Biens mal acquis en France : dictateurs et leurs proches dans le viseur de la justice

A Nice, rue Scuderi, où des biens immobiliers sont au nom du fils d'Omar Bongo, ex-président du Gabon.
A Nice, rue Scuderi, où des biens immobiliers sont au nom du fils d'Omar Bongo, ex-président du Gabon.

BMA, ce sont trois lettres pour désigner les «biens mal acquis», les sommes détournées des comptes publics par les dictateurs et leurs proches.

Depuis les premières plaintes déposées il y a cinq ans à Paris, par des associations anti-corruption, les enquêtes se multiplient, les saisies aussi. Ce vendredi, Le Parisien Magazine publie l'enquête d'un journaliste indépendant, Thierry Lévèque. Il révèle les dernières avancées des juges d'instruction français, qui laissent présager d'une vaste offensive judiciaire.

Même si rien n'est gagné, les ONG de lutte contre les dictateurs pillards de leur peuple commencent à avoir des résultats. Tout commence en 2010, lorsque Transparency International, une ONG anti-corruption dépose une plainte à Paris visant trois pays africains : la Guinée équatoriale, le Gabon et le Congo-Brazzaville. Une procédure dont l'issue, à l'époque, apparaît bien incertaine, car initialement, le parquet de Paris ne voulait pas poursuivre, arguant qu'il ne pouvait s'ingérer dans les affaires intérieures de pays étrangers. Il faut surtout indiquer qu'aux plus hauts niveaux de l'Etat, on ne souhaitait pas froisser des régimes alliés.

Finalement, la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, a jugé recevable cette plainte estimant que les Etats victimes étaient dans l'impossibilité de se défendre eux-mêmes puisqu'ils étaient dirigés par leurs propres pillards. Conséquence : des juges d'instruction français ont pu débuter leurs investigations.

Et ils ont découvert que les proches des familles Bongo, Obiang Nguema, Sassou-Nguesso menaient grand train à Paris accumulant notamment des patrimoines immobiliers considérables. En remontant les flux financiers, ils ont mis en évidence que l'argent - on parle de plusieurs centaines de millions d'euros - provenait des Trésors publics de leurs pays respectifs.

Des millions d’euros de biens déjà saisis

Les juges disposent d'une arme redoutable : la saisie préalable. Un dispositif récent qui permet la confiscation des biens douteux en France et leurs restitutions aux Etats spoliés. Aujourd'hui, la brèche s'élargit, l'Afrique n'est plus le seul continent concerné, les magistrats ont aussi dans leur collimateur les régimes syrien et ouzbek notamment.

Autre nouveauté, les Etats eux-mêmes portent plainte. En novembre dernier, la République centrafricaine a déposé plainte à Paris. Une plainte concernant les biens acquis en France par l'ancien président François Bozizé.Le Sénégal pourrait bientôt faire de même. L'avocat du président Macky Sall souhaite qu'une enquête soit ouverte à Paris sur les biens acquis en France par le fils de l’ex-président Wade.

Thierry Lévèque, le journaliste à l’origine de ses révélations pour Le Parisien Magazine, a rencontré cet avocat : "Maître Ndiaye, que nous avons rencontré, nous a déclaré qu’il pensait qu’on ne pouvait pas laisser l’affaire en l’état, car la police française visait des biens qui sont en tous les cas suspects pour un montant considérable : 21 millions d’euros. Et il pense qu’il faut aller jusqu’au bout pour purger cette affaire et tirer cela au clair de manière à ce qu’il y ait une sorte de jugement de principe qui soit rendu en France à l’usage des futurs dirigeants du Sénégal.»

Les chefs de l’Etat contre-attaque

Les chefs d'Etat concernés ont organisé leur riposte et ils ont recruté la fine fleur du barreau parisien. A l'instar de l'avocat Emmanuel Marsigny qui défed Teodorin Obiang Nguema, le vice-président de la Guinée Equatoriale (pays organisateur de la coupe d'Afrique de football) et également fils aîné du président Téodoro Obiang Nguema. En 2012, la justice a saisi son hôtel particulier de l'avenue Foch à Paris. Un bien immobilier d'un luxe inouï estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros.

Mais Emmanuel Marsigny conteste toute infraction : "Quelle compétence peut avoir la juridiction française pour juger d’éventuels actes commis par des étrangers, à l’étranger, en application de la loi étrangère ? Il y a là une aberration juridique qui tient au fait que l’on essaye de criminaliser cette affaire dite des "biens mal acquis". Et il y a là un problème de souveraineté puisque la justice française s’arroge le droit de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Guinée équatoriale, sans aucune compétence pour le faire."

Les avocats de la défense ont donc entamé une véritable guérilla judiciaire, ce qui n'empêche pas les saisies préalables de se multiplier. Il semble désormais révolu le temps où les potentats pouvaient mener grand train en France en toute impunité.

Avec RFI

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Commentaires (3) | Réagir ?

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haroun hamel

Qui va déposer plaint contre Saadani, Boutef et et son clan?

A moins que le deal d'exploitation des gaz de schistes en algérie fonctionne.

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Massinissa Umerri

Je cite:

" Et il y a là un problème de souveraineté puisque la justice française s’arroge le droit de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Guinée équatoriale, sans aucune compétence pour le faire. "

Pas si vite ya si mouh !

La France et donc sa Justice, a justement tous les droits d'investiguer l'origine des fonds de trnsactions !!! C'est un pays SOUVERAIN JUSTEMENT ! Paris leur appartient et ils ont les moyens d'imposer leurs loi ! l'Hotel sera vendu aux enchers et ira droit au tresor publique francais ! c'est un bien IMMOBIL-ier (unbougeable).

Pas besoin de trop se tenir la tete - partout au monde, vous ne pouvez vendre ou acheter une propriete' vole'e ! Meme pas une orange.

Le "Cabinet" est entrain de leur faire croire a un argument bidon - et ils se font payer cher ! et je suppose que le juge va faire durer, jusqu'a ce qu'il ne reste plus un sou ! Donc le verdict est deja rendu, le temps sert a soustraire l'argent "les notes" qui risquent de s'evaporer... les batiments ne sont pas bougeables !

A y bien penser, les jusges c'est les escrocs des escrocs, pour le bien publique. Il en faut bien !

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