper les espoirs. Le citoyen, la citoyenne sont mis en poste restante, à la rubrique Sabrinal où ils se nourrissent de lettres épisodiques quand il n'ont plus rien à se mettre sous la dent.

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