Gaz de schiste: la partialité du ministère de l'Aménagement du territoire

Les résultats des travaux du professeur Seth Berrin Shonkoff, sur le gaz de schiste sont sans équivoque
Les résultats des travaux du professeur Seth Berrin Shonkoff, sur le gaz de schiste sont sans équivoque

Quand bien même j'aimerais être en accord avec nos responsables politiques et leur accorder le bénéfice du doute, il est difficile de ne pas s'inquiéter de la situation actuelle.

Par Sofiane Baba (*)

La gestion catastrophique de la polémique entourant le gaz de schiste lors des dernières semaines, arrimée à plusieurs déclarations maladroites de la part de nos responsables politiques, souvent contradictoires d'ailleurs, expose au grand jour l'incapacité managériale de ce gouvernement à gérer des enjeux de développement durable. Encore plus surprenant est le fait que les politiques aient pris le dessus sur le promoteur, la Sonatrach. Les politiciens ainsi que le chef de la sûreté nationale effectuent des visites au Sud afin de "vendre" leur projet, faisant fi des gestionnaires au sein de la Sonatrach en charge de la gestion des relations entreprises-communautés, de la responsabilité sociale et du développement durable. Où sont-ils ? Il me semble pourtant que ces personnes seraient les mieux placées pour agir en tant que médiateur entre les communautés locales et le ministère de l'Énergie. Quoi qu'il en soit, la déception des populations du Sud lors des visites du ministre de l'Énergie Youcef Yousfi est claire : il aurait été plus intéressant d'envoyer des gestionnaires de la Sonatrach qui travaillent au quotidien avec les communautés locales et qui sont familiers avec la nature de ces enjeux.

Dalila Boudjemaa, la ministre de l'Environnement a fait une sortie hasardeuse sur le gaz de schiste.

Dalila Boudjemaa, la ministre de l'Environnement a fait une sortie hasardeuse sur le gaz de schiste.

Par ailleurs, j'affirmais récemment dans un autre article que le ministère de l'Environnement, jusque-là absent ou presque du débat sur le gaz de schiste, devait être un acteur de premier plan car s'il y a bien plusieurs logiques qui s'affrontent dans ce débat, la logique environnementale en est certainement une dominante dans l'esprit des mouvements contestataires. La ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, Dalila Boudjemaâ, a répondu présente : "En tant que ministre et spécialiste de l'environnement, je peux affirmer que l'exploitation du gaz de schiste n'a aucun impact sur l'environnement, d'autant plus que les études faites dans ce sens le confirment". Sidérant ! L'argument d'autorité "en tant que spécialiste de l'environnement" a piqué ma curiosité. En effectuant quelques recherches, quiconque apprendra sur le profil de notre chère Ministre de l'Environnement qu'elle est ingénieure d'État en agronomie, et qu'elle a occupé des postes liés à l'agriculture entre 1978 et 2000. Celle qui se prétend "spécialiste de l'environnement", ne s'est intéressée à l'environnement qu'à partir de 2001, en occupant notamment des postes de direction (2001-2012) et de ministre (2013-2014).

En se proclamant experte de l'environnement, je m'attendais naïvement à ce qu'elle détienne un doctorat en sciences environnementales de l'Université californienne de Berkeley, qu'elle ait une formation antérieure en épidémiologie de la même université, qu'elle soit directrice exécutive au sein d'une organisation à but non lucratif subventionnée par l'État américain afin de mener des recherches scientifiques solides et impartiales sur le développement du gaz non conventionnel, qu'elle ait publié dans des revues de qualité autour de l'énergie, la pollution et la qualité de l'air et de l'eau, du changement climatique, de la santé humaine, et des dimensions environnementales et climatologiques du gaz de schiste, et qu'elle soit professeure d'université. En fait, je l'ai confondue avec le professeur Seth Berrin Shonkoff, un autre "expert", dont les résultats publiés dans des revues scientifiques de qualité affirment le contraire de ce qu'avance notre experte nationale (nos expertes, devrais-je dire, après les propos de Louisa Hanoune sur son incompréhension des inquiétudes des populations du Sud).

Les résultats récents des travaux du professeur Seth Berrin Shonkoff, publiés en avril 2014, sont sans équivoque : "Il y a des preuves de risques potentiels pour la santé publique dus au développement du gaz de schiste". Le chercheur et ses co-auteurs poursuivent qu'une "accumulation grandissante d’études suggère que les risques de pollution existent par le biais d’une variété de voies de contamination, en particulier durant le transport des eaux de fracturation usées ou de leur entreposage, ou par le biais de confinement défaillant des gaz et des fluides, dues à une mauvaise cimentation des puits". Cette étude montre clairement que l'exploitation du gaz de schiste pollue tant l'air que l'eau, "la littérature scientifique suggère que l’exploitation de gaz de schiste émet des polluants atmosphériques parmi lesquels le benzène, le toluène, l’éthylbenzène et le xylène, le formaldéhyde", en précisant qu'ils ont également recensé "de hauts niveaux de méthane dans des points de prélèvement d’eau potable."

Enfin, ils poursuivent qu'à certaines concentrations, "plus de 75% des produits identifiés sont connus pour affecter négativement les yeux, la peau et d’autres organes sensoriels, le système respiratoire, le système gastro-intestinal et le foie [...] 52% ont le potentiel d’affecter négativement le système nerveux, tandis que 37% sont de possibles perturbateurs endocriniens." Un autre expert a récemment participé à la publication d'une étude dans les annales de l'Académie américaine des sciences en démontrant les dangers de la fracturation hydraulique sur les eaux souterraines. Ce géochimiste professeur à l'Université Duke explique clairement que les gaz situés à 1 600 mètres de profondeur dans l'État de la Pennsylvanie ont contaminé des eaux situés plus haut dans le sol, et que le risque de contamination des eaux est une évidence. Ces considérations faites, il me semble naturel de se questionner sur les implications environnementales de l'exploitation du gaz de schiste, d'autant plus que le Sahara algérien regorge une vaste quantité d'eau souterraine de Béchar à Biskra, jusqu'au Sud du côté de In-Salah (tiens !) et In-amenas.

Après tout, chacun est libre de choisir l'expert qu'il souhaite écouter. Pour ma part, et vous l'aurez sans doute compris, mon choix a été simple et vite fait.

S. B. (*)

(*) Doctorant à HEC Montréal

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Commentaires (8) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Abdelmadjid Boualaoui

Fait, la France a réalisé une victoire juridique, écologique et politique en disant en 4 mots : "pas dans mon jardin" faisant ainsi allusion à l'exploitation du gaz de schiste sur son territoire ;

Fait, le gouvernement québécois était à l'écoute du grognement de sa population lorsque cette dernière s'est opposée à l'exploitation du gaz de schiste et pour cause, la technique dite: "la fracturation hydraulique" utilisée dans ce genre de forage nuit à l'environnement et à la sécurité publique ;

Fait, la Chine qui vient à la fois en tête de liste du palmarès des grands pays pollueurs sur la planète et des plus grand pays détenteur de réserve de gaz de schiste a choisi tout récemment de conclure un contrat de 400 milliard de $ avec la Russie pour son approvisionnement en Gaz lequel s'étale sur 30 ans ;

Fait, les prix du pétrole ont chuté et cela cause une crise.

Chez les gens doués d'un peu de bon sens, les moments de crises les mettent dans un mode de détermination, les poussent à chercher l'alternative, les amènent à faire preuve de créativité et d'imagination.

À l'inverse, chez les gens dysfonctionnels à l'image de ceux qui nous gouvernent, prédisposés à la paresse avec un penchant flagrant pour la facilité, lors des moments de crises ils ont souvent tendance à prendre alors la tangente dans son sens négatif.

Ainsi au lieu que ses moments de crises sonnent le glas pour nos dirigeant afin qu'ils puissent revoir leur politique économique et chercher le remède dans une alternative rationnelle et durable comme l'agriculture ou l'énergie renouvelable, la bande de sangsue qui vampirise le pays depuis des années dans une tentative qui aspire à trouver une solution palliative aux éventuelles retombés négatives induites par la subite chute des prix de pétrole, prévoit exploiter le gaz de schiste au sud du pays. En plus le plus grand responsable de nos énergies naturelles s'adresse aux médias sans "hachma" pour dire et nous faire croire que l'ultime chance pour nous de s'en sortir d'affaire serait alors selon lui : de fouiner encore et encore dans cette terre patiente et clémente quitte à la puiser jusqu'à l'épuisement, quitte à la polluer et la contaminer et toute vie avec.

À bien des égard, bien avant l'avènement de cette crise, notre gouvernement exécute un agenda dicté d'ailleurs, puis le projet fut béni à l'unisson à l'interne (nombreux sont les corrompus et les chayatines dans le parlement, hach lima yesthal)

Ainsi, la crise fut pour eux un bon prétexte pour passer à l'œuvre. À ce stade là, les autorités ont cru qu'ils ont bien tissu leur plan pour passer à l'exécution, mais au moment de vouloir le faire, ils ont réalisé qu'ils ont omis d'inclure dans leur calcul un facteur fort majeur : les habitants du Sud ou Sahrawa. À mon sens, le gouvernement a sous estimé dès le départ la réaction des gens du sud, tout comme vous Madame! Alors considérés pour la plupart comme étant des nass melah, des niyas ou même parfois des insoucieux et inconscients voire complètement déphasés.

Certes, les gens du sud sont des nass melah, niyas (mais dans le bon sens), se contentent dans leur quotidien du peu voire du moins que le peu tout en disant al-hamdoulillah ala koulli hal. L'immigration, le miroitement et les lumières des pays occidentaux ne font pas parti de leurs rêves de tous les jours. Attachés, très attaché à leur terre, terre de leurs aïeux. Ils font face au quotidien aux conditions climatiques les plus rudes et les plus infernales avec une patience et un courage incroyables (imaginez un peu le quotidien de ces gens-là pendant le mois de Ramadhan dans ces régions ou le mercure atteint facilement les 45 degrés à l'ombre). Endurant et rarement ou ils se plaignent. Ils ne maudissent jamais leur situation, leur mode de vie ou leur sort. Force est de constater qu'à nos jours ils restent toujours peu connus par un bon nombre de leurs compatriotes et frères du nord et vous en faites partie Madame!

Par ailleurs, les récents événements qui ont marqué le sud algériens en particulier la région de Tidikalt (mot berbère signifiant la paume de la main) nous ont montré combien sont instruits et conscients les habitants du Sahra (contrairement aux incultes qui nous gouvernent) et qu'ils peuvent le moment voulu exhiber un visage et une attitude inhabituels chez les autres. De marbre, déterminés et imperturbables, tenant tête à un gouvernement gonflé à bloc, aux ambitions déloyales et vicieuses et surtout réputé pour ses promesses arlésiennes. Si les habitants du sud sont sortis de leur silence c'est que les enjeux auxquels ils font face actuellement sont de taille, à leurs yeux et à tous égards, il s'agit dans les circonstances d'une question de vie ou de mort. Ainsi, vieux, vieilles, hommes, femmes et enfants ont exprimés leurs mécontentements et comment : de la manière la plus pacifique et la plus civilisée.

Pour conclure, je dirai que la France doit savoir que le sud algérien n'est pas son laboratoire expérimentation situé à l'autre rive de la méditerrané et que ses habitants ne sont pas ses cobayes. Aussi, je pense que les gouvernements qui se sont succédé dans notre pays ont développés au fil des années une addiction pathologique à la consommation des hydrocarbures dont il n'arrivent point aujourd'hui à se défaire. Donc mon conseil pour eux serai d'aller subir une longue et bonne cure de désintoxication loin de nous.

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