Le Liban pourrait se retrouver sans président

Samir Geagea, virulent opposant au régime syrien et au Hezbollah, veut remplacer Michel Souleiman.
Samir Geagea, virulent opposant au régime syrien et au Hezbollah, veut remplacer Michel Souleiman.

L'absence de consensus, entre Libanais mais aussi entre leurs parrains régionaux, laisse présager un vide présidentiel au-delà du 25 mai. Explications.

Le Liban risque de se retrouver sans président de la République et l'absence de consensus entre camps rivaux devrait même empêcher le Parlement de se réunir mercredi pour choisir un nouveau chef de l'État. Face à Samir Geagea, virulent opposant au régime syrien et au Hezbollah, se dresse Michel Aoun, soutenu par le parti chiite même s'il ne s'est pas déclaré officiellement. Les deux hommes sont ennemis depuis la guerre civile qui a ravagé le Liban entre 1975 et 1990. Le mandat de l'actuel président Michel Sleimane expire le 25 mai et le Parlement a jusqu'à cette date pour élire son successeur. S'il n'y parvient pas, le gouvernement sera chargé de tous les pouvoirs exécutifs, un scénario que le Liban a déjà connu en 1988 et en 2007.

Dans ce frêle pays, le choix du président a quasiment toujours été dicté par les puissances étrangères, et en particulier par la Syrie, puissance tutélaire durant trente ans. En dépit du retrait de ses troupes du Liban en 2005 et du conflit qui ravage son pays depuis trois ans, le régime de Damas a toujours son mot à dire à travers ses alliés, au premier rang desquels le Hezbollah, qui combat les rebelles à ses côtés. L'arsenal de ce parti et son implication dans la guerre syrienne sont les principales pommes de discorde entre le camp appuyé par Damas et Téhéran d'une part et celui soutenu par les États-Unis et l'Arabie saoudite de l'autre.

Selon des experts, l'absence de consensus, aussi bien entre Libanais qu'entre leurs parrains régionaux, laisse présager un vide présidentiel au-delà du 25 mai. "Je pense que nous n'aurons pas de président d'ici la fin de la période constitutionnelle du 25 mai (...), car le camp du Hezbollah ne peut pas accepter Geagea et le camp du14 mars (anti-Hezbollah) ne peut pas accepter Aoun", affirme à l'AFP Hilal Khashan, professeur de sciences politiques à l'université américaine de Beyrouth. En outre, les Saoudiens et les Iraniens "ne semblent pas pressés de trouver un accord" sur un candidat, estime-t-il.

Dans ce pays multiconfessionnel où la parité est de rigueur entre chrétiens et musulmans au Parlement, le président est par tradition un chrétien maronite, cas unique dans le monde arabe. Mais il n'a plus de réel pouvoir. De ce fait, selon Hilal Khashan, la présidentielle libanaise n'est pas "un dossier brûlant" pour Riyad et Téhéran, déjà opposés sur le conflit syrien, sur le Yémen et sur le dossier nucléaire iranien.

Pas de quorum

Mercredi, pour la deuxième séance consacrée à l'élection, le Parlement ne devrait pas réunir le quorum des deux tiers. Pour être élu, un candidat doit obtenir les deux tiers des voix au premier tour, ou la majorité simple au tour suivant. Les députés du camp du Hezbollah "vont se rendre au Parlement mais n'entreront pas dans la salle, pour empêcher que le quorum soit atteint", a affirmé un chef politique influent, sous le couvert de l'anonymat. "De ce fait, il n'y aura pas d'élection mercredi."

Lors du premier tour le 23 avril, la guerre civile s'était invitée à la séance : des députés adversaires de Samir Geagea avaient inscrit sur leur bulletin de vote les noms de personnalités dont l'assassinat pendant le conflit lui est imputé. Seul seigneur de guerre à avoir été jugé - condamné à mort puis finalement gracié en 2005 -, le principal intéressé s'est défendu en affirmant qu'il s'était excusé de ses "erreurs" passées. En face de lui, Michel Aoun, ex-chef de l'armée pendant la guerre, a combattu les Forces libanaises de Samir Geagea et a lancé une "guerre de libération" contre le régime syrien, avant d'être contraint à l'exil en France. Il est rentré au Liban en 2005, mais sa politique a radicalement changé : il s'est allié au Hezbollah qu'il critiquait jadis et s'est rapproché du régime syrien.

Mais tout comme ils avaient perdu la guerre, les deux hommes vont très probablement perdre cette bataille électorale. Selon Hilal Khashan, "les Saoudiens et les Iraniens parviendront éventuellement à un accord régional" et donc à un accord sur un candidat. "Mais cela prendra du temps", conclut-il.

AFP

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