La sémantique pour stratégie ou stratégie sémantique ?

Les djihadistes sont-ils la cible unique de leur intervention ?
Les djihadistes sont-ils la cible unique de leur intervention ?

Les agences de presse distillent, au grès des «frappes» des vocables par lesquels les installations pétrolières syriennes deviennent celles de l’Etat islamique.

La nouvelle coalition guerrière au Moyen-Orient, dépourvue de stratégie semble-t-il, réalise pourtant l’improbable par la simple magie des mots. Le bombardement des installations pétro gazières à l’Est de la Syrie nous est présenté comme des coups rudes portés à l’EI, avec ce sous-entendu qu’il n’y aurait là que qu’une approche tactique sans portée stratégique. De l’improvisation, de la simple réactivité. Mais, il faut bien constater que nous assistons à des lancés de pierres qui atteignent plusieurs coups à la fois.

Dans tous les commentaires, il ne s’agirait que de priver les groupes djihadistes d’une aubaine qui, faut-il le souligner, n’existe que par l’entrain d’acheteurs peu regardants ? Pourtant, à y regarder de près, plusieurs objectifs stratégiques apparaissent engagés sinon atteints :

- La coalition "attaque" l’EI "là où il sévit". En Irak, l’aval du pouvoir de Baghdad assure la couverture juridique de l’engagement; mais en Syrie, de facto, c’est l’existence de l’Etat Syrien qui est entériné sous les bombes US.

- Priver Assad de toute possibilité de reprendre le contrôle des 4/5ième des capacités pétro gazières de la Syrie, réduites à néant.

- La destruction des installations existantes entame la reconfiguration des voies d’acheminement du gaz et du pétrole au profit des membres de la nouvelle coalition.

Erdogan qui, jusque-là, ne s’offusquait pas outre mesure de la porosité de la frontière turque, au profit des djihadistes, décide de la verrouiller devant l’afflux des réfugiés Kurdes. La Turquie sans engager ses forces contre l’EI ferme toute retraite vers le nord. Comme pour encourager, à l’image d’un Tarek Ibn Ziyad brulant ses vaisseaux, les djihadistes à une offensive vers Damas la Turquie amasse ses forces à sa frontière. La stratégie de la ligne Maginot semble avoir un succès posthume chez de nombreuses armées d’Etats considérés, par les stratèges américains, comme des pivots.

Les djihadistes, pilonnés par l’armada coalisée auront-ils un autre choix que de sortir de l’actuelle zone et se lancer vers l’ouest et vers le sud. Réintégrant ainsi leur rôle initial.

Dans la partie qui se joue, c’est bien Assad, bien plus que l’EI, qui paraît sur le déclin. La production pétrolière de la Syrie réduite à un peu moins de 20 000 barils/jour, sa production électrique dépendante d’installations situées dans la région orientale – dite de l’EI –, son approvisionnement en eau exposé à des risques de rupture, sans exclure l’hypothèse d’une sécheresse qui serait un coup fatal pour le régime syrien dont la campagne militaire des coalisés anéantit son seul atout sur ses adversaires : la suprématie de son aviation. Depuis 2011, jamais Assad n’aura été en aussi mauvaise posture.

La campagne contre l’EI ne risque-t-elle pas de finir en un blocus, contre des régions occidentales de la Syrie, qui précipitera la chute d’Assad ?

Sur le grand échiquier, il semble bien que «le joueur coalition» sacrifie son fou pour contourner le veto de ses alter egos au sein du Conseil de sécurité. Une nouvelle "résolution Acheson" dans une version établie par le fait accompli d’une coalition militaire. Ce genre de tactique a toujours des visées à plusieurs coups. Elle dévoile facilement ses premières visées pour mieux masquer les suivantes. Les objectifs qui se rapportent à "la case Syrie" transparaissent déjà un peu. Mais, n’est-ce pas du côté de "la case Ukraine" et probablement aussi quelque part en Asie du sud qu’il faut chercher les coups suivants de cette "guerre" contre ce formidable alibi qu’est "l’Etat Islamique" ?

Finalement, l’absence de stratégie est en soi une stratégie, Barack H Obama en étonnant le monde par sa déclaration na lançait-il pas une nouvelle guerre de Corée ?

Mohand Bakir

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Commentaires (4) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Quelqun EncoreQuelqun

"... Mais, il faut bien constater que nous assistons à des lancés de pierres qui atteignent plusieurs coups à la fois... ", écrivit notre reporter de guerre, que dis-je? notre vénéré spécialiste en tout.

Il me semble néanmoins qu'avant de s'attaquer à la sémantique, la moindre des choses est la maîtrise de "fondamentaux scolaires" dont l'orthographe. Or, à la place de la pépite " des lancés de pierres", il aurait, peut-être, fallu écrire " des lancER de pierres".

Ah ya loukane akyettéf ou gheddou, adyéssenzah s'guék l'djirane !

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