Jeu de coulisse au Sommet de la Francophonie

Les Africains risquent de perdre une partie des prérogatives de l'Organisation internationale de la Francophonie
Les Africains risquent de perdre une partie des prérogatives de l'Organisation internationale de la Francophonie

Il y a danger en la demeure, au XVe Sommet de la Francophonie qui se tiendra à Dakar les 29 et 30 novembre. De grands joueurs mondiaux pourraient bien vouloir utiliser l'Organisation internationale de la Francophonie comme un pion pour contrer la croissance des pays du BRICS et plus particulièrement de la Chine en Afrique.

Pour arriver à prendre la tête de l’OIF, des pays tentent actuellement de changer une règle qui existe depuis le sommet de la Francophonie de 1997 à Hanoï au Vietnam. Selon ce pacte tacite, un ressortissant du Nord remplit le poste d’Administrateur général et un du Sud celui de Secrétaire général de la Francophonie. C’est d’ailleurs un Canadien, Michel Duhaime, qui est actuellement Administrateur général de l’OIF jusqu’en 2018. Des pays du Nord veulent cependant changer cette règle et ne lésinent pas sur la dépense pour le faire. Le XVe Sommet de la Francophonie pourrait donc être un tournant pour l’avenir du français dans le monde.

Ce qui est en jeu est le joyau qu’a créé Abdou Diouf. Le rapport que l’OIF vient de sortir en préparation au Sommet montre qu’il laisse un organisme qui a accompli plus que ce qui lui était demandé. En 4 ans, le nombre de francophones a augmenté de près de 25% sur la planète. Cela représente 54 millions de francophones de plus dans le monde qu’en 2010, soit un total de 274 millions. Le français est la quatrième langue sur Internet, la troisième pour les affaires et la deuxième en ce qui concerne l’information internationale dans les médias. Il continue à être la cinquième langue la plus parlée. C’est aussi la deuxième langue étrangère apprise. Si la francophonie continue sur sa lancée, elle pourrait représenter 767 millions de personnes en 2060.

Ce résultat est en bonne partie due aux habitants du continent africain qui l’ont adopté. Près de 55% des francophones se trouvent en Afrique. Ce sont donc eux qui ont le plus à perdre s’ils ne se positionnent pas pour garder le contrôle de l’héritage qu’Abdou Diouf leur laisse. Le nombre de francophones a en fait progressé en moyenne de 15% par rapport à 2010 en Afrique subsaharienne avec des pointes atteignant les 30% dans certains pays. C’est en Afrique du Nord et au Moyen-Orient que l’on trouve plus de la moitié des personnes qui apprennent actuellement le français. Plus précisément, 90% des étudiants francophones du monde se trouvent dans six pays soit l’Algérie, l’Égypte, le Maroc, la Syrie, la Mauritanie et la Tunisie.

Malgré tous ces points positifs à exploiter, il peut donc paraître surprenant de voir que l'enjeu de ce XVe Sommet semble tourner autour de la meilleure manière d’imiter le modèle de développement économique anglo-saxon. Ce processus de création de richesse vient pourtant d’être battu par celui de la Chine qui domine déjà le futur économique de la planète et le fera pour les prochaines années. C’est possiblement là que se trouve l’enjeu principal des négociations secrètes qui ont actuellement cours pour l’élection du remplaçant d’Abdou Diouf. Empêcher les pays africains de quitter le giron occidental pourrait bien être une des motivations du réalignement politique qui semble vouloir se dessiner à l’OIF.

La Francophonie internationale ne doit pas se laisser manipuler et devenir un pion sur l’échiquier dans la partie qui oppose le G7 au BRICS. En raison de son formidable potentiel de développement, elle doit plutôt prendre sa place à la table comme un joueur à part entière. D’ici les 20 prochaines années, l’anglais perdra son hégémonie sur le monde des affaires au profit du mandarin. Si la tendance se maintient, cette langue et l'espagnol pourraient consolider leurs positions et dépasser l'anglais en termes de contenus Internet. Le français, qui est une des deux seules langues parlées sur les cinq continents, se trouve donc en position très avantageuse pour augmenter encore plus son nombre de locuteurs. Il ne faut pas oublier qu’il a été pendant longtemps la langue internationale de la diplomatie et de la Culture héritée du Siècle des lumières qui lui permet de se différencier positivement. S’il positionne bien ses pièces, l’OIF peut faire du français une des langues dominantes dans les transactions internationales et lui redonner un lustre qu’il avait perdu depuis un siècle. Cela ne pourra se passer cependant si cet organisme est utilisé par les pays du nord pour empêcher la Chine de progresser en Afrique. Peu importe que ce soit l’Occident ou les BRICS qui deviennent l’allié des francophones en Afrique. Ce qui compte doit être l’augmentation de son pouvoir et des infrastructures pour scolariser la majorité de la population en français.

Le successeur d’Abdou Diouf à la tête de l’OIF aura donc de très grands souliers à remplir. Il doit avoir une stature et un courage qui lui permettront de continuer le travail de son prédécesseur qui a amené le français à être une langue vigoureuse et en croissance. Le continent africain à tout à perdre si ses dirigeants se laissent manipuler pour accepter servilement ce que proposent des pays qui n’ont pas hésité à mettre sa population en esclavage et à la déporter aux quatre coins du monde. Comme les actions déjà posées sont les meilleures indicatrices de celles à venir, l’Afrique doit s’assurer de garder le contrôle de l’OIF pour que ce soit ses intérêts qui priment.

Michel Gourd

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Commentaires (7) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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uchan lakhla

La francophonie est la sœur jumelle du Commonwealth, en réalité le partage que l'occident a décidé pendant le 19 ième siècle est toujours d'actualité, on tente juste de lui donner une nouvelle forme, dans les faits il s'agit du partage des richesses du contient, c'est une nouvelle forme de la colonisation imposée par l'ère numérique.

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