Ali Benflis : les fraudes à l'exportation ont coûté 20 milliards de dollars

Ali Benflis
Ali Benflis

Allocution faite samedi par Ali Benflis devant le conseil national du parti de l’Union des Forces démocratiques et sociales.

Monsieur le Président du parti de l’Union des Forces Démocratiques et Sociales,

Mesdames et Messieurs, les membres du conseil national,

Honorables invités.

Il me plait, de prime abord, d’adresser mes plus chaleureux remerciements et d’exprimer ma profonde reconnaissance à mon frère Si Noureddine Bahbouh pour son aimable invitation et pour cette attention fraternelle qui m’offre l’opportunité de partager aujourd’hui avec vous quelques idées et analyses autour du thème de la crise énergétique actuelle et ses implications sur l’économie nationale.

Je ne peux également manquer à l’obligation, agréable entre toutes, de féliciter cette auguste assemblée pour la pertinence du choix de la thématique de «l’avenir de l’économie nationale» comme base de réflexion sur la réalité de la situation économique actuelle de notre pays et ses perspectives de développement économique et social.

Comme vous le savez, l’économie est le défi de l’heure et l’enjeu de demain, de même qu’elle est la source de la véritable puissance et du réel rayonnement des nations.L’économie est également la véritable garante de la quiétude de la population et de l’amélioration de ses conditions de vie.

En effet, la puissance des nations s’évalue aujourd’hui à l’aune de leurs réalisations économiques, de leur influence et du dynamisme dont elles font preuve au sein du système économique mondial. De la même manière, le degré d’indépendance et de souveraineté d’un pays, se mesure par rapport à sa capacité à assurer ses autosuffisances.

On est en droit de se demander ou est la place de l’Algérie au regard de l’ensemble de ces critères. Notre économie est, premièrement, une économie de rente ; cette caractéristique s’est accentuée au cours de cette dernière décennie particulièrement marquée par une abondance sans égal des ressources financières.

Notre économie souffre, deuxièmement, d’une extrême et inacceptable dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs, qu’il s’agisse de notre consommation de biens alimentaires, de nos besoins en biens d’équipement, de la réalisation des infrastructures sans omettre le secteur des services.

Troisièmement, notre économie est a-mondialisée tant elle est organisée et gérée selon les réflexes et les mentalités du siècle dernier.

Quatrièmement, il manque à notre économie une vision globale et un modèle cohérent capables de la faire entrer de plain-pied dans l’aire de la mondialisation et de la stimuler pour lui permettre d’intégrer le rang des économies émergentes.

Si j’avais à trouver un mérite à la crise énergétique actuelle, ce serait celui d’avoir contribué à discréditer certaines assertions dénuées de tout fondement et de mettre à nue l’état déplorable auquel notre économie a été vouée. Pour cette raison, j’ai choisi d’intervenir sur le thème de la crise énergétique et ses implications sur l’économie nationale en partant de trois observations fondamentales qui apparaissent à mes yeux nécessaires à une bonne compréhension de la problématique que soulève ce thème.

La première observation a trait au fait que notre pays vit une crise de système aigüe que le pouvoir politique en place a tenté vainement d’occulter en provoquant un effet de diversion et en usant et abusant de la manne financière générée par une situation énergétique favorable et ce dans le seul but de garantir, non la paix sociale comme il le prétend, mais sa durabilité et sa pérennité. Voilà que la crise énergétique lui ôte un moyen privilégié pour assurer sa survie.

Sous cet angle, il tombe sous le sens de dire que la crise énergétique produira inévitablement des répliques et aura immanquablement des implications qui ne manqueront pas d’approfondir la crise de système à laquelle notre pays est confronté.

La deuxième observation, est en rapport avec les tentatives du système politique de cacher ses échecs en recourant à un discours dénué de sens vantant les mérites et louant le succès de sa politique économique, allant jusqu’à prétendre que notre pays est devenu une économie émergente capable de rivaliser avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud)

La crise énergétique est venue démentir formellement ces assertions, montrer le vrai visage de notre économie et dévoiler à chaque citoyen ses innombrables faiblesses ainsi que les insuffisances et dysfonctionnements dont elle souffre malheureusement.

La troisième observation m’amène à dire que notre pays n’est pas dans une situation favorable pour affronter et dépasser les conséquences de cette crise au moindre coût que ce soit du point de vue politique, économique ou social.

Du point de vue politique, le traitement des grandes crises nécessite une direction politique forte qui possède une vision précise de la démarche à suivre et qui est capable de mobiliser pour la mettre en œuvre.

La direction politique qui répond à ces caractéristique et qui possède cette capacité n’existe pas dans notre pays aujourd’hui. La vacance du pouvoir a fragilisé nos institutions et leur a enlevé toute capacité de réaction face aux grandes crises quelles qu’elles soient.

Du point de vue économique, dix années d’aisance financière sont venues ajouter de nouveaux dysfonctionnements à ceux déjà existant. Cette aisance financière a fait perdre à notre pays le sens de la rigueur, de la prudence et de l’efficience dans l’allocation des ressources, transformant nos politiques publiques en de simples opérations de distribution de la rente, et transgressant les règles les plus élémentaires à suivre pour jeter les fondements d’une économie moderne.

Pour ce qui est du volet social, cette embellie financière nous a fait perdre de vue la valeur du travail ; elle a ancré davantage dans nos esprits la mentalité de l’assistanat, elle a favorisé la course à l’argent facile et à l’enrichissement rapide au détriment des vertus de l’initiative individuelle et du compter sur soi comme voies honorable de la réussite sociale.

Ces observations avérées et ces constats établis nous conduisent à une seule déduction : notre pays est dans une situation très fragile et précaire pour pouvoir affronter une crise énergétique extrêmement dangereuse.

Cette vérité, le gouvernement n’a pas le courage de l’assumer devant le peuple, pour la simple raison qu’il craint sa réaction et qu’il appréhende par-dessus tout que ce dernier lui pose ces questions qui tombent sous le sens: où est passé l’argent ? Comment a-t-il été dépensé ? Pourquoi notre économie est restée dans cette situation de vulnérabilité alors qu’elle est censée avoir bénéficié d’une manne financière considérable ? Pourquoi ces enveloppes financières n’ont pas pour le moins réussi à corriger au moins certains dysfonctionnements parmi tous ceux –nombreux- dont continue à souffrir l’économie nationale ? La gabegie, les détournements et la corruption ne comptent-ils pas parmi les principales causes de ces échecs ? Que fait le gouvernement pour remettre l’économie nationale sur de bons rails ?

La peur de devoir rendre des comptes a plongé les autorités politiques dans un état de profond désarroi, dans l’incapacité de réfléchir, ne sachant pas comment se comporter, ni que faire devant une crise énergétique d’une exceptionnelle gravité.

Vous avez souvenance que cette crise a éclaté à la moitié du mois de juin de l’année écoulée alors que les autorités politiques n’ont tenu leurs deux premières réunions, l’une sous forme d’un conseil interministériel restreint et l’autre un conseil des ministres que respectivement les 23 et 31 décembre 2014.

Ce grand retard de près de 7 mois a suscité l’étonnement et soulevé les inquiétudes tant les autres pays affectés avaient déjà, durant cette période, organisé des dizaines de réunions ordinaires et extraordinaires de leurs conseils des ministres à l’effet de réfléchir à des plans d’urgence.

Notre gouvernement, pour sa part, n’a jusqu’à présent pas élaboré l’esquisse d’un plan d’urgence sous forme de projet préliminaire ou de simples pistes de travail. Plus que cela, au moment du déclenchement de la crise, le gouvernement s’attelait à l’étude et à la préparation de la loi de finances pour l’année 2015.

Malgré ce bouleversement de la conjoncture, le gouvernement a adopté cette loi de finances sans même l’adapter à la nouvelle donne, comme si la crise énergétique n’était pas passé par là et comme si ses implications allaient, par je ne sais quel miracle, s’arrêter à nos frontières.

N’est-ce pas là l’expression la plus caractérisée de la mauvaise gestion, de l’imprévoyance et de la mauvaise gouvernance ? N’est-ce pas là une carence flagrante dans l’exercice des responsabilités et une défaillance dans l’accomplissement de devoirs d’Etat ?

Le gouvernement à travers ce comportement ne donne-t-il pas au peuple l’image du désarroi au lieu de lui transmettre celle de la maitrise et du contrôle dans la gestion des affaires de la nation.

En résumé, nous ne connaissons au gouvernement aucun plan pour faire face à la crise et ses implications, comme nous ne lui connaissons aucune initiative préventive ni aucune adaptation réformatrice. Nos dirigeants politiques possèdent un penchant naturel pour les solutions de facilités et sont passés maitres dans l’art de se dispenser de l’effort qui permet de trouver les solutions novatrices les plus adaptées à la dimension et à la complexité de cette crise.

N’est-il pas plus opportun pour l’Etat d’engager sans délai une action de réduction des dépenses, en commençant, pour donner l’exemple, par réduire le train de vie de l’Etat. Des dépenses injustifiées ont été inscrites au budget d’équipement alors que la conjoncture actuelle ne permet pas de les assumer.

Les pays qui souffrent comme nous de cette crise ont pris de telles mesures de réduction du train de vie de l’Etat comme première composante de leur plan d'urgence.

Les importations ont atteint le montant record de 60 milliards de dollars notamment à cause d’un véritable crime économique, en l’occurrence la fraude dans les opérations du commerce extérieur sous toutes ses formes qui auraient atteint le seuil de 30%. Le fait de combattre ce phénomène suffit à lui seul à faire baisser la valeur de nos importation du tiers c’est-à-dire de près de 20 milliards de dollars.

Les services importés ont atteint 14 milliards de dollars annuellement. N’y a-t-il pas des services dont on peut se dispenser au regard du potentiel dont dispose notre pays dans ce domaine, afin de nous permettre de nous libérer de ce type de dépendance non justifiée.

Au cours de ces dernières années, des fortunes colossales se sont constituées dans notre pays. Le gouvernement est-il à ce point dans l’impossibilité de faire contribuer ces fortunes à l’effort de sacrifice à travers une adaptation du système fiscal à l’instar de ce qui se fait dans tous les autres pays développés comme en voie de développement ?

Certaines études élaborées par des organismes internationaux spécialisés ont évalué la fuite des capitaux de l’Algérie vers l’étranger entre 2004 et 2012 à 18 milliards de dollars (Global Financial Integrity). Ce constat n’appelle-t-il pas une réaction énergique du gouvernement pour stopper cette saignée ?

L’évasion fiscale a atteint 4000 milliards de dinars et cela de l’aveu même du service des impôts ; ce chiffre est pratiquement équivalent aux ressources qui existent dans le fonds de régulation des recettes et équivaut au budget de fonctionnement de l’Etat pour cette année. Où trouve-t-on trace de la décision vigoureuse de l’Etat de récupérer ces montants pour les utiliser dans le traitement de la crise alors même que le recouvrement de l’impôt compte au nombre des responsabilités premières de l’Etat !

Nous savons tous que de nombreux projets ont été initiés avec pour seule motivation l’étalage du luxe et la recherche de l’ostentation. Pourquoi n’a-t-on pas recensé ces projets afin de les annuler pour atténuer les effets de la crise actuelle ?

Ces mesures ne sont-elles pas des dispositions d’urgence que le gouvernement se devait de prendre ?

Le gouvernement a refusé de recourir à ces solutions pour une raison bien simple : le pouvoir politique en place dans notre pays est fondé sur une base clientéliste et rentière. Le clientélisme politique, économique et social constitue le socle de ce pouvoir qui n’a nullement l’intention d’attenter aux intérêts de ses  clientèles dans toutes leurs formes et de ses relais qui ont enserré de vastes pans de l’économie nationale dans leur emprise tentaculaire.

Ali Benflis

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Commentaires (2) | Réagir ?

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khelaf hellal

C'est 16 ans aprés, 16 ans d'application à la lettre d'un programme que l'on fait trainer dans le temps mandat aprés mandat comme l'Arlésienne qui leur fait constater toute honte bue, crasse sur crasse hier le transfert illicite de capitaux (10 milliards de Dollars en 10 ans) par Leksaci et aujourdhui la fraude à l'exportation de 20 milliards de Dollars par Benyounés, une banque privée qui a saigné le Trésor de je ne sais combien de Dollars etc... 16 ans aprés, le système ne fait que constater ses propres dégâts, les mauvais résultats de sa gouvernance tout en s'agrippant au pouvoir pour en mettre une autre couche de crasses. Tout ce temps perdu pour recommencer les mêmes echecs, les mêmes erreurs avec les mêmes personnes aux commandes, le même programme, le même mode de pensée. Le système est son propre fossoyeur, sa fin est inéluctable. On ne lui demande pas de nous annoncer les constats de son chef-d'oeuvre de faillite, on lui demande de déguerpir pour ne pas en rajouter dans le déshonneur et le ridicule.

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sarah sadim

Enfin Mr Benflis, l'opposition actuelle commence à comprendre que le débat est économique surtout, espérons qu'il sera aussi militaire et sécuritaire, qu'il sera également diplomatique à l'échelle internationale, car le "Vitrinage" du clan Bouteflika donne une fausse image de l'Algérie actuelle.

Alors seul salut, l'opposition doit débattre et posez les questions autres que politiciennes actuelles, rentrez dans l'antre du diable Bouteflika et dévoilà aux détails ses impostures et surtout la conflagration régionale prochaine qui arrive.

Voilà, ou ca fait trés mal, l'argent, le blanchissement monstreux d'argent sale par Bouteflika à l'échelle mondiale, le soutien insidieux aux destabilisations terroristes de l'Algérie et tout son voisinage, n'en déplaise au patron US de l'AFRICOM, et ses derniéres déclarations trop décallés aux réalités en afrique du nord et au sahel, mais surtout sur le faux role de l'algérie bouteflikiste dans sa pseudo lutte anti terroristes.

Son sectarisme et la fragmentation régionaliste de Bouteflika, le Crash de son systéme de Santé publique et la délinquence de son éducation nationale est aussi à dénoncer et à médiatiser.

Sortez messieurs de l'opposition de votre frilosité car Bouteflika n'a aucune retenue ou pudeur, alors...