Egypte : ce qui se construit sur du faux, est faux. 2. L'avenir, avec quel argent ?

Egypte : ce qui se construit sur du faux, est faux. 2. L'avenir, avec quel argent ?

L’Egypte a une population de plus de 85,6 millions d’habitant en janvier 2014. Elle augmente chaque année de 1,6 million. L’espérance de vie de l’égyptien se situe autour de 73 ans.

Au moment du déclenchement des hostilités internes, elle totalisait une dette de 38 milliards de dollars et taux d’inflation qui avoisine les 13%. Cette agitation politique entraîne des désordres importants de l'économie. Les Egyptiens subissent des coupures d'électricité et des pénuries d'essence et d'eau, ainsi que la montée du chômage et du coût de la vie. Les revenus extérieurs se sont effondrés comme le tourisme qui, en 2011, avec 14 millions de visiteurs, faisait vivre 10% de la population active près de 5 millions et apportait près de 12 milliards de dollars. Dans le même temps, l'Egypte a dû continuer à importer des produits de base comme le blé ou les carburants et n’a actuellement dans les caisses qu’une autonomie d’à peine un mois. D'ores et déjà, les réserves de change sont passées de 36 milliards de dollars avant les événements politiques à un seuil critique de 10 milliards de dollars. L'agence de notation Standard and Poor's a abaissé la note de l'Egypte à 3C, une catégorie à haut risque pour les investisseurs. Quant à l'aide dont l'Egypte pourrait bénéficier de la part du FMI, elle se fait attendre. Un prêt de 4,8 milliards de dollars est toujours en discussion et l'incertitude actuelle qui pèse sur le pouvoir politique égyptien ne devrait pas contribuer à le faire aboutir rapidement. L’Egypte est le premier importateur de blé au niveau mondial, avec 85,6 millions de bouches à nourrir.

Avec 10 millions de tonnes de blé importées chaque année, le pays subventionne encore largement le pain, vendu quelques centimes d’euros le kilo. Ce pain subventionné est essentiel pour la survie de la plupart des familles égyptiennes, une pénurie en 2008 avait d’ailleurs rappelons-le, provoqué des émeutes de la faim au Caire. La situation actuelle est critique, l’Egypte ne disposant plus que de 500 000 tonnes de blé importé et ne s’est plus approvisionnée sur les marchés internationaux depuis février dernier. Le gouvernement égyptien avait alors affirmé que le pays s’appuierait davantage sur ses récoltes, alors que la production intérieure est insuffisante et affectée par les pénuries d’essence qui diminuent les rendements des récoltes. La FAO a d’ores et déjà lancé une alerte concernant l’impact de la baisse des réserves de devise sur les stocks de blé du pays. Les coupures d’électricité et les pénuries d’essence au Caire et en province sont un des facteurs du mécontentement de la population égyptienne vis-à-vis de Mohamed Morsi. Contrairement à ce qu’annoncent certains journaux, ces deux phénomènes n’ont pas soudainement disparu depuis la mise en place du gouvernement de transition. Les coupures d’électricité sont la conséquence de centrales électriques anciennes et mal entretenues et surtout d’une consommation nationale en constante augmentation. Le fait que l’électricité soit lourdement subventionnée, pour les particuliers comme pour les industriels, ne fait qu’aggraver le problème. Quant à l’essence, la déconnection de son prix vente final vis-à-vis des cours mondiaux a progressivement aggravé le déficit public, et la récente suppression des subventions sur l’octane 95 n’a pas réglé le problème, les consommateurs ayant alors privilégié l’octane 80, ou le diesel. Rappelons que 40% du budget de l’état égyptien est dédié aux différentes subventions. Les deux principales sources de devises étrangères, à savoir les recettes tirées des investissements directs étrangers (IDE) et du tourisme se sont taries.

Avant la révolution de 2011, les IDE s’élevaient en moyenne à 6.5 milliards de dollars. Au deuxième trimestre 2012, ils ont atteint 0.3 milliards de dollars, conséquence de la prudence des investisseurs de l’Union Européenne et du Golfe. Le secteur du tourisme, d’habitude résilient, traverse une crise sans précédent : le nombre de touristes en 2012 était en baisse de 25% par rapport à 2010, dans un pays où le secteur contribue à hauteur de 25% des devises, et emploie 12% de la population active. L’instabilité politique des deux dernières années (manifestations au Caire et insécurité dans le Sinaï) ainsi que des déclarations maladroites sur la volonté de promouvoir un « tourisme islamique » ont fait disparaître l’Egypte des catalogues de voyage européens. La diminution des devises étrangères a eu comme impact immédiat une dévaluation lente et progressive de la livre égyptienne, qui a perdu 15% de sa valeur depuis l’arrivée de Morsi au pouvoir fin juin 2011.

Le glissement de la livre a entraîné une forte inflation, notamment sur l’alimentation, qui a grevé le budget des ménages égyptiens et fortement amputé leur pouvoir d’achat. La pénurie de devises se fait sentir au quotidien : difficile pour les détenteurs de comptes en dollars dans des banques égyptiennes d’accéder à leurs économies, et les entreprises égyptiennes peinent à trouver des banques en mesure de leur ouvrir des lettres de crédit pour financer leurs importations. En plus, les firmes étrangères quitte le pays une à une. Le constructeur automobile américain General Motors (GM) a annoncé début août 2013 qu’il avait temporairement fermé son bureau du Caire et suspendu sa production en Egypte en raison des violences qui secouent le pays. GM importe depuis 1926 des véhicules dans le pays et rappelle avoir été «le premier fabricant automobile privé à avoir établi des activités de production en Egypte en 1983». Il y fabrique des véhicules utilitaires légers, des voitures et minibus et emploie «plus de 1.400 Egyptiens». La compagnie pétrolière Royal Dutch Shell a fermé pour plusieurs jours ses bureaux égyptiens et réduit les déplacements vers l'Egypte. Shell, numéro un européen du secteur, n'a pas précisé le nombre de salariés concernés par ces mesures, ni la localisation des bureaux fermés.

Comment la communauté internationale voit-elle la sortie de crise ?

Ce n’est certainement pas en arrêtant un ou deux Syriens, un Afghan et même le frère du chef actuel d’El Qaida qu’on peut entraîner la communauté internationale dans le processus « Egypt fighting terrorism ». Croire ou faire croire cela c’est se leurrer. L’Egypte est historiquement un acteur clé dans la crise au Moyen Orient. Les services de renseignement du monde occidental connaissent au moindre détail ce qui se passe réellement en Egypte et surtout les tenants et les aboutissants de ces événements.

La question de qui a servi de couveuse au terrorisme est-ce le wahhabisme ou les frères musulmans est un vieux débat d’école qui ne convainc personne y compris les égyptiens eux même. Donc le terrorisme international existe avec ou sans l’Egypte. Ils connaissent parfaitement la position de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis, du Koweït et de la Jordanie vis -à vis du printemps arabe. Leur soutien au coup d’Etat militaire ne les étonne pas et surtout ne les trompe pas. C’est pour cette raison qu’elle recommande à l’unanimité des pays qui la compose la réconciliation nationale`au travers un dialogue inclusif et non exclusif. Pourquoi ? Et qui inclure ? D’abord le principal protagoniste : la confrérie des frères musulmans, c’est pour cela qu’il faudrait libérer ses leaders pour entamer ce dialogue. Ensuite la branche armée des Djihadistes, peut être que de cette discussion on comprendrait mieux leur motivation pour prendre les armes et leur poids réel dans la société égyptienne. Il se pourrait aussi que ceci n’a rien d’idéologique mais simplement lié à la marginalisation économique de la région du Sinaï de part sa position géographique névralgique au conflit israélo–Palestinien. Il est claire que les médias obéissent à ceux qui les commanditent et El Djazira ne fait pas exception donc elle ment comme mentent les chaînes nationales égyptiennes. Mais les citoyens égyptiens ne sont pas dupes comme le pensent ou le laissent croire certains.

Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

Lire précédente partie : Egypte : ce qui se construit sur du faux, est faux. 1. Où va Al-Sissi ?

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Commentaires (3) | Réagir ?

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gtu gtu

merci pour les informations

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Arthur François

Bonjour Le Matin, je sais que nos commentaires ne vous intéressent pas au point de les diffuser de suite, car en 3 jours, je suis surpris qu'aucun commentaire ne soit affiché. bref pour allonger la liste (...) je dirais " Et si on s'occupait des irrégularités de notre pays, ou même ceux qui commandent sont des faux, ou la corruption est loi, ou tout est mafieux ? laissez les Égyptiens commenter leur responsables qu'ils soient vrais ou faux, occupons nous de nos moutons ".

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