France : l'antiterrorisme accusé d'avoir organisé les fuites sur Nemmouche

Le ministère de l'Intérieur français.
Le ministère de l'Intérieur français.

Un ex-otage français en Syrie, le photographe indépendant Pierre Torres, accuse les services antiterroristes français d'avoir organisé les fuites sur la présence du jihadiste français Mehdi Nemmouche parmi ses geôliers, ce que le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a formellement démenti mercredi soir.

Le journaliste raconte dans une tribune publiée mercredi dans Le Monde avoir été convoqué en juin 2014 pour être entendu "avec (ses) anciens co-otages" par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI au printemps), quelques jours après l'arrestation de Mehdi Nemmouche, soupçonné d'avoir perpétré la tuerie du Musée juif de Bruxelles.

Lors de ces auditions, plusieurs des quatre otages ont reconnu Mehdi Nemmouche comme l'un des geôliers auxquels ils ont été confrontés durant de leur détention en Syrie. Cette information a été divulguée début septembre par Le Monde et immédiatement confirmée par l'un des otages, Nicolas Hénin.

"Nos dépositions ont pu fuiter par n'importe quel bout de l'antiterrorisme français mais pas sans l'aval et l'intérêt de tous", déplore Pierre Torres. "Du point de vue des organisateurs de cette fuite, l'opération a bien fonctionné. +Jeune-délinquant-Arabe-Syrie-attentat-France-terrorisme-antiterrorisme+, toute l'artillerie sémantique est déballée afin de finir de nous convaincre que nous avons toutes les raisons d'avoir peur", poursuit-il.

Devant les députés, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme, M. Cazeneuve a formellement contesté ces affirmations. "La nécessité de protéger les otages encore détenus a déterminé la décision des services de renseignements de ne pas rendre publique cette information. C'est le journal Le Monde qui a lui-même cru bon de divulguer cette information, alors même que chacun s'était abstenu à une absolue confidentialité", a affirmé le ministre.

"Compte tenu de la monstruosité des actes commis et du martyre enduré par les journalistes et tous les otages, nous devons à l'opinion publique la vérité, la rigueur des faits et le refus de toute instrumentalisation", a-t-il ajouté. "Les services ont été exemplaires et ont fait le travail qui leur incombait", a insisté le ministre.

Pour Pierre Torres, la révélation que le tueur présumé du Musée juif était également geôlier d'otages "relève évidemment de l'opération de promotion". "La seule chose qui puisse justifier la mise en danger des autres otages, c'est que quelqu'un ou quelque institution policière a vu là la possibilité de se faire mousser", écrit-il.

"En retour, on peut donner toujours plus de pouvoirs aux policiers et aux juges de l'antiterrorisme. Pouvoirs qui ne permettront évidemment pas d'arrêter plus de Nemmouche mais qui, en revanche, resserrent encore un peu plus le maillage policier et le contrôle de la population", dit-il encore.

Il estime avoir "commis une erreur en collaborant avec le service de police politique qu'est l'antiterrorisme. Cela va à l'opposé des positions et des combats que représente (s)on engagement de journaliste". Il s'en "excuse auprès des familles de ceux que cette négligence a mis en danger".

La révélation de la présence de Mehdi Nemmouche parmi les geôliers d'otages a par ailleurs été qualifiée d'"irresponsable" par un autre ex-otage, le journaliste Didier François.

AFP

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