IAP : une démarche irréfléchie mène forcément à l’échec

Le siège de l’institut Algérien de Pétrole (IAP)
Le siège de l’institut Algérien de Pétrole (IAP)

L’institut Algérien de Pétrole (IAP),ce fleuron de la formation dans le secteur des hydrocarbures va selon toute vraisemblance subir malgré sa composante scientifique et encore une fois une autre orientation pour ne pas l’appeler aventure cette fois-ci avec les français par le biais de son Institut Français du Pétrole (IFP).

En effet, la bataille des chiffres sur le nombre de recrutements que Sonatrach compte opérer pour l’année 2015 quelque fois 5000 une autre fois 10 000 et l’inamovible directeur exécutif des ressources humaines de ce mastodonte les gonfle à 8000 en un seul exercice lors des dernières festivités du 24 février dernier, se résume en définitive à un plan de charge que l’entreprise nationale va assurer sur plusieurs mois à cette institution française en lui confiant un training pour plusieurs millions d’euros que n’importe quel établissement algérien pourrait le faire en mieux et beaucoup moins cher. Quel est en définitif la réalité de cette offensive médiatique sur des chiffres de recrutement massif ? Qui est exactement ce partenaire historique ? A-t-il respecté ses engagements par le passé ? Finalement Sonatrach a-t-elle réussi sa mission de faire de l’IAP un pôle d’excellence ? Qui est le perdant dans tout cela ? Les pouvoirs publics vont-ils intervenir pour arrêter ce carnage institutionnel ?

1- Sur cette sortie médiatique pour le recrutement à Sonatrach

Ce concours qui a fait l’objet d’une large médiatisation, certainement pour des objectifs autres que celles pour lequel il est destiné, devait drainer quelques 50.000 candidats dont plus de la moitié ont été éliminés sur une simple vue des dossiers. La première lecture qu’un analyste pourrait faire est d’ordre sociologique et qui montre le désarroi des jeunes diplômés et surtout l’appréhension qu’ils ont de cette grande entreprise la considérant comme l’Eldorado qui leur permet de réaliser leur rêve et d’obtenir un statut social. La preuve de nombreux candidats au concours occupent des postes dans les différentes entreprises publiques ou privées voire même du groupe Sonatrach parce que ces entreprises parapétrolières malgré leur appartenance au secteur n’offrent pas les avantages espérés. Une de ses entreprises est allée très loin défiant la réglementation et lois régissant les relations de travail en saisissant carrément Sonatrach pour lui demander de ne plus accepter les demandes de leurs ingénieurs. En effet, cette petite entreprise recrute directement ces ingénieurs des universités, leur assure une formation sur le tas parfois à l’étranger mais une fois forgés sur le terrain, ils sont tenté par Sonatrach qui les versent dans l’anonymat avec un salaire et des avantages beaucoup plus importants. Il faut signaler par ailleurs, que si ces petites entreprises, pourtant appartenant au groupe, n’arrivent pas à payer mieux que leur mère et d’autres entreprises étrangères, c’est parce qu’elles sont soumises à une rude concurrence déloyale pour l’équilibre de leur budget. Sur le chiffre avancé plus haut, prés de 21000 candidats ont concouru dans l’espace et dans le temps. Il ya eu plusieurs sessions reparties sur les différentes régions du pays. Après une organisation qui a couté près de 60 millions de dinars depuis la préparation en passant par les épreuves jusqu’ aux résultats qui ne sont pas appréciables. 3000 places pour les ingénieurs et 5000 pour les techniciens ont été retenues. Ces jeunes reçus vont être répartis sur des sessions de plusieurs années. Le hic maintenant : est qui va former ce beau monde ?

2- Ce concours ferme définitivement la porte aux recrutements futurs

Cette manière de gérer cette institution par Sonatrach compromet tout espoir de recrutement des futurs diplômés qui devront attendre parfois des générations pour pouvoir postuler à un poste dans cette entreprise tant convoitée. Ensuite une panique réelle gagne les dirigeants qui tout porte à croire n’ont pas réfléchi murement à la question. D’abord on est revenu sur la formation d’ingénieurs spécialisés pour laquelle des investissements énormes ont été consentis pour la ramener à un training de 100 jours qui restent discutable sur le plan d’efficacité. Cette formation sera assurée par un cluster de partenaires. D’abord le retour en force de l’Institut Français de Pétrole pour carrément s’installer avec une permanence dans les locaux de l’IAP, ensuite les «experts» de Sonatrach qui vont intervenir avec les support de cours que les enseignants de l’institut vont leur remettre sur injonction, certaines universités comme Laghouat, Mostaganem etc. vont assurer une infrastructure pour recevoir ces jeunes que les permanents de l’IAP, humiliés vont se déplacer pour les former sans connaitre la consistance de cet infrastructure offerte pour des raisons apparemment lucrative. Donc en définitive après le passage de la tempête médiatique, le calme devait faire apparaitre et mettre au grand jour les inconvénients d’un processus qu’on tente de recoller par des artifices encore plus coûtant et non seulement sans retour sur investissement mais contreproductif. Ces jeunes ont été selon les organisateurs sélectionnés sur un nombre impressionnant de postulants. Ils sont supposés être la crème de ce processus, cela signifie qu’ils ont le savoir et la capacité de recevoir le savoir faire qu’ils ne peuvent forger que sur le terrain. Alors, pendant ces 100 jours va-t-on leur réciter les mêmes modules qu’ils ont acquis à l’université ou comme le demande un ministre leur enseigner l’éthique pour les préparer à la propreté de gestion. Si tel est le cas, pourquoi ramener un étranger ? Les universités et les écoles algériennes ne peuvent –ils pas assurer cette période d’imprégnation Si elle s’avère réellement nécessaires?

3- Qui est-il exactement ce partenaire, revenu sous une autre forme ?

Dès l’intégration de l’IAP à Sonatrach et dans le cadre de son internationalisation pour bénéficier d’un transfert de savoir-faire, les responsables de l’époque ont finalisé et signé le premier protocole d’accord avec l’Institut français de pétrole en 2002. Que dit cet accord cadre ? Cet accord retrace un historique des années 1970 et 80, les années de la coopération Franco-Algérienne, défini en détail la forme de coopération attendue et insiste pour pérenniser la réalisation des stages en collaboration avec l’IAP en Algérie pour en faire bénéficier le plus grand nombre de participants des diverses entreprises du secteur des hydrocarbures, renforcer le contenu de la formation pour l’adapter au contexte Algérien par un apport de l’IAP sous la forme d’études de cas et d’exemples concrets tirés des expériences de Sonatrach ou d’autres entreprises du secteur, renforcer les capacités du système de formation de l’IAP par des opérations de formation de formateurs, par la co-animation de certains stages par les équipes pédagogiques de l’IAP et d’ENSPM FI, et par l’acquisition de matériels pédagogiques nécessaires pour certains types de formation et surtout mettre en place un planning de capitalisation à court et moyen terme de tous les thèmes jugés utiles par l'IAP. Ce protocole sera suivi par des contrats pour la formation des jeunes stratèges en Economie Pétrolière et Management Stratégique. Chaque promotion est revenue 1 349 276 euros suivi par plusieurs masters sécurité, réservoirs engineering et bien d’autres. Ceci sans compter bien entendu la formation industrie qui a vu défilé des centaines de séminaires. En 2004 le ministre de l’énergie et des mines en même temps PDG de Sonatrach a imposé un deuxième partenaire à travers un gré à gré parce qu’il n’a pas été retenu par la voie des soumissions. Il s’agit de l’université Ecossaise Robert Gordon University. Pour faire vite, le contrat a été copié et collé en français aucun article n’a été changé à part l’annexe financière parce que le montant est plus important et libellé en livre sterling. On peut estimer dans le scénario le plus pessimiste à un montant total, toute formation confondue c'est-à-dire celle prise en charge par l’IAP et l’autre par les différentes structures de Sonatrach à prés d’un demi-milliard de dollars. Un expert qui vient de l’étranger même s’il est payé dans un cadre contractuel, devrait être prise en charge totalement dans un hôtel homologué par son ambassade, transporté et escorté par la sureté national aux frais des organismes algériens. Tout cela pour quel résultat ? Les stratèges formés à coup de devises évoluent normalement comme tout le monde au même titre qu’un jeune diplômé sorti de l’ex-INH ou d’ailleurs. Plus grave, cette aventure de plusieurs années et avant elle celle de l’université de l’Oklahoma n’ont laissé aucune capitalisation ni consolidation ni fertilisation pour preuve l’IFP revient pour assurer un training d’imprégnation dans un institut déserté incapable d’assurer à lui seul des cours de vulgarisation. Plus d’une décennie de Bla Bla pour revenir au même point.

4- La responsabilité des pouvoirs publique est totale

Le constat d’échec est établi par les deux ministres de tutelle qui ont suivi l’intégration de cet institut à Sonatrach. Le premier, convaincu que l’entreprise n’a ni la vocation ni le temps de le hisser au rang désiré la carrément ouvert son capital aux étrangers comme statoïl, watheford etc. l’actuel ministre lors de l’installation 3éme Directeur Général de ce qui reste de l’Institut Algérien du Pétrole (IAP), il a eu à constater l’immense gâchis fait à cette institution de renommée mondiale (01). Les moyens financiers consentis par Sonatrach n’ont fait que miroiter son image externe mais en aucun cas réussit à le booster de l’intérieur pour en faire un pôle d’excellence comme le souhaitait ce même ministre bien avant l’arrivée du fameux Chakib Khellil en 1999. Le diagnostic amer est fait, les dégâts sont visibles. Déroutés par des ordres et des contres ordres, Si des mesures n’ont pas été prises, c’est probablement parce que le système est tellement atteint par l’encanaillement et la gabegie qu’il ne réagit plus aux doses de sanctions conventionnelles, certainement, il a du dresser un rapport circonstancié au conseil des ministres qui a décidé dans sa réunion de février 2012 de lui ôter le statut de SPA et de «reconfier» à Sonatrach avec des instructions fermes d’en faire une école de renommée mondiale (02). Trois ans après, cet institut fait appel un étranger pour lui assurer un simple training d’imprégnation parce que Sonatrach n’a pas pu le doter de moyens humains pour remplir la mission que lui a confié l’Etat. Que faudra-t-il attendre de plus ?

6- Conclusion

Après l’euphorie des chiffres sur le recrutement à Sonatrach, commence la tempête et les renvois des responsabilités. L’IAP se retrouve aujourd’hui avec 8000 candidats qu’il faudrait "former" pendant 100 jours afin de les pomper sur le terrain. Il fait appel à un partenaire étranger et aux infrastructures universitaires pour l’aider. Il faut noter par ailleurs que prés de 42 000 postulants attendent une deuxième chance. Tenant compte des conditions réelles de l’université Algérienne, du taux de natalité et de mortalité de la population réputée à majorité jeune, d’un taux d’intégration d’un jeune recrue dans conditions moyennes, des capacités des uns et des autres, en supposant que toute chose est égale par ailleurs, on peut espérer une préparation normale de 1000 diplômés par année. Cela voudra dire que la dernière promotion des candidats reçus devra attendre 8 ans et celle qui espère une deuxième chance 50 ans. Celui qui obtient son diplôme en 2015 n’a aucune chance d’être recruté car il sera soit en retraite soit décidé. Est-ce bien raisonnable ? Quand est-ce que les pouvoirs publics ouvriront les yeux pour mettre fin à ce carnage ? Il est prouvé que le recrutement direct de ces jeunes est plus efficace pour le développement de leur carrière et plus rentable économiquement. Alors pourquoi tout ce cirque ?

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

Renvois

1- Lire l’article dans le quotidien Le soir d’Algérie du 19  septembre 2011

2- «Périscoop» du quotidien Le soir d’Algérie du mercredi 22 février 2012

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Commentaires (9) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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rabah Benali

Bonjour

Helas, pas tout à fait exacte le titre de l'article. Point de démarche irréfléchie Mr Reghis. !!

La démarche a été dûement et même très réfléchie.

Le sabordage de l'IAP fait partie du processus global de "Tlemcenisation" de la mamelle nourrissiaire Sonatrach.

Tlemcenisation planifiée et méthodiquement menée dès début 80.

A l'époque c'était "Chadli and H'lima de Mosta clan on behalf of the black cabinet".

Le saucissonage Sonatrach de l'époque a donné les Naftal, Naftec etc.

Il fallait arboré, quelque soit sa formation et expérience un pedigree triangle d'or (Tlemcen/Mosta/ Saida) pour prétendre à tout poste de réponsablité. (Notamment ceux n'éxigant peu ou pas de compétences techniques spécifiques directes).

A l'époque, j'ai personnellement vécu la manœuvre de l'interieur de Sonatrach. Seule et unique solution c'était d'aller mettre ses compétences à disposition d'autrui. Ce qui a été fait comme tant d'autres en 85. L'IAP que j'ai aussi connu début 70 (Spécialisation et training pratiques à Esenia et H. Messaoud) a fait l'objet de sabordage dans cette même logique de Tlemcenisation. (Tlemcenisation qui a abouti à Khelil and Co Ltd story)

A cette même époque, début 80, la raffinerie Bejaia, équipements achetés à 90 %, a vu ses équipements abandonnés à la rouille sur les plages d'Arzew.

(Même pas les plages de Bejaia car trop voyant et trop dangereux selon les décideurs = risques d'emeutes. Pour faire diversion ils ont inventé l'affaire du parachutage d'armes sur Cap sighli donc révolte imminente des Zouaoua ont-ils annoncé)

Résultat de la course, quatres décennies plus tard, env 30 % des carburants tendance à la hausse (qu'auraient pu haut la main produire Bejaia) et le corps enseignant IAP qu'aurait satisfait haut la main des milliers de Benali exilés aux quatres coins de la planète, doivent être dûement importés. Comme à l'aube du changement de colonisateur. (De colonie Fafa à colonie Tlemceno -Tchektchouka à la sauce arabos - momohitaine).

Pour l'anecdote et l'Histoire, à l'époque, monsieur le ministre de l'energie Tchektchouka et son entourage (pedigreeTlemcen et environs) avaient argumenté au sujet de l'annulation de cette raffinerie Bejaia. Je cite:

"Il n'est pas de nos interêts (comprendre du clan) de mettre de la technologie pétrolière entre les mains des zouaoua. Ce n'est pas parcequ'on a acheté quatre roues, qu'on doit acheter tout le camion. (En réalité, le camion était acheté et payé sonnantes et trèbuchantes. Il ne manquait que les roues). C'est cela aussi le Bouteflekistan.

Donc toute la tragédie, y compris le sabordage de l' IAP a été planifié et duement réfléchie.

Hélas, point de démarche "irréfléchie" Mr Reghis.

Rabah Benali

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