Arabie Saoudite : amie, ennemie ou barbare ?

Raïf Badawi.
Raïf Badawi.

En pleine guerre du pétrole qui fait mal aux producteurs, mais réjouit les consommateurs, le monde découvre soudainement la barbarie de la monarchie qui domine l’Arabie Saoudite. Cela est en bonne partie due au supplice que ce pays fait subir à un de ses citoyens dont le seul crime a été d’avoir des opinions trop libérales.

L'Arabie Saoudite, berceau du wahhabisme, est gardienne des lieux les plus saints de l'islam. Ce pays déstabilise le monde depuis 40 ans en exportant l’islamisme politique partout ou il le peut. Pourtant, le royaume qui abrite la Mecque et Médine est la grande amie des Occidentaux dans le monde arabe. Pendant longtemps, elle en a été une alliée indéfectible dans son combat pour le contrôle mondial du pétrole malgré son absolu dédain de la démocratie et des droits de l’homme, les deux piliers du monde moderne et des Nations unies. Les défauts et le côté inhumain de la monarchie pétrolière étaient alors sciemment balayés sous le tapis et les grands du G7 se battaient pour pouvoir être considérés en amis. La récente diminution de la dépendance mondiale au pétrole saoudien peut cependant avoir changé la donne.

Les pays développés ont trouvé une manière ingénieuse de faire surgir des hydrocarbures de leur sous-sol. Les nouvelles technologies développées par les Américains pour extraire du gaz et du pétrole de schiste changent donc actuellement l’équilibre mondial des énergies fossiles. Avant la présente crise pétrolière, provoqués par le refus de l’Arabie Saoudite de baisser sa production, les États-Unis rejoignaient presque les Russes et les pays de l'Opep pour se hisser parmi les exportateurs mondiaux d'hydrocarbures. C’était la plus importante modification des équilibres géostratégiques dans cette industrie depuis les grands chocs pétroliers des années 1970.

Cette action de la monarchie pétrolière n’est pas une première. Elle avait aussi fait intentionnellement tomber les prix du pétrole en 1986 dans le but d’affaiblir l'Union soviétique. À la demande de son ami américain, elle avait augmenté sa production et fait plonger en quelque mois le prix du baril de brut de 28 $ jusqu’à 9 $ avant qu’il se stabilise à 15 $. Si la présente guerre des prix a ceci de similaire à l’ancienne qu’elle touche encore la Russie, elle fait aussi mal aux Américains qui voient fondre leurs chances de devenir le plus important producteur de pétrole au monde. La superpuissance militaire se voyait déjà première productrice de pétrole d’ici quelques années. Cette situation a cependant changé quand l’Arabie Saoudite a décidé il y a quelques mois de laisser jouer les lois du marché, elle qui s’en était privée plusieurs fois dans le passé. Seul le futur pourra dire si elle laisse les prix chuter dans l’espoir de mettre hors d’état de produire les nouveaux venus américains dans l’industrie ou pour combattre une seconde fois des ennemis idéologiques. Le niveau jusqu’où descendra le prix du baril de pétrole apportera plus de réponses à cette question. S’il se fige au niveau actuel, les chances sont grandes que les Russes, les Vénézuéliens, l’Iran et la Syrie aient été visés. Si le baril descend plus bas que 30 $, on saura que c’est une véritable guerre des prix et que les producteurs américains sont aussi dans le collimateur.

La situation actuelle rend cependant l’Arabie Saoudite moins sympathique à beaucoup de gens et ses défauts reviennent à la surface. Alors qu’ils étaient soigneusement cachés ou teints d’exotisme, ses mœurs barbares, racistes, sectaires et xénophobes sont maintenant étalées dans tous les médias. Il faut dire qu’en Arabie Saoudite, les autorités décapitent allègrement au sabre sur la place publique pour un oui ou un non. Ce pays a exécuté 87 condamnés à mort en 2014. Le moindre défi à l’autorité y est puni avec une vigueur sans faille. Une journaliste, Maysaa Al Amoudi et une activiste pour les droits de l’Homme, Loujain al-Hathloul, y ont été arrêtés en décembre 2014 pour avoir osé conduire une voiture ce qui est interdit par la loi pour les femmes en ce pays. Comble du ridicule, elles seront jugées par un tribunal antiterroriste. Mais ce qui fait actuellement la manchette mondiale est le supplice du fouet que doit subir un citoyen du pays, Raïf Badawi.

Les crimes reprochés à ce Saoudien de 32 ans dont c’était l’anniversaire le 13 janvier dernier remontent à 2006 quand il a créé le site "libérez les libéraux saoudiens" qui prônait l’humanisme. Cela lui a coûté une peine d'emprisonnement de 10 ans pour insulte à l'islam qu'il purge depuis le 17 juin 2012. Il doit aussi payer près de 250 000$ pour avoir porté atteinte à la sécurité publique et avoir ridiculisé des personnalités islamiques. Mais ce qui choque le plus est qu’il doit subir 1000 coups de fouet pour avoir insulté l'islam. Il devait les recevoir par tranche de 50 à partir de la deuxième semaine de janvier. Après la première torture publique, le supplicié s’en est cependant trouvé si mal que sa santé s’en serait trouvée atteinte si cela s’était reproduit comme prévu la semaine suivante.

Au cas où personne en Arabie Saoudite ne s’en serait rendu compte, ce ne sont pas tant les actions de Raïf Badawi que celles de la royauté saoudienne qui salissent actuellement la réputation de l’Islam auprès des citoyens de cette planète. Ce qui est plus problématique encore est que la royauté ne semble pas comprendre pourquoi des milliers de personnes à travers le monde expriment leur indignation sur les réseaux sociaux. Raif Badawi n’insulte pas l’islam, une religion de bonté et de paix. Il fait peur à ceux qui règnent sans partage sur l’Arabie Saoudite. Une religion de paix vécue comme telle dans la majorité des pays sert d’excuse à une monarchie pour conserver le pouvoir de manière autoritaire et violente. Des condamnations de cette torture sont venues de pays généralement modérer dans leurs approches des relations internationales comme la Norvège, les Pays-Bas, l’Italie, l’Allemagne et de nombreux autres.

Des menaces de créer un mouvement de boycottage similaire à celui qui a fait tomber l'apartheid en Afrique du Sud sont actuellement lancées. Une forme des plus primitive d’islam politique a survécu dans ce royaume qui utilise pourtant les armes les plus modernes. On ne voit pas ses soldats se promener à cheval avec les sabres du temps du grand prophète. Il semble que certaines choses peuvent évoluer sans offenser la royauté sunnite. Que les changements qui maintiennent le pouvoir sans partage des dirigeants du pays sur le peuple ne sont acceptés de la modernité ! L’Arabie Saoudite peut être considérée comme une puissance amie ou ennemie dépendamment des vus politiques de l’analyste, mais elle est et restera une nation barbare tant qu’elle ne respectera pas les droits de l’Homme.

Michel Gourd

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Commentaires (7) | Réagir ?

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adil ahmed

danke schoon

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Sabri Ghazi

Je ne suis pas du tout pro-saudi mais vous oubliez de citer que l'Arabie Saoudi a pu divertir son économie, elle ne dépend que de 45% des hydrocarbures... elle est le principal producteur de lait en moyen-orient... alors que c'est un pays sahraoui !

Chez nous (Algérie) malgré ce qu'on a.... on dépend 99% des hydrocarbures... et on import tous du poids-chiche aux Ibiza..

Alors je pense qu'on doit dire la vérité, les Saoudiens gérént bien leurs pays.

Quand aux problèmes avec les minorités.... même les USA ne sont pas épargnés...

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