La mission militaire canadienne en Irak ne devrait pas être prolongée

L'armée canadienne en Irak.
L'armée canadienne en Irak.

Puisque cela est dans son intérêt politique, il est certain que le gouvernement conservateur prolongera la mission militaire en Irak qui doit prendre fin le 7 avril. C’est cependant pour cette même raison que cela ne devrait pas être fait.

L’implication en Irak de l’armée canadienne rehausse actuellement la popularité du gouvernement conservateur. Un récent sondage Global News-Ipsos Reid montre que les citoyens se disent favorables à une participation aux frappes aériennes dans une proportion de 64%. En partie en raison de cette intervention et de sa politique musclée au Moyen-Orient, les conservateurs sont actuellement nez à nez avec les libéraux dans les sondages nationaux. Cela n’a pas toujours été le cas. Avant cette intervention militaire, ils traînaient lamentablement derrière ces derniers par plus de 20 points. La situation était tel que le professeur John McMurtry a publié "Canada : le jeu de la terreur de Stephen Harper. Derrière les masques et les diversions", dans Mondialisation.ca le 12 novembre. Ce texte repris par un nombre impressionnant de sites Internet a été traduit en plusieurs langues. Sa thèse était que Stephen Harper avait besoin d'un ennemi pour se faire réélire puisqu'il est devenu si impopulaire que rien d'autre ne pourrait le remettre au pouvoir.

Une action militaire à l’extérieur du pays risque donc d’avoir un effet direct sur les élections qui vont s’y tenir. Cette situation crée cependant un conflit d’intérêts pour le gouvernement. Bien que ses troupes militaires en Irak doivent travailler à résoudre le conflit, les conservateurs auront de meilleures chances d’être réélus si la confrontation perdure au moins jusqu’aux élections. De plus, toute menace directe contre les citoyens canadiens lui permet de montrer sa force. L’implication des soldats canadiens pourrait donc être basée depuis le début sur de mauvaises raisons. On se souviendra que le gouvernement Harper a insisté auprès d’Obama l’année dernière pour être inclus dans la mission en Irak. «Il n’y aura pas de mission de combat terrestre, ce qui est explicitement exclu dans la résolution», avait-il alors affirmé. Mais dès les débuts, les soldats se sont retrouvés dans des situations plus dangereuses que promises. Pris de cours par les informations qui venaient de la zone de combat, le gouvernement a alors été obligé d’avouer que les troupes canadiennes allaient au front.

La controverse sur la mort du sergent Andrew Doiron tué le 6 mars montre le problème de mener une mission militaire qui a des implications électorales. La version du commandant des combattants kurdes, Mosa Gardi, est que les conseillers canadiens ont quitté leur véhicule et se sont retrouvés près de la zone de combat sans coordination avec ses troupes sur le terrain. Le ministre canadien de la Défense nationale, Jason Kenney, a pour sa part mis de l’avant une autre version des faits. Les soldats canadiens seraient revenus à un poste d’observation quand les forces kurdes ont ouvert le feu. Selon le ministre, ils étaient à 200 mètres de la ligne de front lors de l’incident. Or, les armes légères que portent tous les soldats sont précises jusqu’à 600 mètres et les tireurs d’élite peuvent atteindre une cible à plus de deux kilomètres.

Cette mort montre donc que les soldats canadiens sont présents dans des zones dangereuses en Irak, ce que nie le gouvernement. Dire qu’il ne s’agit pas d’une mission de combat est jouer sur le sens des mots et ne change rien au fait que la vie de ces soldats est en péril. Le chef d’état-major de la Défense, le général Tom Lawson, demande pour sa part d’attendre la fin des enquêtes avant de tirer des conclusions. Cette position est possiblement la plus sage de toutes celles qui ont été exprimées. Cette mission devrait donc être arrêtée le 7 avril et le vote pour la continuer reportée jusqu'à ce que toute la lumière soit faite sur cette tragédie. Les Canadiens méritent de savoir pourquoi combattent réellement leurs soldats sur le terrain en Irak avant de les y retourner.

Michel Gourd

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