Les politiques algériens, les mensonges et la langue de bois !

Ministres et président disent ce qu'ils ne font pas et font ce qu'ils ne disent pas.
Ministres et président disent ce qu'ils ne font pas et font ce qu'ils ne disent pas.

Jean Jaurès prétendait que le "courage en politique, c’est de chercher la vérité et de la dire", principe qu’il a appliqué, à la lettre, jusqu’à en perdre la vie.

Que penser de la vérité et de la crédibilité de la parole des hommes et des femmes politiques qui prétendent travailler, jour et nuit et militer pour le bien être des citoyens ? Faut-il croire, vraiment, aux promesses de ceux qui nous gouvernent, ou plus encore, les chefs de partis, qui ont fait de la politique leur métier ?

Prenons quelques exemples pour prendre la mesure de la parole politique et son impact sur le quotidien des Algériens. A près de deux semaines du ramadhan, une hausse sensible des prix des fruits et légumes est déjà constatée sur les étals. Les haricots verts, la tomate, le poivron et l’oignon subissent l’inconsistance du marché ; on nous promet même la pomme de terre à 100 dinars le kilogramme.

Globalement, une majoration de 50 à 100% des prix par rapport aux prix pratiqués aux marchés de gros des Eucalyptus, Annaba, Chelghoum-Laïd et El-Kerma est remarquée au niveau des détaillants. Le prix des viandes blanches et rouges a atteint un pic intolérable ; l’Union Générale des Commerçants et Artisans Algériens (UGCAA) s’en émeut et explique cela par la rareté des surfaces de vente de proximité.

Il y a aussi, semble-t-il, cette désorganisation du créneau des chambres froides, dont une grande partie est, paraît-il, gérée dans l’informel. Et ce n’est pas fini ! Des importateurs, sans vergogne, continuent d’imposer leur diktat, sur certains produits de première nécessité comme le sucre dont le prix de vente, oscillant entre 85 dinars et 90 dinars, reste inchangé depuis 2011, malgré la baisse mondiale du cours : 450 $ la tonne au lieu de 900$ !

Que pense de tout cela Amara Benyounes, ministre du Commerce ? Il a émit une déclaration qui a fait «pschitt» pour dire, tout d’abord, "qu’il n’y aura pas de pénurie de produits alimentaires de base pendant le ramadhan !". Se voulant rassurant, il a, ensuite, ajouté : (…) dernièrement, on a eu une réunion avec le ministre de l’agriculture et on assure les citoyens que tous les produits seront disponibles en quantités suffisantes mais que, pendant les deux ou trois premiers jours du ramadhan, les prix augmenteront, comme à chaque année (…) Voilà, le mot est lâché, (…) comme à chaque année (…). Cela veut dire que les consommateurs devront s’y résigner dès lors que le ministre lui-même et son collègue Nouri Abdelwahab, s’attendent à une hausse des prix contre laquelle ils avouent leur impuissance, « malgré les instructions données pour lutter contre les pratiques frauduleuses et autres hausses illicites des prix», a ajouté Amara Benyounes qui a tenu malgré tout à terminer sa phrase.

Pendant ce temps-là, à en croire le représentant de l’UGCAA, qui aurait, dûment, alerté le ministre du commerce, «certains bouchers aussi malhonnêtes que sans scrupules, proposent aux clients de la viande congelée comme «produit frais», vendue au prix de la viande locale !». Pas de réaction du ministre, ces bouchers continueront donc de sévir, encouragés par le silence du ministre dont la dernière déclaration qu’il a commise a laissé dubitatif plus d’un ; elle concerne «l’obtention et donc la délivrance du registre de commerce via l’internet, pour mettre un terme, a dit le ministre du commerce, au parcours de combattant enduré par les usagers» ; ces derniers, comme de bien entendu ont accueilli avec beaucoup de circonspection sa promesse, lui qui n’en est pas à sa première annonce, sans lendemain.

Il y a aussi cette récente interview du Président du Conseil national de la concurrence, qui laisse perplexes tous ceux qui ont en pris connaissance, par votre presse : " … il n’est pas question de laisser des entreprises qui détiennent le monopole, fausser le libre cours du marché, ou permettre à des acteurs économiques de s’entendre sur les prix de leurs produits…" ; le responsable en question, n’a pas, encore moins sa tutelle, dévoilé la stratégie qu’il allait mettre en œuvre pour barrer la route à ces entreprises indélicates ; les consommateurs que nous sommes continueront à payer la facture.

L’autre exemple est à rechercher dans la déclaration de la toute nouvelle ministre de la Solidarité Nationale qui annonce, fière comme Artaban, "le remplacement du couffin de ramadhan par la remise d’un chèque aux nécessiteux", pour préserver leur dignité, dit-elle ; bonne mesure au demeurant, sauf qu’elle ne sera mise en œuvre qu’en 2015 ! Le ministre des Transports, quant à lui, depuis le temps qu’il affirme réfléchir sur la question, lance, enfin, un avis d’appel d’offres national et international pour "l’acquisition des feux de signalisations et des caméras pour fluidifier la circulation à Alger" et ceci, après avoir tout de même temporisé trois années depuis le précédent appel d’offres déclaré infructueux ; rappelons que la réglementation des marchés publics précise que le délai, après un premier appel d’offres infructueux, est de 8 jours ! Le même ministre, habitué au double langage, vient d’annoncer et en grandes pompes, le lancement du permis de conduire à points : seulement voilà, selon les informations reprises dans la presse nationale, il ne s’agit, en fait, que « de la reprise de la fabrication par l’imprimerie officielle, du document en vigueur» ; s’agissant, en revanche, du permis de conduire «biométrique», il faudra attendre encore, puisque l’appel d’offres le concernant n’est même pas lancé. Comme quoi l’exactitude des informations n’est pas le point fort de certains de nos gouvernants qui, par ailleurs, n’aiment pas trop s’enfermer dans des échéances calendaires. 

On en arrive, enfin, au secteur de la santé dont le ministre, pour faire comme ses prédécesseurs, organise «les énièmes assises nationales du secteur» ; la réalité de ce secteur est pourtant connue depuis toujours : après avoir été porté par le dynamisme de « la santé gratuite pour tous», il connait, aujourd’hui, une triple crise : d’efficacité (les bons médecins se font rares), de légitimité (défiance des citoyens par rapport à la qualité des prestations médicales) et de viabilité financière (équipements en panne, pénurie et même détournement de médicaments).

A cela s’ajoute un élément qui n’est pas sans conséquence sur la santé en général, c’est celui de la ressource humaine, sa formation et son déploiement. Cette réalité, les politiques et le ministre de la santé à leur tête, refusent de la voir ou même de l’entendre, nonobstant les nombreuses tares dévoilées à la télévision et on ne parle pas des récents faits divers qui ont ébranlés certains hôpitaux, dont celui de Constantine ! Drapés dans le déni du réel, ils porteront, durant leurs assises, à coup sûr, un discours sans consistance, non crédible et plein de promesses «qui n’engagent que ceux qui les écoutent ou ceux qui, parmi nous, stoïques, persistent encore à regarder les informations au journal télévisé de 20 heures».

Les intervenants aux assises nationales de la santé continueront à positiver et à nier la réalité avec constance, répondant à chaque échec par un «oui mais» excluant toute remise en cause des principes d’action. Ils vont opposer aux preuves flagrantes de l’inutilité des discours passés, encore plus de discours taillés dans la langue de bois, et le ministre, dans ce genre là, sait s’y prendre. Les cancéreux, pendant ce temps-là, continueront à souffrir et survivre peut-être, en silence jusqu’à leur rendez-vous décalé à l’année prochaine. Les assises, c’est en fait le label de nos ministres et leur marque de fabrique ; le tourisme, l’industrie, le sport et même la jeunesse y sont passés : cela a donné des heures de débat, des ronronnements interminables, une multitude de caméras, d’intervenants, des buffets et des budgets pour quelques recommandations que personne ne lit, en final. Il n’y a que les hôtels qui sont contents, eux qui font leur chiffre d’affaires grâce à ces bienvenus assises, colloques et autres séminaires.

Aujourd’hui, on tient les assises de la santé ; en juillet ce seront celles de l’éducation et vogue la galère ! Ministères de la parole et de la langue de bois ! A vouloir sans cesse intervenir, surtout sous forme de discours non suivis d’effet, les membres du gouvernement, disons certains pour ne pas fâcher ou se mettre à dos tout le monde, contribuent à décrédibiliser la parole publique pour la rendre inaudible. Même sur les plateaux télévisés, il nous arrive d’entendre des inepties et des contre-vérités débitées par tout ce beau monde, aidé il est vrai, par des journalistes plus que complaisants, guidés avant tout par leur souci de plaire au ministre invité, de faire sa promotion et d’attendre le retour sur investissement, quitte à sacrifier le sacro-saint principe «du devoir d’informer et du devoir de dire» ! 

Ce discrédit de la parole vaut, aussi, pour la plupart des hommes politiques y compris ceux qui sont dans l’opposition aujourd’hui, mais qui ont été en situation de gouvernance hier. Tous, déjà, proviennent de la même matrice ! Ghozali, Hamrouche, Benbitour, Benflis, Sifi et même Belaïd Abdeslem (qui s’en souvient encore ?) ; ce dernier vient d’être invité par Ouyahia. Ils n’ont pas, ensuite, fait mieux que ceux d’aujourd’hui, quand eux-mêmes, intraitables et sourds à toutes revendications sociales, étaient aux affaires ! Cela crée dans l’imaginaire social, une impression de «déjà vu» et de «déjà entendu», de «promesse faite» et de «promesse jamais tenue».

La parole politique s’est enfermée dans une logique d’annonce et de promesses sans lendemain et le fossé «gouvernants-citoyens» se creuse de plus en plus et la fracture sociale aussi. Dans ce registre, certains walis ne sont pas en reste, comme celui d’Alger, par exemple, qui, non seulement cumule les «couacs», mais se fait fort aussi, de dérouter tous ceux qui, parmi les citoyens d’Alger, sont en attente d’un logement social, leur promettant une distribution tantôt avant le ramadhan et tantôt après, ajoutant ainsi à leur désarroi et à leur impatience.

Arrêtons-nous aussi sur cette visite de Ghardaïa par le Premier Ministre qui, depuis des mois, répète à l’envi et sur un ton péremptoire, son engagement, "d’instaurer la paix et de ramener la stabilité dans la région". L’Etat a pourtant mis tous les moyens, en ces lieux, pour sécuriser les biens et les personnes et se fait fort, par ses représentants attitrés, d’appliquer la rigueur de la loi à tous les fauteurs de troubles».

Si aujourd’hui Abdelmalek Sellal est au même niveau de discours, la vérité est donc, « qu’aucune avancée, notable n’a été enregistrée dans ce dossier ». La parole publique en prend un coup voire même en prend un coup, comme dirait l’autre. En l’absence d’éléments et même si le Premier Ministre nous donne l’impression d’être dans la situation du «veni, vidi, vici». Et les citoyens, sondés par un journal du soir (*) ne se sont pas trompés en répondant à la question : "Pensez-vous que la visite de Sellal à Ghardaïa et les mesures annoncées, réussiront à ramener le calme dans cette wilaya ?" ; les sondés ont répondu oui à 15,31% et non à 79,79%. Edifiant, n’est ce pas ? De ce qui précède, peut-on dire qu’une crise de crédibilité de la parole publique, c’est une crise de confiance dans la signature de l’Etat ?

Oui, on peut l’affirmer, sans risque de se tromper, la parole politique est devenue stérile surtout quand elle est enrobée de langue de bois ! La preuve nous vient des rencontres organisées par Ahmed Ouyahia.

Il en est ressorti de ce premier bilan d’étape, un casting incroyable de «personnalités nationales» et des platitudes du style «il faut que» et "il n’y a qu’à", quand ce n’est pas des redondances autour du mandat présidentiel que d’aucuns veulent transformer en septennat, en quinquennat voire en mandat à vie ; il s’est même trouvé "une cheftaine de parti" qui a proposée la mise en place "d’un Conseil Présidentiel", pour accompagner le président ! Et dans la situation de crise que nous subissions, plus que nous traversons, comment mettrons-nous la société en marche, si nos politiques sont à court d’idées, nous mentent effrontément et si nos ministres ainsi que nos walis continuent à se passer de communicants professionnels, à parler dans le vide, à faire des promesses sans lendemain, sans être soumis, pour autant, à quelque obligation de résultats que ce soit !

Cherif Ali

(*) Le Soir d’Algérie du 16 juin 2014

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Commentaires (2) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Aksil ilunisen

Je me rappelle encore de cette premiere journée a l'EFOR de blida. C'etait devant le refectoire, aux environs de 12 h 30 alors que vous etions "alignés" par section afin de "nous faire servir" (Heuh! se faire servir dira-je!) le premier repas a des futures officiers de l'Armée Nationale Algerienne.

Oui! Tous pour la majorité d'entre-nous diplomés des Universités et hautes ecoles aussi bien nationales qi'internationales.

A peine l'une des portes fut ENTRE-OUVERTE de l'interieur q'une ruée d'animaux sauvages (Je m'excuse! car beaucoup comme moi ne s'attendaient pas a un tel cirque!) se deferle et prend d'assut le refectoire.

Preplexe devant une telle situation, je me suis dit: Voila ma chere Algerie des profondeurs, pour laquelle Abane Ramtane a eté sacrifié par des laches, ... pour que mon Algerie deviennent une terre de sauvages.

Plus tard, je decouvris le Directeur de l'Ecole, el Lieutenant colonel Gaid Salah (Dit Brouva) nous mener en galere et faire de l'ordre serré sa drogue dispensée a 80% de notre temps entre le lever et le coucher de soleil.

Des années plus tard, je devouvre aussi les cadres de la Nation qui occupaient ls postes-clé du pouvoir dans les Ministeres et les societés Nationales, par le seul citer d'appartenir a l'infame parti politique du FLN (Un parti post-revolutionnaire pourri aussi bien de l'interieru que de l'exterieur).

Des Decennis plus tars, je regarde toujours a cette Algerie agonisante, faussaire, avilie, humiliée, violée dans son ame, son histoire voie meme sa place dans la scene geopolitique. Cette meme Algerie qui en 1954 avait donné l'exemple aux peuples vivant encore sous le joug des dicatures et des colonisateurs de tous bords, se trouve aujourd'hui, elle meme sombrée dans une dicatature la plus virulante de monde moderne. Une dicature qui a pu faire d'un des plays les plus riches de la planete, l'un des pays les plus pauvres...

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Ce pere-blanc de Tagmount Azzouz n'aurait-il pas raison de laisser cette éloquante expression:

Par ou l'Arabe passe, le desert le suit derriere.