Faut-il participer aux prochaines "Assises de la Culture" ? (I)

Faut-il participer aux prochaines "Assises de la Culture" ? (I)

Après la «(…) véritable intifadha culturelle» préconisée en août 1992 par Hamraoui Habib Chawki, son homologue de l’heure, Nadia Cherabi-Labidi, promet vingt-deux années plus tard «(…) de faire exploser la créativité».

Par Saadi-Leray Farid (*)

La nouvelle locataire du Palais Moufdi-Zakaria atteste sans doute de ce "tonnerre de Dieu", en vertu de l’élan «(…) économique et socioculturel que connaît l’Algérie depuis une quinzaine d’années », depuis donc le règne de celui dont elle dira aussi suivre les recommandations : Abdelaziz Bouteflika. Sa démagogie laisse filtrer une telle impression de déjà entendu, qu’un groupe de réflexions sur l’art en Algérie se demande dorénavant s’il lui faut participer aux prochaines "Assises de la Culture" ?, une question abordée ici via un premier proverbe kabyle : «La poule dit au poussin, cherche ta pâture, je n’ai point de sein.»

1) "La poule dit au poussin, cherche ta pâture, je n’ai point de sein"

C’est pendant le rassemblement du jeudi 24 juillet, qui clôturait la phase inaugurale d’entretiens décidés en prévision des "États généraux de la Culture", que Nadia Cherabi-Labidi annonçait le désengagement pécuniaire de l’État-providence envers son ministère. Si le financement alloué à celui-ci lors de la dernière loi de finances renseignait déjà sur de probables restrictions budgétaires, la fin de l’assistanat impliquait pour certains le rejet définitif de la "culture fast-food" comme «(…) pur produit de l’évolution négative d’une définition de l’artiste comprise uniquement sous l’angle conjoncturel, festif et commercial».

Disqualifier les évènements annexés au consumérisme de masse, ou élitiste, revenait à déterminer une hostilité à l’égard de ces grandes démonstrations que furent 2003, Année de l’Algérie en France ; Alger, capitale de la culture arable, 2007 ; le second Festival culturel panafricain de 2009 ; Tlemcen, capitale 2011 de la culture islamique et que sera bientôt Constantine, capitale 2015 de la culture arabe. Ces ressentiments vis-à-vis d’un pantagruélisme festif accusé d’accaparer le budget de l’État, de siphonner celui des laissés-pour-compte qui vivent anonymement, donc hors-sol, s’expliquent par le fait que l’inégalité de l’offre démonstrative contribue à épancher en Algérie les frustrations de femmes et d’hommes privés de l’éventail structurants (Théâtres, académies, musées, opéras ou conservatoires, salutaires pour combler un retard accumulé depuis plus de cinquante années), à renforcer la centralité algéroise ou celle du douar d’origine du chef de l’État, à accroître le schisme entre culture d’excellence et culture de seconde zone, à étirer le décalage entre les artistes de l’exil et des locaux non exportables sur la scène mondiale, et à fortiori sans renommés planétaire, l’Algérie demeurant elle-même faiblement inscrite dans les circuits des interlocutions artistiques internationales.

Occuper l’espace global des arbitrages ou concordes, c’est pourtant réduire les fossés d’incompréhension, placer les créateurs et auteurs algériens au centre des questionnements sur le renouvellement de l’action culturelle et le développement de son ingénierie. Modifier les trajectoires et positionnements des différents protagonistes impose une rupture avec les modes opératoires des années 1960-70 (lorsque soutenus dans le cadre de tâches d'édification nationale, les arts avaient pour fonction principale l'éducation politique des ouvriers ou paysans), et ceux de la dernière décennie, pendant laquelle d’amples manifestations et festivals de circonstance pomperont allègrement dans "les réserves de change" au lieu de creuser le puits capable d’éponger une soif de reconnaissance ou les déficits chroniques agglutinés en l’absence de visions prospectives. Au détriment de l’esthétique, le plateau culturel exhibé, et souvent versifié des couverts révolutionnaires, fut donc longtemps servi sur une tribune idéologique qu’envahira Khalida Toumi. En tant qu’ex-militante du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), elle fonctionnera à coups de slogans pour reprendre à son actif le projet des "Mille bibliothèques" et celui d’une "Maison de la culture par wilaya", répliquer cette propagande peinte en 1974 aux goûts de l’ "Homme nouveau" et l’articuler presque quatre décennies plus tard sur les antiennes et expédients d’une intoxication aux martyrs.

Les nombreux leurres logomachiques et autres brouillages de sens contraignent maintenant à entreprendre un état des lieux, surtout en l’absence d’audit comptable de 2003, Année de l’Algérie en France ; d’Alger, capitale de la culture 2007 ; du second Festival culturel panafricain et de Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011. Sans inventaire sérieux, il devient à notre avis inutile d’attribuer du crédit aux personnes auto-désignées ou infiltrées pour entourer la ou les commissions préparatoires des attendues "Assises de la Culture", certains de ces entremetteurs s’étant justement dédouanés d’une responsabilité consistant à établir le chiffrage des fastes antérieurs, de livrer des données fiables sur la taxinomie ou cartographie des publics, c’est-à-dire leurs perceptions des lieux visités et œuvres regardées. Pourquoi donc reconduire des commis de l’État (peut-être même des indicateurs ou rapporteurs du DRS) censés enregistrer les dernières doléances, et cependant susceptibles de reproduire les mêmes revers puisqu’inscrits aux abonnés absents lorsqu’il importait précédemment de recenser et d’imprimer les indices idoines ? Trouvant plus lucratif de s’investir au sein des commissariats artistiques de Djazaïr 2003, et de lieux inappropriés à une appréciation positive des œuvres (scénographie aléatoire, mauvaise luminosité, etc…), ils renverront à la place (notamment à l’UNESCO où fut occupé un couloir) une image pitoyable des créateurs.

En octobre prochain (mois en principe convenu pour installer les dites "Assises"), il ne s’agira plus simplement de vomir des insatisfactions accumulées ou d’afficher égo-centriquement la présence de son "Moi-Je", mais de diagnostiquer les attentes, de remplir un cahier des charges, de mutualiser les équipements, de hiérarchiser des méthodologies, de dérouler les balises et étapes consensuelles, de prendre et d’appliquer des choix clairs. Ces exigences homologuent l’aide du laïus universitaire, de chercheurs et experts en politiques culturelles, d’une ossature conceptuelle et cognitive à même d’entreprendre une lecture critique et propositionnelle d’un projet-élan dont la rédaction pose d’emblée la question de ses prolongements et suivis, donc de l’efficacité du Conseil national des Arts et des Lettres (créé le 02 juin 2011 puis reconduit le 15 mars 2012). Les consultations de son président, Abdelkader Bendaâmache, et de ses suppléants, Baya Rachedi et Sakina Mekiou (comédiennes), Yamina Chouikh (réalisatrice), Zoubir Hellal, Brahim Bahloul, Laarbi Zeggane et Ahmed Takdjout (artistes), Zineb Laouedj (écrivain), Nacéra Mohamedi et Samira Negrouche, (poétesses) et de Saïd Boutadjine (professeur universitaire) suggèrent qu’une élite bien pensante, et disposée à s’impliquer dans la durée, ne se contente pas de calmer les attentes en usant d’une énième rhétorique, mais sonde la profondeur abyssale d’un lourd héritage d’incomplétudes, soumette la promotion effective d’initiatives pérennes et d’une démarche cohérente, trouve des sources de financement auprès des collectivités locales et territoriales, des partenariats chez des privés, comme le suggère désormais Nadia Cherabi-Labidi. Seulement, faut-il encore que ceux-ci ne se trouvent pas dans l’œil du cyclone.

En plein mois de Ramadhan, la filiale Samha-Samsung, une entreprise d’attirails et conforts électroménagers appartenant à l’entrepreneur Issad Rebrab, a été ravagée par un mystérieux incendie. Lorsque l'on sait que depuis des mois le clan au Pouvoir lui met régulièrement des bâtons dans les roues en refusant de donner suite à ses plans participatifs, on peut aisément supposer que le patron de Cevital subit, de façon interlope ou prononcée, les foudres des barons de l’informel qui n’ont jamais renfloué la création artistique, leur stratégie économique restant entièrement tournée vers la satisfaction de leurs besoins pressants. Servis sur un plateau d’argent, ces hobereaux ont prospéré sur l’assiette territoriale des pseudo-fondements socialistes du Front de libération nationale (FLN), puis celles des trois premières cooptations de Bouteflika. İls s’apprêtent dorénavant à pomper dans d’autres couches souterraines puisque sachant ne disposer de la rente pétrolière et gazière que pour 10 à 15 ans, un laps de temps pendant lequel, ils s’échineront à trouver des ressources de substitutions. La volatilité des prix du baril de brent sur le marché mondial de l’énergie fragilise un pays si vulnérable, que la Banque d’Algérie (BA) alertait début août 2014 sur sa situation monétaire et financière en relevant que les déficits risquaient de « (…) devenir chroniques dans les prochaines années». Pour la quatrième fois, la note de conjoncture présageait l’excédent de la balance commerciale extérieure, soit le déséquilibre de celle des paiements en raison de «(…) contre-performance des exportations d’hydrocarbures», d’où ce commentaire d’un lecteur du journal El Watan du 05 août 2014 (reprenant le même rapport) : «La vache à traire n’en peut plus, ses pis sont épuisés jusqu’à la corde, ce qui veut dire jusqu’à sa panse désormais vide et asséchée comme une guerba ayant traversée tout un désert».

Les départements des ministères régaliens étant priés de freiner leurs dépenses de fonctionnement (frais des missions officielles et de transport, primes des heures supplémentaires et budgets alloués aux séminaires.) et de mettre le cap sur des horizons "prioritaires", "Dame Culture" regardait donc du côté d’investisseurs indépendants, cependant encore confrontés à des carcans bancaires puisqu’ils n’ont pas le moyen d’approvisionner un compte devise par virement ou chèque, mais seulement en sortant du "cash" au guichet. L’économie algérienne reposant sur la circulation de l’argent liquide, 20 milliards de dollars naviguent à vau-l’eau dans l’arsenal de l’informel, inondent le marché déstructuré de capitaux-fuyants animant celui de la corruption parasitaire d’une caste politico-affairiste lorgnant avec avidité sur le plan quinquennal 2015-2019. Fixé à 262,5 milliards de dollars et segmenté en lois de finances annuelles, celui-ci prévoit, en contradiction avec les prévisions restrictives de Nadia Cherabi-Labidi, un budget d’équipement et de fonctionnement en net augmentation (pour 2015, plus de 40% par rapport à 2013). Cela suppose qu’environ 48 milliards de dollars seront dédiés à des placements non productifs qui profiteront «(…) à l’importation des biens et services», cela donc au dépend de l’essor imaginatif du secteur privé et de celui d’une culture contrainte de se serrer la ceinture, à en croire donc les projections de l’actuelle locataire du Palais Moufdi-Zakaria. Celles de l’expert Lotfi Halfaoui augurent de fermenter les capacités industrielles productives grâce à un découpage territorial prenant en compte les spécificités de chaque wilaya, d’identifier au niveau mondial la place que l’Algérie est à même de prendre dans le partage du travail, de tracer également les contours de sa marge de manœuvre à l’échelle méditerranéenne, africaine et maghrébine, de contrarier en fait les appétits voraces contraires à l’assainissement du financement opaque des investissements publics massifs (fourniments et infrastructures de base) et à l’émancipation des ossatures innovantes. Mais, plutôt que de chercher des solutions efficientes, les "ordonnateurs" algériens préfèrent disposer l’entrepreneuriat sur des appliques non-réglementaires pour cadrer à leur guise le fonctionnement des investissements ou marchés non productifs, accentuer une dépendance à l’importation, satisfaire les besoins sommaires d’une population d’assistés alimentaires, contenter les excédents de bureaucrates omnipotents ou ceux d’une fonction publique en constante progression puisque alimentée par des importations consuméristes qui bouffent autant les finances que les énergies. Ce modus opérande «(…) relève de l’ordre du normal, puisque la conduite budgétaire est dictée par ce fameux "Programme de Son Excellence le président de la République" (…)», laquelle majesté ne tient debout que parce qu’elle s’appuie sur un clan «(…) de potentats et de rentiers-clients du régime, (de) décideurs (…) incompétents dans leur mode de management (car ils) font marcher l’économie comme une boutique de bazar où le maître-mot est "dépenser encore et toujours"». Pour l’universitaire Belkacem Boukherouf, ces pieux du "Terreau-risque" sont d’autant plus inconséquents et lâchent «(…) qu’ils livrent notre économie à toutes les incertitudes». Dans l’impossibilité de livrer des rapports et des gages sur la finalité de ses managements ou ingénieries, le gouvernement Sellal leurs substitut les habituels serments et palabres, ces vanités que nous chantonnait avec résonances trébuchantes Khalida Toumi et que semble reprendre tout aussi avidement, et en cœur, Nadia Labidi-Cherabi lorsqu’elle glorifie l’élan «(…) économique et socioculturel que connaît l’Algérie depuis une quinzaine d’années. ». Pris dans le cercle vicieux et sans fin d’une vision autoritaire et administrative spéculant sur les structures de formation plutôt que sur la réactivité et la création, le gouvernement Sellal flotte à vue sur un radeau imperméable aux vérifications comptables car il lui est pratiquement interdit d’avoir pour horizon et boussole une «(…) vision critique du budget », d’évaluer la rationalité des dépenses machinales et bénévoles, frénétiques et gracieuses consacrées «(…) au maintien des clientèles à travers des ministères budgétivores (….) tels que ceux de la Défense, de l’İntérieur et des Moudjahidine». Actionnaires d’une roue libre «(…) à fort niveau d’allocation », ces ministères orientent, au gré des frasques du moment, l’argent public selon une gestion équipementière qui, habillant pour l’été et l’hiver, sert de trompe-l’œil tant « (…) l’action relève plus de l’intuition que d’un discernement intellectuel à même d’offrir des pistes stratégiques de réflexion». L’absence de méthodologies capables d’imprimer une projection à longue échéance, l’inconséquence de parrains-boucaniers fonctionnant dans les circuits fermés du commerce informel et des "dépouillements électoraux", les alliances interlopes des technocrates et les attraits affairistes de lobbies allant par monts et par vaux pour mieux surfer sur l’échelle spéculative de "riche-terre", empêchent de mettre sur les rails la réelle industrialisation d’une économie diversifiée. Celle-ci doit impérativement se faire sur la base d’aménagements et entendements en capacités de transformer la rente pétrolière en richesse pérenne, d’offrir l’avantage compétitif et décisif de ruptures inventives puisque «l’Algérie a un potentiel de création de plus d’un million d’entreprises nouvelles», dira le spécialiste Lotfi Halfaoui dans le journal El Watan du 08 septembre 2014.

Aussi, palliant au manque de volontarisme politique, certains économistes ou experts en industrie réagiront vis-à-vis d’une démarche suicidaire, préviendront du péril en la demeure, que les feux sont au rouge, que la mascarade enclenchée avant et pendant le suffrage d’avril 2014 confirmait la percée souterraine d’oligarques d’une "République bananière" déjà parsemée de ploutocrates impénitents et autres kleptocrates grégaires déviant sans retenue aucune la conduite des affectations spéciales ou la loi de finances complémentaire (LFC). Les autorisations de crédit sans limite à leur folie budgétaire optimiseront le trou des déficits structurels tout en amenuisant les recettes de la fiscalité, de sorte que la balance des comptes courants du pays s’inclinera bientôt du côté du solde négatif. L’ancien ministre des Finances, Abdellatif Benachenhou, préviendra pourtant le 11 avril 2014 l’opinion sur les excès des dépenses publiques à l’origine de la flambée d’importations multipliées par six en 15 ans parce que justement calées sur les containers d’une confrérie de milliardaires. Sa prospérité reposant sur des palliatifs rentiers, elle s’ingénie à saborder celle beaucoup plus ingénieuse défendue au sein du Forum des chefs d’entreprises (FCE), notamment par les compétences issues de la diaspora établie à Paris, Strasbourg, Toulouse et Marseille. Le Conseil national économique et social (CNES) interviendra (dans le cadre de la mission exploratoire et de proximité) auprès d’elle afin de concrétiser des passerelles de partenariat et de résorber les dépendances chroniques d’une Algérie qui va sans nul doute devoir de nouveau décaisser pendant la loi de finances 2015, ou au niveau de la tranche annuelle du plan quinquennal 2015-2019. Plutôt que d’entreprendre des efforts de rigueur et d’endiguer les défaillances, les baltaguia (nervis), la camarilla de mandarins ou le consortium de quidam aux tribulations énigmatiques, déroutent les subventions attribuées grâce à des fonds spéciaux (évaluées à plus de 25 milliards de dollars), se contentent de reconduire les mêmes transferts et entrevoient comme bouée potentielle de sauvetage l’extraction du gaz de schiste. Sans débat public, sans consultation du Parlement, sans avis des émérites, sans écouter la société civile, le Conseil des ministres autorisait le mercredi 21 mai 2014 son exploitation en Algérie (une alternative énergétique pour la consommation locale, mais pas pour l’exportation) au dépend de celle des énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien. Un mois plus tard (le samedi 21 juin), le ministre de l'Énergie, Youcef Yousfi, dénonçait à Alger des "tentatives de déstabilisation et diabolisation" à l'origine de l'opposition aux forages et prêchait "le nationalisme énergétique" pour asseoir une hypothétique souveraineté mise en péril depuis un 4e mandat manigancé en convergence avec les sollicitudes des États-Unis, de l’Angleterre et de la France. Après un premier essai tenté (et heureusement avorté) pour que l’Armée algérienne leur serve de troupe de réserve sur le champ de tir libyen, l’Algérie est donc cette fois nominée pour devenir une base arrière d’expérimentation sur laquelle se déverseront des produits chimiques qui vont polluer les nappes phréatique et albiennes (le méthane et le radon, sont des gaz radioactifs connus pour leur densité nocive). Dans un pays à l’économie précaire, un régime politique aux abois fait concession sur concession sur ses prépondérances, surtout depuis que trône à sa tête un Président physiquement affaibli, soutenu par des puissances étrangères directement intéressées, particulièrement une France obsédée par la sécurité à ses frontières et qui le 15 août dernier enrobait à Toulon le représentant de l’Algérie (Abdelmalek Sellal) à la sauce droit-de-l’hommiste.

Elle soutiendra un 4e sacre sur lequel des officiers judiciaires du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) se contenteront d’exprimer un désaccord, alors que d’autres n’auront pas ménagé leur peine pour informer sur des malversations gangrenant les différentes institutions de l’État. Au sein des wilayas, daïras et communes, des fonctionnaires reçoivent des pots-de-vin alléchants en vertu de services rendus, les sollicitent auprès de citoyens lambda, d’entrepreneurs ou de fournisseurs. Des bourgades sont gouvernées comme de petits royaumes inféodés à des potentats endogènes parce que les walis filiaux se comportent en gangsters, menacent les militants syndicaux qui ont le courage d’enrayer leurs méthodes scabreuses et illégales. Dans une contrée où la justice est inféodée au Pouvoir et à ses monopoles, deux engagés du mouvement "Barakat" ont été embarqués muni-militari le mercredi 07 mai 2014 par la gendarmerie alors que, partis de Tébessa, ils entamaient une marche vers Alger pour dénoncer la corruption en Algérie, pays où personne ne peut dire dans quelle banque sont placés les 200 milliards de dollars d’avoirs et à quel taux d’intérêts ?, indiquait Luis Martinez, pensionnaire à Sciences-Po Paris et directeur de recherche au CERİ (Centre d’études et de recherches internationales). La maffia-politico-financière se croît suffisamment riche pour se contenter de jouer le rôle convenu de simple fournisseur d’énergie. Aussi, manigance-t-elle de soudaines privations ou pénuries en siphonnant cette fois la souveraineté alimentaire, les réseaux intermédiaires s’arrangeant par ailleurs pour que l’approvisionnement en denrées continue à dépendre des firmes étrangères. Résultat, l’Algérie doit augmenter le rendement et la qualité de ses productions agricoles. Les douanes algériennes le démontraient le 01 août 2014 en signalant que les arrivages de blé étaient en baisse constante. Les besoins nationaux en froments se jaugeant pour leur part autour de 08 millions de tonnes/an, des agriculteurs américains du Texas voleront (via la Fondation Filaha et Business Council) au secours de l’Algérie pour l’aider à « (…) réactiver les filières céréales », mais aussi le réseau de distribution du lait et des viandes, surtout maintenant que des cheptels sont victimes de la fièvre aphteuse. Après les hydrocarbures et l’industrie pharmaceutique, les États-Unis planteront dans l’ex-grenier à blé de la France leurs organismes génétiquement modifiés (OGM) avec la bénédiction de la firme Monsanto et d’un Bensemane (de la Fondation Filaha) claironnant à qui veut l’entendre que la culture intensive impose de «Sortir des schémas archaïques liés à la petite propriété de type familial », de larguer des anciens modèles d’élevage et d’agriculture afin «(…) d’améliorer l’espèce grâce aux progrès du génie génétique.».

Si, en matière de développement humain, Cristina Amaral, la coordinatrice-résidente du système des Nations unies, livrait (lors du Symposium international du 08 juin 2014 agencé au Palais des Nations du Club des Pins en concordance avec le dit domaine) que «l’Algérie figurait parmi les vingt pays les plus avancés » (selon une étude internationale éditée en 2013), ses louanges voilaient l’image dégradée d’un pays en phase de léthargie, en mal de gouvernance économique, tant ses "ordonnateurs" ne savent pas ce qu’ils veulent et encore moins quelle ligne directrice prendre. Leurs visées approximatives condamnent donc la nation à ne vivre que des ressources du sous-sol, à n’exporter que de l’énergie fossile au moment où il faut prospecter d’autres territoires et aller y gagner des parts de marché, savoir façonner des relations commerciales avec les proches partenaires du pourtour méditerranéens et ceux du reste de la planète.

À l’inverse, les pachas, dinosaures et autres éléphants du royaume Bouteflikien ouvrent à tout-va et à tous les vents, confirmant ainsi leur propension de girouettes, et à fortiori des approches décisionnelles antithétiques car un jour favorables à une annexion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et l’autre à celle du "trabendo" des exportateurs de marchandises manufacturières ou des stocks d’invendus. Ces objets et fournitures de l’import-import donnent l’illusion de la prospérité mais n’ont de valeur ajoutée que celle factice d’une camelote souvent arrivée de Chine, là où, pendant le forum des ministres arabes, Nadia Labidi-Cherabi sollicitera le 10 septembre 2014 «(…) une plus vaste coopération en matière de formation artistique au niveau les domaines du cinéma, de la chorégraphie, des Beaux-Arts et du patrimoine culturel.», cela en regard des compétences professionnelles avérées de ce pays. İl est vrai que les Algériens partagent dorénavant avec celui-ci une langue apprise en déchiffrant les modes d’emploi des articles venus en grand nombre de Pékin (ou d’autres coins plus ou moins reculés du Levant) suivre la trajectoire d’une main-d’œuvre à bas prix. Cette transhumance a pour résultat négatif de ne pas laisser aux jeunes autochtones le soin de maîtriser les acquis promotionnels, ceux qui donnent accès à un logement décent, à un crédit bancaire, bref à un placement d’avoirs soluble dans l’autonomisation du comportement social et non pas dans les lourdeurs d’une bureaucratie largement compromise avec un système de la prébende qui n’a fait qu’accroître la vulnérabilité de l’Algérie, qu’aggraver sa dépendance en compromettant la transition énergétique, qu’hypothéquer l’avenir des prochaines générations alors que les discours pompeux de Sellal insistaient sur la «(…) nécessité de sauvegarder le pays tel que légué par nos pères et nos ancêtres». (A suivre)

S-L. F.

(*) Docteur en sociologie et Secrétaire du Groupe autonome de réflexions sur l’art et la culture en Algérie (GARACA)

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