De la coopération universitaire entre pays amis et frères

Les universitaires algériens sont confrontés à des blocages.
Les universitaires algériens sont confrontés à des blocages.

"Si tu ne veux pas l'homme qui est en face de toi, comment croirais-je à l'homme qui peut être en toi?" (Frantz Fanon)

Le site web du MESRS (1) permet de noter maintes activités ministérielles, dont la participation à des rencontres internationales et l’audience accordée à moult personnalités étrangères, en vue de renforcer un partenariat scientifique, scellé par des communiqués affichant une volonté commune, et annoncé gagnant-gagnant avec des pays, dont ceux du bassin Méditerranéen, dans le cadre du dialogue dit 5+5, aux jalons globalement posés, en 1990 déjà.

Si nous descendons maintenant à la base, nul n’ignore qu’un décalage est perceptible entre les louables communiqués conjoints et la réalité du terrain. En effet, animés d’une bonne volonté, certains de nos enseignant-chercheurs se trouvent confrontés parfois à des blocages résultant de procédures, s’ils désirent effectuer un séjour scientifique ou participer à un congrès, dans un pays frère ou ami. Notons ici, que les questions d’ordre pédagogique et scientifique relèvent, au vu des textes, des larges prérogatives du CSF (2), et qui lui sont soumises par son Président. Ainsi, pour constituer son dossier de séjour, l’universitaire algérien, doit trouver un laboratoire d’accueil, puis écrire au Directeur de celui-ci, pour recevoir une lettre d’invitation, ce qui n’est pas toujours évident.

Ce n’est pas évident, car la lettre d’invitation étant envoyée par courrier électronique, un CSF exige le document original envoyé par la poste. Mais que faire, quand une lettre postale, si elle arrive à bon port, peut prendre des mois, entre deux villages algériens, en cette époque où l’on communique en quelques clics, dans ce village planétaire ? Certes, cette exigence a été instaurée puisque des universitaires ont désappris l’éthique sur laquelle nous reviendrons plus bas. Ne serait-il pas alors plus simple, de munir nos CSF d’imprimantes couleur, sinon d’accorder le séjour, en demandant au concerné de ramener avec lui cette invitation ? Par contre, tel autre CSF de telle autre Faculté, dans la même université, ne demande pas ce document porté par le facteur dans une enveloppe timbrée, car il est accepté par courrier électronique directement adressé au CSF. Ceci évite donc de pénaliser bon nombre d’universitaires et de suspecter tout le monde.

Ainsi, les divers CSF, apparemment déconnectés entre eux, n’ont pas encore accordé leurs violons, d’où l’intérêt d’améliorer le système de communication, pour favoriser la transparence, mobiliser la famille universitaire et affermir une éthique, aujourd’hui bafouée. En effet, malgré les efforts fournis par des responsables, pour diffuser l’information, d’autres tentent malheureusement sa rétention ; des collègues, dans toutes nos universités, qui sont beaucoup plus préoccupés par leur promotion, en ciblant les activités de recherche, mais éloignés des étudiants et peu concernés par leurs tâches d’enseignement pour lesquelles ils perçoivent l’essentiel de leur revenu. On ne partage donc rien du tout, chacun pour soi ; la pédagogie et la confraternité mises entre parenthèses, profitons de la rente si omniprésente, et renforçons son esprit.

Par ailleurs, notons que les directeurs de laboratoires étrangers ne sont pas tenus à se plier à des contraintes, comme correspondre par courrier postal, devenu obsolète. Et ainsi, les grincements débutent, la dignité de l’Algérien se trouvant malmenée, bien avant ce séjour scientifique qui a tout l’air d’être quémandé.

Tout d’abord, juste pour mettre les pieds sur la rive Nord, l’universitaire débutant ou en formation, s’il ne part pas dans le cadre d’un accord-programme, cas le plus fréquent, devra s’acquitter des frais du visa d’un montant de 60 euros, donc environ 6400 dinars algériens au taux bancaire, et rajouter pas moins de 2400 dinars pour quinze jours d’assurances, soit au total plus de l’ équivalent de cinq jours de son salaire. Pourtant, les amis de l’autre Rive, avaient mentionné, dans leur Code Communautaire des Visas entré en vigueur le 4 avril 2010, que les visas de court séjour mention "scientifique" sont gratuits, sauf que les dessins (ou desseins ?) issus de Schengen se révèlent plastiques, circonstanciels, alors que les communiqués communs affichés par le MESRS disent vouloir créer «un véritable espace intégré de recherche et d'innovation basé sur un pont technologique entre les deux rives» et convenir «d’un programme de travail ambitieux qui couvre particulièrement les questions de migration et échanges humains».

D’autre part, pour les congrès sous d’autres cieux, les organisateurs exigent des frais d’inscription qui s’élèvent à pas moins de 400 euros et couvrant la documentation fournie, les pauses-café et les déjeuners ; ce qui a l’air normal. Et si l’on veut partager le même hôtel d’un certain standing, adopté par la majorité des séminaristes, il faudra s’attendre à une facture bien lourde, pour ne pas se mettre à l’ écart et pouvoir profiter des discussions hors conférences avec les collègues étrangers ; ce qui est normal aussi. Mais ce qui ne l’est plus, c’est que nos laboratoires financés par la DGRSDT (3), sont probablement les seuls à accueillir avec une certaine fréquence, des conférenciers, tous frais payés par la princesse Algérie, billet d’avion aller-retour, accueil à l’aéroport, hébergement, restauration et documentation, avec un «rabiot» consistant à faire gratos, le guide touristique et assumer les frais s’y afférents, puis clôturer le tout par une soirée musicale et quelques cadeaux en souvenir. Merci l’Algérie. Est-ce un signe de l’hospitalité algérienne, ou celui d’un rapport Nord-Sud éculé et révolu qui ressurgit, ou les deux en même temps ? Ou est-ce tout simplement les intérêts individuels, bas ou étroits, qui priment, au détriment de l’intérêt national ?

Une fois le dossier finalisé, les démarches consulaires réalisées et ses pieds sur la rive Nord posés, l’universitaire algérien devra se conformer, sans broncher, aux mesures de sécurité dans les aéroports ; ce qui est normal. Mais celles-ci sont souvent exécutées sans trop de tact, tout ce qui est typé étant suspect. Il faut donc ôter la ceinture et les chaussures, se faire scanner, les bras levés vers le ciel, comme du temps des perquisitions de la bataille d’Alger. Ce qui ne semble plus normal. Mais quel sens pouvons-nous donner au terme de mobilité, utilisé dans le jargon du système LMD, et comment parler de «pont», quand pour effectuer un séjour scientifique, c’est la croix et la bannière ? En outre, si nos étudiants terminant leur cursus sur l’autre Rive, ne retournent pas au bercail, c’est que ce pont est délibérément à sens unique ; ce qui peut sembler étrange.

Sinon, si des projets nationaux sont apparemment bien menés, d’autres répondent exclusivement à des attentes extérieures, une partie de la collaboration avec le Nord, paraissant relever d’une complaisante activité de sous-traitance. Car même si "la science n’a pas de patrie", il n’en demeure pas moins que la stratégie nationale de recherche devrait d’abord répondre aux besoins spécifiques observés dans divers secteurs socioéconomiques de notre pays, comme proclamé par la DGRSDT.

Pour changer d’humeur et saisir la nécessité de renforcer autant que faire se peut, la coopération avec les frères, que pouvons-nous dire, pour le cas de la Tunisie ? Avec environ onze millions d’âmes, ce petit pays dont la superficie avoisine celle de la Wilaya de Béchar, compte 179 établissements d’enseignement supérieur rattachés à 14 universités publiques, 24 instituts supérieurs d’études technologiques et 11 centres de recherche, en sus de 45 autres universités privées où des algériens y étudient. Parmi nos jeunes concitoyens, certains ont opté pour des études en aéronautique payantes, avec à la clef, l’assurance d’un emploi bien rémunéré dans des compagnies aériennes. En outre, à l’heure du numérique, Tunis dispose d’une université publique virtuelle. L’UVT (4) dont l’existence remonte à janvier 2002, a pour missions de «développer des cours et des programmes universitaires d'enseignement en ligne pour les universités tunisiennes» tout en dispensant des formations en Licence, Master et autres certificats. Au passage, la Tunisie a été le premier pays arabe à se connecter à Internet en 1987.

Notons que dès son indépendance, le pays du Jasmin avait misé sur le système éducatif, le budget alloué à l’éducation nationale n’avait cessé de croître pour atteindre 32 % du budget de l’Etat. Ces dernières années, si le vent du "printemps arabe" a quelque peu épargné ce pays frère, c’est que peut-être, il consacre aussi et encore, environ 7% du PIB par an à l’éducation, soit près de 25% du budget national. En outre, avec ce dernier taux et en dépit de ce vent, la Tunisie est en tête des pays du Maghreb. Et comme souligné par notre MESRS, il s'agit d’aller encore de l’avant pour «consolider la coopération déjà engagée, il y a deux ans" avec la Tunisie. Concernant le Maghreb, géographiquement soudé et culturellement homogène, la synergie ne peut que mener, vu les aspirations communes, à une intégration prometteuse.

Sinon, beaucoup perçoivent mal cette mondialisation, quand la Méditerranée devient une fosse où s’échouent les corps des harragas, et quand c’est l’Algérie qui «subit», car l’"immigration choisie" intercepte nos compétences formées à haut prix. Et pourtant nul n’ignore, en particulier les Responsables du Nord, que l’expression "gagnant –gagnant" a le même sens, dans toutes les langues du monde. Car cette Algérie généreuse, fière et hospitalière, voudrait être «Près d'une mer toujours plus bleue, toujours plus belle» comme exalté par cet artiste de l’autre Rive. Merci, monsieur Tino Rossi.

Rachid Brahmi

(1Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique

(2Conseil Scientifique de la Faculté

(3Direction Générale de la Recherche Scientifique et du Développement Technologique.

(4) Université Virtuelle de Tunis 

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Commentaires (4) | Réagir ?

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Nour Amine

Bonjour,

Pour le strict intérêt général de notre pays, en matière de la recherche et de coopération scientifiques en général, il lui faut:

1) encourager les chercheurs à créer des conventions et partenariats universitaires avec des universités européennes et prestigieuses bien classées mondialement;

2) augmenter substantiellement les budgets alloués à la recherche;

3) séparer clairement le politique du scientifique et accorder les libertés académiques aux chercheurs;

4) accorder la création des syndicats non politisés pour défendre les intérêts des universités, et universitaires, sans agents policiers;

5) combattre les conflits d'intérêts et les corruptions...

6) favoriser et encourager la coopération avec notre diaspora universitaire à l'étranger/ en Algérie

7) encourager et inciter les innovations; brevets...

8) renforcer les publications dans des revues classées mondialement

9) l'arabisation, langue dans l'impasse, doit être progressivement abandonnée dans toutes les disciplines universitaires, sauf éthique et littéraires..

10) enfin, durcir ou augmenter la qualité des enseignements et la délivrance des diplômes..

salam

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elvez Elbaz

L argent des kabyles et des amazighs servira a financé les enfants de l imposteur monde dit arabe !

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