Quand l’opposition algérienne confond révolution et appels de salon !

L'opposition algérienne pèche par le manque d'audace et de fermeté.
L'opposition algérienne pèche par le manque d'audace et de fermeté.

Décidément, en termes de supercheries, l’opposition aussi détient son lot de performances. Et quel lot ! Faire un appel au peuple en en dupliquant quasiment les termes pour dresser un parallèle entre le combat contre le petit clan Bouteflika avec celui de la glorieuse révolution contre un colonialisme farouche est tout simplement abracadabrantesque, à l’image de cette photo loufoque qui accompagne l’appel de l’ISCO au peuple algérien, et qui donne à elle seule la température de l’atmosphère qui devait y régner.

En avant plan, un Mokri avec le regard lointain et absent, certainement pris dans une concentration de méditation profonde et de récitation de versets pour implorer l’aide de Dieu. Entre un Rahabi et un Benbitour, yeux rivés sur leurs téléphones portables et autres gadgets électroniques, apparaît un Ali Benflis qui semble intrigué par le corps nu d’un malade ou d’une victime de la violence policière. Si nous pouvions savoir ce qu’inspirent ces observations à Si-Ali, nous aurions quelques indices de ce qui se trame dans cette honorable assistance. Est-il en train de se prendre de sympathie avec la victime ou bien se dit-il "ahouah, djabli Rabbi cette photo gheir hallal" !? Allez savoir !

En face, c’est le même schéma. Chacun semble englouti dans ses pensées ou dans son gadget "new generation", avec des têtes d’enterrement on ne peut plus éplorées ! Ce n’est pas avec de telles têtes tristounettes qu’on déclenche une révolution ya Si-Ali et compagnie ! Passons sur la forme, et venons-en au fond de cet appel. De quoi s’agit-il ?

- Nous faire prendre conscience de la gravité d’une situation que nous savons grave depuis plus de 50 ans, et particulièrement depuis l’accès au pouvoir du plus grand imposteur que l’Algérie ait connu et ne connaîtra sans doute jamais plus ?

- Nous alerter sur la vacance du pouvoir et sur le vide institutionnel qui s’en est suivi, comme si nos institutions n’ont jamais été autre chose que des machins vides au service de la "petite famille"?

- Nous convaincre d’adhérer à une démarche dont les contours baignent dans un flou artistique des plus apprêtés ?

- Nous séduire par un appel aux étranges similitudes avec celui du FLN version 1954, et faire un pied de nez au pouvoir en récupérant à l’arrachée les symboles de la révolution ?

- Nous persuader qu’il est possible de construire un système démocratique même avec ceux qui font de la démocratie un ennemi à abattre car produit d’un monde occidental kaffer ?

J’ai beau lire et me forcer à relire cet appel pour y discerner quelconque optimisme, il s’y dégage à chaque lecture une étrange odeur de consensus au rabais et une impression bizarre que le vocabulaire choisi a été arrondi et adouci à la pierre ponce pour nous faire croire à un semblant d’accord libéré aux forceps ! C’est aussi tout cela que dégage la photo qui accompagne l’appel !

Innovez messieurs les politiques, innovez ! Car dupliquer l’appel de Novembre 1954 en novembre 2014 pour faire adhérer le peuple de la même façon qu’il y a 60 ans est tout simplement inconséquent, contre-productif et ringard, surtout quand on finit un texte en scandant «Gloire à nos martyrs !» On ne fait pas de l’opposition en copiant le pouvoir dans ses moindres hurlements, juste pour faire passer une pilule indigeste ! Les temps de gloire sont dépassés ! Il faut passer à autre chose, quelque chose d’intelligent, de percutant et de convaincant !

De mon humble avis, il y a moyen de faire adhérer, pas le peuple dans son ensemble, cela est utopique, mais de larges pans de la société si des démarches courageuses sont entreprises.

-Les marches sont interdites ? Mais que risquez-vous donc, à part quelques coups de matraques si vous décidez d’en organiser une ? La seule cause de cette liberté pour laquelle des martyrs ont donné leurs vies ne vaut-elle pas quelques coups de matraques sur la tête?

-Les réunions sont interdites ? Mais qu’est-ce qui empêche nos honorables opposants d’en organiser, un peu partout dans l’Algérie profonde, et non pas seulement dans les salons cossus d’Alger ?

-La cohésion nationale vous tient à cœur ? Pourquoi ne pas organiser des conférences à Tizi-Ouzou, Bouira ou V’gayet en y débattant en kabyle ? Une autre à Ghardaïa en y débattant en mozabite ? Ou à défaut, pourquoi ne pas lancer de différents endroits du pays des appels clairs et nets pour faire oublier l’offense faite par Ben-Bella aux peuples berbères, à partir de Tunis, et crier de toutes vos tripes: Nous ne sommes pas arabes ! Nous ne sommes pas Arabes ! Nous ne sommes pas Arabes!

Oser accentuer telle affirmation à Tizi-Ouzou par des "n’ewkni yawk dh’lekvayel !", à Ghardaïa par des "koulouna dhim’zaviyenes !" à Batna "koulouna Dhichawyene !" etc…serait, pour vous, le meilleur signe de probité et, pour nous, le meilleur gage de ralliement.

-Vous voulez mobiliser la jeunesse pour qu’elle s’engage à vos côtés ? C’est simple, il suffit d’organiser un méga festival, à la Woodstock, avec des invités de marque dont l’engagement pour une Algérie moderne n’est plus à démontrer : Idir, Ferhat Imazighen Imoula, Baâziz e tant d’autres. Et pourquoi pas Fella Ababsa, elle qui a craqué aux larmes parce que dit-elle le pouvoir a clochardisé les artistes. Pleures pas petite Fella, tontons Mokri, Benbitour et Benflis sont là pour redorer ton statut et te réconforter !

Seules de telles postures de chocs peuvent enclencher une dynamique citoyenne séduisante, car le peuple en a marre que les dirigeants parlent à sa place, décident à sa place, en plus de s’exprimer dans une langue qu’il ne comprend même pas ! Et à ce propos, l'opposition lui emboîte le pas, le plus gaiement du monde.

Il ne suffit pas de se déclarer opposant au pouvoir en dupliquant sa façon de faire et brailler, à tout va "gloire à nos martyrs !" pour nous vendre de la crédibilité, encore faut-il savoir se démarquer, en usant de formules chocs, dérangeantes, mais oh combien justes, de ceux qui ont confisqué jusqu’à notre identité ! Les Martyrs savaient pourquoi ils se sont sacrifiés, mais je doute qu’ils acceptent l’idée de ce fonds de commerce dont ils font l’objet pour prétexter de la moindre légitimité du combat politique !

Nous avancerons certainement sur des chemins de grâce quand nous déciderons de conjuguer la gloire au futur et non plus au passé ! Mais n’est-il pas déjà trop tard, puisque vous défendez les mêmes constantes nationales que celles du pouvoir que vous prétendez combattre, celles qui nous renvoient tout le temps au passé, un passé qui n’est bien souvent pas le nôtre !

Kacem Madani

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Commentaires (13) | Réagir ?

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ali kaci

le jour ou considerera que tout les algeriens sont egaux, ce jour la on va peut etre s'en sortir

quant on dit famille revolutionnaire et lers autres sont il des harkas ?

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ali kaci

ah bon ! il y a une opposition.

finalement oui, mais contre ce peuple qui est devenu lui aussi opposant à lui meme.

allez y comprendre une chose.

pour avoir une opposition il faut d'abord connaitre ce que c'est qu'une opposition.

opposant à qui ?

finalement l'opposition est orientée contre des personnes et non contre le systeme et le programme.

croyez moi le jour ou l'algerie n'aura pas de quoi se payer un bateau de blé ; vous ne verrez aucun parti d'opposition.

alors s'il vous plait arretez de nous parler de ces soit disant opposants qui se pavanent dans les salons de l'occident au frais de l'algerie meurtrie et en sang.

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