Codifier dans la constitution l’irréversibilité de l’économie de marché

Il n’y a pas de citoyens sans projet social
Il n’y a pas de citoyens sans projet social

Définir avec clarté le futur rôle de l’Etat dans le développement économique et social (entre le tout Etat bureaucratique et l’Etat régulateur ou stratégique) supposant de dépasser le système rentier, impliquant la nécessité d’une transformation de l’Etat providence à l’Etat régulateur, par la formulation d’un nouveau contrat social, renvoyant à la refondation de l’Etat, telle est la problématique centrale occulté par tous les régimes depuis l’indépendance politique. L’économie du XXIème siècle est une économie de plus en plus globalisée.

Aussi, il s’agit de favoriser l’efficacité économique pour une croissance durable reposant sur l’entreprise quelle soit publique ou privée et son fondement le savoir tout en garantissant le principe d’équité. Aussi, doit être codifiée l’option de l’économie de marché concurrentielle à finalité sociale comme option irréversible, afin d’éviter par la suite des débats stériles. Cette présente analyse le compromis des années 2014/2020 qui devra concilier l’impératif d’efficacité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité.

1-. Favoriser un développement innovant au sein d’une économie ouverte

Une économie ouverte, la dure réalité, comme le montre l’actuelle crise mondiale ne signifie pas la fin du rôle de l’Etat régulateur car le marché a besoin d’être encadré. Aussi, la nouvelle politique socio-économique algérienne doit tenir compte de l’adaptation aux mutations mondiales irréversibles. Les négociations futures avec l’organisation mondiale du commerce et les Accords pour une zone de libre échange avec l’Europe applicable depuis le 01 septembre 2005, avec un tarif douanier zéro en 2020, nécessitent des stratégies d’adaptation.. L’Algérie ne dispose pas d’autres alternatives que l’adaptation à la mondialisation dont les espaces euromaghrébins, euro- africains et euro-méditerranéens constituent son espace naturel. Prétendre que la mondialisation aliène le développement du pays et les libertés c’est ignorer une évidence: sans insertion dans l’économie mondiale, l’Algérie serait bien davantage ballottée par les vents des marchés avec le risque d’une marginalisation croissante. C’est que la nouvelle politique économique doit être marquée par l’adaptation à l’universalisation de l’économie de marché, le commerce international n’étant pas un jeu à sommes nulles. L’ouverture peut être douloureuse à court terme car elle impose des changements mais elle est bénéfique à moyen et long terme. Il y a lieu de garantir les grands équilibres macro-économiques par une monnaie stable et approfondir les réformes institutionnelles et micro-économiques qui accusent un retard important au sein d’un monde de plus en plus interdépendant. Notamment la réforme de l’Etat, de la justice, de l’école( la mère des réformes qui conditionne le tout) , de l’économie( surtout le système financier figé, lieu de distribution de la rente et favoriser un véritable marché du foncier ), le tout devant être harmonisé avec de nouveaux systèmes de protection sociale. La compétition dans une économie globale fait que chacun a le monde pour marché et tous les consommateurs pour clients. La traduction d’un monde ordonné autour de la production est largement dépassée. Et l’introduction en lice de l’Inde et surtout de la Chine dans le commerce mondial représente une vraie révolution, caractéristique de l’unification des conditions de production dont la valeur ajoutée augmente mais dont les distances entre la production et la consommation diminuent avec là révolution dans le domaine du transport et des télécommunications. La libéralisation des mouvements de capitaux transgresse les frontières géographiques. Il y a lieu de revoir les concepts erronés de stratégie industrielle et d’imaginer une nouvelle politique de l’entreprise. A l’intérieur des entreprises se mettent en œuvre de nouveaux modes d’organisation éloignés du taylorisme, des grosses sociétés avec leurs lourdeurs bureaucratiques, fondés sur le raccourcissement des chaînes hiérarchiques, sur l’amélioration de la qualification, sur l’implication des personnes, sur la décentralisation interne et la gestion prévisionnelle des compétences. Parallèlement, doit être pensée la mutation nécessaire des services publics marchands. La conception passée sur une superposition forte entre secteur public, entreprise publique, monopole, activité limitée du territoire national doit faire place à l’efficacité de gestion, à la concurrence des services collectifs. Si certaines infrastructures peuvent continuer à être gérées par des monopoles les services de transport, eau, électricité, téléphone vocal doivent être libéralisés. Ainsi la plupart des pays émergents sans compter les pays développés ont des services collectifs caractérisés par de très nombreux acteurs privés et publics, puisque le commerce, l’agriculture et l’industrie sont presque totalement privatisés. Cependant, pour éviter les effets pervers du marché, l’action régulatrice de l’Etat est nécessaire pour assurer la cohésion sociale afin d’éviter qu’une économie qui produit la richesse ne détruise les liens sociaux dans un univers où la plupart des structures d’encadrements, (familles, religion, syndicats) sont faibles, surtout en Algérie où bon nombre d’organisations sont des appendices bureaucratiques sans impacts de mobilisation , monnayant leurs soutiens ponctuels contre une fraction de la rente pétrolière et gazière.

2-. Le devoir d’équité

L’Algérie a vécu et vit toujours sur un modèle égalitaire simple, l’Etat propriétaire gestionnaire régentant l’ensemble de l’activité économique et sociale, réduction des inégalités, développement des prestations sociales pour tous, bien que certains contestent que ce modèle ait été équitable. D’une manière générale, ce compromis est remis en cause avec l’évolution d’une société plus ouverte, plus individualiste exigeant des traitements plus personnalisés, avec comme toile de fond une croissance plus sélective et rendant urgent, de mieux articuler les rôles respectifs et complémentaires de l’Etat et du marché, loin de tout capitalisme sauvage de la main invisible d'Adam Smith qui d'ailleurs n'existe nulle part dans le monde. De ce fait cela remet en cause le traitement statistique global qui correspond de moins en moins à la réalité plus complexe, supposant d’ailleurs une structure indépendante du Gouvernement comme l’atteste actuellement l’effritement du système d’information. La société de marché incitant naturellement à plus d’efforts et de dynamisme et la solidarité dans la compétition implique de cesser d’exclure sous peine de devenir une société de décadence. Ainsi les problèmes doivent être absorbés différemment et cela passe par une réflexion collective sur la justice au sens sociétal. L’universalité de la justice n’existant pas, elle dépend du moment daté et du mouvement historique. Une société dynamique en forte croissance offre des espoirs individuels plus grands en tolérant certaines inégalités qu’une société dont l’économie en stagnation où l’avenir est incertain. Paradoxalement, en dynamique, certaines inégalités à court terme profitent aux plus défavorisés à moyen terme si l’on respecte les droits fondamentaux, bien qu’il faille éviter une domination excessive de l’argent sur la vie sociale. Dans un tel contexte il faut identifier lés inégalités qui doivent être combattues (inefficaces et injustes) et trouver le niveau acceptable d’inégalités nécessaires pour assurer le dynamisme de l’économie. Il ne sera plus question de la simple égalité d’accès à des prestations banalisées mais l’équité par la discrimination positive privilégiant le renforcement des relations professionnelles, la relance des négociations collectives branches par branches grâce à de nouvelles méthodes de travail fondées sur l’innovation continue. Il s’agira de favoriser de nouvelles structures sociales dynamiques pour impulser le changement et impulser celles traditionnelles par définition plus conservatrices. Dans ce cadre de cohésion sociale je recense trois axes directeurs : une politique axée sur une nouvelle politique de l’emploi et des salaires liés à l’éducation ; une nouvelle politique de la protection sociale et enfin une nouvelle politique fiscale qui est au cœur de l’équité. En ce qui concerne l’emploi, la politique passée et actuelle a été de préférer la distribution de revenus (salaires versés sans contreparties productives) à l’emploi, c’est à dire contribuant implicitement à favoriser le chômage dont le taux officiel voile l’importance des emplois rentes. Aussi s’agit-il de modifier les pratiques collectives et réduire les à-coups sur l’emploi en accroissant la flexibilité des revenus et des temps de travail par une formation permanente pour permettre l’adaptation aux nouvelles techniques et organisations. Le rôle primordial pour l’emploi est d’introduire l’initiative économique de tout le monde et les capacités entrepreneuriales caractérisées par les prises de risques industriels et économiques. La solution la plus sure est de s’appuyer sur la qualification, la professionnalité des salariés allant de pair avec la spécialisation de l’économie. L’avenir est dans les gisements importants d’emplois sur les activités de services, des emplois de proximité ce qui impliquera le développement important dans les années à venir des services marchands rendus nécessaires par l’élévation du niveau de qualification.. D’une manière générale il y a urgence d’un système d’éducation évolutif s’adaptant à la nouvelle conjoncture internationale par des réformes depuis le primaire jusqu’au supérieur en passant par la formation professionnelle par une formation permanente afin d’éviter des diplômés chômeurs avec la baisse du niveau, et donc améliorer la qualité. Il est souhaitable une décentralisation de la gestion de l’éducation d’une manière globale afin de faire jouer la concurrence régionale et son adaptation aux besoins de la société, avec quatre (04) grand pôles d’excellence et éviter ce mythe d’une université par wilaya. Le deuxième axe celui d’une nouvelle gestion de la sécurité sociale combinant le système de répartition qui doit être rénovée et en introduisant le système de capitalisation.

Le financement de la protection sociale continue à être assis pour l’essentiel sur les cotisations sociales et absorber les gains de productivité au détriment de l’emploi et des salaires directs. Force est de reconnaître qu’avec la baisse de la salarisation due à l’accroissement du chômage, cela pèse sur le compte de la sécurité sociale. L’ensemble des dépenses de la sécurité sociale ne doit pas croître, en volume, plus vite que la croissance du produit intérieur brut (PIB). Cette rationalisation des dépenses ne saurait signifier restriction aveugle afin de permettre de couvrir les besoins des plus démunis, supposant des enquêtes ciblées sur le terrain. Enfin dernier axe une nouvelle politique fiscale le système des impôts car le système d’impôt est au cœur même de l’équité. Mais l’impôt pouvant tuer l’impôt car il modifie l’allocation des ressources réalisée notamment l’offre de capital et de travail ainsi que la demande de biens et services. Un système fiscal efficace doit trouver le moyen de prélever des recettes en perturbant le moins possible les mécanismes qui conduisent à l’optimum économique et s’articuler autour des prélèvements faiblement progressifs sur des assiettes larges, ce qui n’altérerait pas nécessairement leur caractère redistributif. C’est que la généralisation de l’impôt indirect, injuste par définition, est une solution de facilité et que le niveau de l’impôt direct dans une société mesure le degré d’adhésion de la population.

En résumé, il n’y a pas de citoyens sans projet social et il n’y a pas de projet économique durable qui ne soit pas lié à un projet social. Il s’agit de restaurer à l’Etat sa vocation naturelle, le soumettre au principe d’efficacité conçu selon une démarche démocratique, la puissance publique dépendant trop des corporations rentières ce qui conduit à un éparpillement et un accroissement des dépenses de l’Etat qui ne sont pas proportionnelles à leur efficacité. D’où l’urgence du renouveau du service public et l’optimalisation de l’effet de la dépense publique en introduisant plus de rigueur budgétaire , lutter contre la bureaucratie étouffante et permettre aux initiatives privées et collectives de s'épanouir, devant dépasser cette mentalité culturelle de la diabolisation du secteur privé par les tenants de la rente. Le pouvoir bureaucratique sclérosant a trois conséquences nuisibles au développement en Algérie : 1ère conséquence une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays ; 2ème conséquence, l’élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique ; 3ème conséquence : la bureaucratie bâtit au nom de l’Etat des plans dont l’efficacité sinon l’imagination se révèle bien faible.

En réalité, il ya urgence d’avoir une vision stratégique devant s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire, l’entrave principale au développement d’une bonne gouvernance en Algérie, provient de l’entropie et le défi majeur, est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour contrôler et réduire cette entropie à un niveau acceptable.. 

Pr Abderrahmane Mebtoul

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Professeur Mebtoul,

Avec vos analyses vous faites penser à l'orchestre du Titanic jouant pendant que le bateau sombre.

Il faut peut-être penser à sauver le paquebot Algérie avant de montrer à ces passagers comment s'organiser pour vivre dans la prospérité.

En fait il parait qu'à son époque le Titanic était le sommet du luxe et du raffinement. Les passagers de la 1ère classe étaient de la bourgeoisie la plus riche. Ils vivaient en harmonie avec les passagers de la 2éme et de la 3éme classe. Il y'a avait à manger et à boire pour l'ensemble des passagers pour le mois que durait la traversée.

En somme aucun problème économique à l'horizon.

Juste un iceberg qui a fissuré la coque sur sa longueur. Un vieux commandant et son équipage considérant cette fissure inoffensive, eux qui étaient sur un bateau insubmersible. On connait tous la suite…

A quoi sert de codifier quoi que ce soit dans une constitution si elle n’est pas respectée par les tenants du pouvoir et n’est pas reconnue et défendue par le peuple autant qu’une émanation de sa volonté ?

Permettons-nous de rêver un instant pour le bien de l’Algérie. Imaginons que vous êtes à la place de Bouteflika aujourd’hui. Pensez-vous que vous serez capable d’applique ne serait-ce qu’une partie de ces belles recommandations pleines de bon sens dans le cadre actuel que sont, la nation algérienne, son état, son peuple, son armée etc… ?

Faites nous plutôt une analyse sur les prés-requis nécessaires pour appliquer avec efficacité les recommandations que vous publiez dans cette analyse et dans les analyses antérieures?

Aller voter peut-être ?

Salutations.