Inscrire la régionalisation économique dans la Constitution

Décentraliser les administration permettrait de décongestionner Alger et rapprochera les services des citoyens..
Décentraliser les administration permettrait de décongestionner Alger et rapprochera les services des citoyens..

Une centralisation à outrance, organisation jacobine, favorise un mode opératoire de gestion autoritaire des affaires publiques, la bureaucratisation et une efficacité mitigée de la dépense publique. L’objet de cette contribution est de poser la problématique de la régionalisation économique, signe d’une plus grande participation citoyenne, inséparable de la bonne gouvernance et de l’efficacité des institutions.

1.- Je considère que la régionalisation économique renforce le rôle de l’Etat régulateur, l’efficience économique et contribue grâce à la concertation permanente, à l’unité nationale par la cohésion sociale. Sous réserves d’objectifs précis, impliquant une nouvelle orientation de la politique socioéconomique actuelle dont les impacts sont mitigés, misant plus sur l’unique dépense monétaire via la rente des hydrocarbures, dépenser sans se soucier des impacts à terme, il faut impérativement procéder à une autre organisation institutionnelle. Il s’agit d’opérer un nécessaire changement qui passe par une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités administratives, financières, techniques et économiques. Cette organisation institutionnelle implique d’avoir une autre vision du rôle des collectivités locales. Cela suppose une autre organisation locale, les directions de wilayas étant budgétivores devant être regroupées en adéquation avec ceux des ministères, l’objectif étant de rationaliser la dépense publique en optimalisant le service public grâce à la rationalisation des choix budgétaires. Au moment où dans la majorité des pays, la rationalisation des choix budgétaires se généralise, l’Algérie continue à créer des emplois rentes- administratifs. Dès lors de la réduction de la dépense publique, je préconise la création de circonscriptions administratives intermédiaires dénommées circonscription administrative régionale avec à sa tête des superpréfets dotés de très larges prérogatives( Ouest- Est-Centre – Sud Est- Sud –Ouest- avec des walis techniciens sous ses ordres au niveau de l’espace économique régional, à ne pas confondre avec l’espace géographique ou juridique, devant aboutir pour plus d’efficience à un e complémentarité régionale. Si pour les grands dossiers et projets stratégiques cela relèverait toujours de l’autorité centrale, cette entité, en tant que régulateur régional, favoriserait la mise en œuvre d’affaires spécifiques à la région. Elle coordonnerait l’activité des administrations et services publics à compétences régionales, notamment les grands services publics, les services extérieurs, relevant des administrations centrales, loin de la conception volontariste étatiste centralisée actuelle. Il ne s’agira pas d’opposer le rural à l’urbain, les métropoles aux provinces, les grandes villes aux petites, mais d’organiser leurs solidarités. Pour cela, il s’agira de favoriser une armature aubaine souple à travers les réseaux, la fluidité des échanges, la circulation des hommes et des biens, les infrastructures et les réseaux de communication. Cela implique une nouvelle architecture des villes, évitant ces constructions anarchiques sans âme et donc des sous-systèmes de réseaux mieux articulés, plus interdépendants bien que autonomes dans leurs décisions. Elle devra forcément se situer dans le cadre d’une stratégie plus globale incluant la protection de l’environnement, souple dans son organisation, dont le rôle essentiel est la prospective du territoire Cette vision permettrait d’éviter l’hégémonie des grandes agglomérations en évitant que plus de 95% de la population vive sur moins de 10% du territoire et favoriserait un socle productif sur plus d’individus et davantage d’espace. L’aménagement du territoire ne peut être conçu d’une manière autoritaire, interventionniste, conception du passé, mais doit être basé sur la concertation et la participation effective de tous les acteurs sociaux et économiques au sein de grands éco-poles régionaux. Elle doit dépasser cette vision distributive à l’image des programmes spéciaux de wilayas mais doit concourir à optimaliser la fonction du bien-être collectif. De ce fait, je pense que l’aménagement du territoire plaçant l’homme pensant et créateur au cœur du développent doit réaliser un triple objectif : premièrement, une société plus équilibrée et plus solidaire ; deuxièmement contribuer à a la débureaucratisation , grâce aux nouvelles technologies, bureaucratie qui paralyse tant l’activité économique que le service public rendu aux citoyens ; troisièmement favoriser la croissance au service de l’emploi et mettre l’Algérie au cœur du développement du Maghreb et plus globalement de la Méditerranée et de l’Afrique son espace social naturel, en favorisant un développement multidimensionnel. L’efficacité de ces mesures d’aménagement du territoire implique la refonte des finances locales et des taxes parafiscales sans laquelle la politique d’aménagement du territoire aurait une portée limitée devant s’appuyer sur le système de péréquation entre les régions pauvres et riches. Dans ce cadre, une réorganisation du pouvoir local dont la base est la commune, pour une société plus participative et citoyenne s’impose, réorganisation qui sera fonction de la revalorisation de la ressource humaine, renvoyant à l’urgence de la révision du statut de la Fonction publique. Après la «commune providence» du tout-Etat, l’heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l’ingénierie territoriale. C’est à la commune que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l’accueil des entreprises et de l’investissement. La wilaya et la commune doivent passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales entreprises et citoyennes responsables du développement et du marketing de leur territoire. Cela implique à la fois de la compétence mais également être à l’écoute des préoccupations des citoyens.

2.- La structure qui me semble la plus appropriée pour créer ce dynamisme, est la mise en place des Chambres de commerce régionales, qui regrouperaient l’Etat, les entreprises publiques et privées, les banques, les centres de formation professionnelle, et les universités et centres de recherche. L’action des chambres de commerce, lieu de concertation mais surtout d’impulsion pour la concrétisation de projets serait quadruple : premièrement, dynamiser les infrastructures de base et préparer des sites confiés à des agences de promotion immobilières publiques et privées ; deuxièmement, mettre à la disposition des sociétés une main-d’œuvre qualifiée grâce à un système de formation performant et évolutive allant des ingénieurs, aux gestionnaires, aux techniciens spécialisés, et ce, grâce aux pôles universitaires régionaux. L’on devrait s’orienter vers une concurrence entre les universités pour le classement, à un regroupement des centaines de centres de recherche éparpillées entre différentes universités sans coordination réelle aboutissant à un gaspillage tant financier que des énergies où la tendance est de fonctionnariser l’université, avec ce mythe d’une université par wilayas. Combien de laboratoires ont fait des découvertes innovantes et combien sont reliés aux réseaux internationaux car l’important n’est pas le nombre ? Tout cela renvoie globalement à la reforme de l’école où le niveau s’est nettement dégradé jouant sur la quantité au lieu de la qualité et à la symbiose université environnement économique et social. A titre illustratif, la chambre de commerce offrirait un poste pour 10 candidats en formation, les 90% non retenus ne constituant pas une perte pour la région. L’apprentissage en dynamique est un capital humain pour de futures sociétés qui s’installeraient dans la région, une société installée payant des impôts qui couvriront largement les avances en capital de la formation avancée. Cette formation devra être adaptée pour tenir compte de la norme qualité standard, le label qualité étant exigé pour tout exportateur (y compris le Maghreb) en direction de la CEE, des USA ou de l’Asie. Ainsi, nous assisterons à une symbiose entre l’université et les entreprises. Car les sociétés ont besoin de l’accès aux chercheurs, aux laboratoires pour les tests d’expérimentation et l’université a besoin des sociétés comme support financier et surtout d’améliorer la recherche. Les étudiants vivent ainsi la dialectique entre la théorie et la pratique; la troisième action est de favoriser des entreprises souples, reposant sur la mobilité et les initiatives individuelles ; la quatrième action, à travers cette structure régionale animée par la chambre de commerce, lieu de concertation et de dialogue, intensifier les courants d’échange à travers différentes expériences entre les régions du pays et l’extérieur et l’élaboration de tableaux prospectifs régionaux à l’horizon 2015/2020. La mise à la disposition des futurs investisseurs de toutes les commodités nécessaires ainsi que de prestations de services divers (réseau commercial, loisirs) est fondamentale. Cette symbiose entre ces structures et certains segments de la société civile doit aboutir à des analyses de prospectives et à un tableau de bord d’orientation des futures activités de la région.

3.- Parallèlement pour une meilleure efficacité gouvernementale, une nouvelle organisations autour de grands ministères politiques avec des secrétariats d’Etat techniques, un grand ministère de l’éducation nationale, un grand ministère de l’économie et non créer une multitude de ministères qui télescopent dans leurs prérogatives sans cohérence pour satisfaire des appétits individuels, ces axes directeurs devraient s’inscrire dans le cadre de la régionalisation économique que beaucoup confondent avec le régionalisme, source d’intolérance et du centralisme bureaucratique. Au contraire et l’expérience des USA est là pour le démontrer, les Etats Unis d’Amérique, de l’Espagne, l’Italie, la Chine, ou de l’Allemagne à travers les Länder , des petits pays comme la Belgique et les cantons suisses (la France allant récemment dans ce sens entre 20147/2016) , la régionalisation économique renforce le rôle de l’Etat régulateur, renforce l’efficience économique et contribue à l’unité nationale par la cohésion sociale régionale. Certes, la notion de région est elle-même extrêmement variable. La régionalisation pouvant se réaliser au sein du pays ou bien par le regroupement d’un ensemble d’Etats dans une zone géographique particulière ou sur la base d’intérêts ressentis comme communs, ce que les économistes qualifient d’intégration régionale : exemple, la communauté économique européenne. Aussi, la régionalisation peut prendre des formes très différentes selon les pays, allant de la décentralisation au quasi-fédéralisme. Pour le cas algérien, je définis la régionalisation comme un mode d’organisation de l’Etat, qui confère à la région un rôle et un statut économique et politique propre, caractérisé par une autonomie relative mais non indépendante de l’Etat central pour les grandes orientations stratégiques tant politiques qu’économiques, cette autonomie étant donc encadrée par l’autorité nationale. Toute régionalisation appelle les questions fondamentales suivantes : compétences des régions ; règles de composition et de fonctionnement des assemblées et exécutifs régionaux ; ressources des régions ; relations avec le pouvoir central ; modalités de transfert aux pouvoirs régionaux et enfin concertation entre régions. D’une manière plus générale, la mise en place de la régionalisation doit avoir pour conséquence un meilleur gouvernement réel ressenti comme tel par la population, l’argument de base résidant dans la proximité géographique. Cela signifie qu’il existe une solution locale aux problèmes locaux et que celle-ci est nécessairement meilleure qu’une solution nationale. Selon les théories régionalistes, la diversité des situations locales impose une diversité de solutions pour s’adapter aux conditions locales spécifiques. La régionalisation économique couplée avec une réelle décentralisation supposant une clarté dans l’orientation de la politique socioéconomique, évitant des tensions et conflits entre le pouvoir local et central et des concurrences entre le centre et la périphérie, permettrait un nouveau cadre de pouvoir avec des nouveaux acteurs, de nouvelles règles et de nouveaux enjeux avec des nouvelles stratégies élaborées. Elle devrait favoriser un nouveau contrat social national afin d’optimaliser l’effet de la dépense publique et rendre moins coûteux et plus flexible le service public. La création d’un nouvel espace public générerait une nouvelle opinion publique, voire une nouvelle société civile. Le débat permet l’émergence de thématiques communes, des modes de proposition communs et donc déterminerait des choix collectifs optimaux. Une centralisation à outrance, favorise un mode opératoire de gestion autoritaire des affaires publiques, une gouvernance par décrets, c’est-à-dire une gouvernance qui s’impose par la force et l’autorité loin des besoins réels des populations et produit le blocage de la société. Les expériences historiques montrent clairement que si la centralisation a été nécessaire dans une première phase, elle a atteint vite ses limites et que ce sont les pays qui ont développé des décentralisations réelles et non des déconcentrations, synchronisant gouvernance centrale et locale, qui ont le mieux réussi leur développement.

En résumé, pour une efficacité réelle, la révision constitutionnelle doit s’attaquer à l’essentiel à savoir le blocage systémique à savoir la refonte de l’Etat, c’est-à-dire à d’autres aspects que le juridisme, les pratiques sociales pouvant contredisant souvent des textes si louables soient-ils. Elle doit prendre en considération le couple contradictoire, préservation de la rente/approfondissement des réformes à travers des stratégies divergentes des différents acteurs politiques, économiques et sociaux tant internes qu’externes. Sous réserve d’objectifs stratégiques politiques, sociaux et économiques précis, réalisables et datés dans le temps, il devient impérieux pour l’Algérie de penser un autre mode de gestion et une nouvelle organisation s’inscrivant dans le cadre de la régionalisation économique devant être inscrite dans la nouvelle constitution. Les tensions pas seulement dans le Sud mais dans bon nombre de wilayas ne doivent pas être prises à la légère par des replâtrages sans vision stratégique car, on ne crée pas des emplois par décrets, sinon le problème ne se poserait pas, le taux d’emploi dépendant avant tout de la dynamisation de la sphère économique, de l’entreprise, de son soubassement le savoir, et ce, dans le cadre des valeurs internationales. En fait, la pleine réussite de l’entreprise économique implique de poser le nouveau rôle de l’Etat et son articulation avec le marché dans la future stratégie économique inséparable des nouvelles mutations mondiales : en fait cela implique un Etat de droit et la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle.

Abderrahmane Mebtoul, professeur des Universités, expert international en management stratégique

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Commentaires (7) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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mohand tawdect

La régionalisation économique ne suffit point à remettre sur rail un pays anéanti par la secte des pillards professionnels. Ce qu'il faut est une fédération d'Etats où les individus se reconnaîtront dans leurs Etats respectifs :Etats de la rationalité et du labeur performant, Etats de la dévotion et de la paresse endémique, Etats de la roublardise et des pillages invétérés. Il est bien entendu que les constitutions doivent impérativement prévenir les interférences idéologiques qui pourraient favoriser un retour à la porte du précipice.

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