Occident : supprimer le cash pour juguler les récessions !

Beaucoup de cash continue de circuler dans les économies occidentales
Beaucoup de cash continue de circuler dans les économies occidentales

Les espèces en circulation au sein du monde occidental empêchent son redressement économique. Elles sont en effet de l’ordre de 4000 dollars en moyenne par habitant aux Etats-Unis et en Europe, le double au Japon.

En outre, – chiffres très significatifs – 77% des espèces en circulation aux Etats-Unis sont des billets de 100 dollars, 53% des espèces en Europe sont des billets de 100 euros voire plus, sachant que 87% des espèces au Japon sont des billets de 10000 yens. Tandis que règnent aujourd’hui les grosses coupures, alors que la masse des liquidités en circulation atteint des niveaux records, il devient impératif d’éradiquer le cash de nos sociétés.

La première motivation fait de nos jours l’objet de discussions parmi un petit cercle d’experts. En effet, dans un monde où les taux d’intérêts des banques centrales majeures (USA, Japon et Europe) sont au zéro absolu, la présence même des espèces rend plus ou moins caduque toute politique monétaire non conventionnelle consistant à rendre les taux négatifs. En effet, le citoyen opterait dès lors pour transformer progressivement ses dépôts bancaires en espèces afin d’éviter de payer à sa banque des taux négatifs. Du coup, la banque centrale est confrontée au plancher du taux zéro que la présence même du cash l’empêche de crever. L’absence d’espèces lui permettrait au contraire d’instaurer efficacement des taux négatifs qui seraient nécessairement répercutés aux clients des banques, lesquels – étant dans l’impossibilité de convertir leurs avoirs bancaires en cash – seraient dès lors motivés à dépenser au lieu de conserver des comptes bancaires coûteux… Autrement dit: la relance de la croissance par l’absence de cash.

La société serait donc en mesure de conjurer définitivement toute récession car il suffirait de rendre négatif le taux d’intérêt directeur afin de combattre le chômage ou le ralentissement de l’économie. Brad DeLong, économiste à Berkeley, n’a-t-il pas même suggéré de combiner un taux d’intérêt négatif à une loterie qui invaliderait à intervalles réguliers des numéros de série de billets de banque ? Dans un tel cas de figure, toute récession serait très rapidement jugulée par une relance de la consommation et de l’investissement de la part de citoyens qui seraient dès lors confrontés à deux choix : payer une taxe sur leur compte bancaire ou dépenser leurs espèces menacées d’être disqualifiées !

Parallèlement, les espèces doivent être supprimées pour un deuxième motif, moins académique et également moins honorable. C’est évidemment l’ensemble de l’économie souterraine qui serait brusquement amenée à rentrer dans le rang, celle qui privilégie l’usage des grosses coupures, celle qui se soustrait à l’effort de solidarité nationale, tout comme celle qui verse dans la criminalité pure et simple. L’élimination des espèces éradiquerait du même coup l’ensemble de cette délinquance en forçant tous ces usagers plus ou moins douteux à transiter par l’intermédiation bancaire, qui serait dès lors incontournable pour tout paiement. C’est la nation et la quasi totalité des citoyens qui en bénéficieraient car des recherches récentes ont ainsi estimé que certains pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Italie verraient une appréciation de 25% de leurs P.I.B. respectifs! Le marché noir, et autres activités illégales nécessitant du cash, constituent effectivement jusqu’au quart de l’activité économique de certains pays de l’Union européenne. Leur suppression autoriserait donc la dette publique italienne de s’effondrer de 145 à 115%, ou la dette espagnole de 105 à 85%.

S’il est vrai que l’usage du cash autorise les individus à amoindrir l’emprise de leur Etat, s’il est incontestable que les espèces sont un instrument de liberté, ces arguments sont encore recevables de nos jours exclusivement dans les pays dont les citoyens tentent de se soustraire aux dictateurs et autres régimes autoritaires. De telles atteintes aux libertés publiques sont en revanche exclues au sein de nos vieilles démocraties. Nos Etats se doivent donc de soutenir leur population meurtrie par plusieurs années de crise en facilitant d’une part la tâche des banques centrales (par l’instauration effective de taux d’intérêt négatifs), et en améliorant d’autre part leur recettes fiscales en faisant émerger leur économie de l’ombre. Si les espèces représentent assurément un avantage et un gage d’autonomie sous le joug d’un dictateur, elles permettent trop souvent de s’affranchir de son devoir de solidarité au sein de nos sociétés occidentales. Acceptons donc de sacrifier un petit peu de liberté au profit de la cohésion nationale, de l’intérêt public, et d’une croissance pérenne.

AFP

Michel Santi, économiste (http://www.michelsanti.fr)

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