« La démocratie est-elle concevable dans le monde musulman ? » 4. L'exemple séoudien

« La démocratie est-elle concevable dans le monde musulman ? » 4. L'exemple séoudien
En 2005, le régime saoudien avait organisé des élections municipales. Les journalistes du monde entier ont pu assister à cette première, qualifiée de "fiançailles démocratiques". Où en est aujourd'hui le couple monarchie/légitimité populaire ?

lire nos trois précédentes parties :1. le débat : La démocratie est-elle concevable dans le monde musulman ? 2. Monde arabe : La laïcité, une nécessité absolue 3. 3. Pourquoi il faut envier les Israéliens

On reparle des conseils municipaux en Arabie Saoudite depuis que, la semaine dernière, "Sa Majesté, le prince Mutib Ben Abdelaziz, ministre des Affaires locales, a décrété le renforcement de leurs compétences et a réaffirmé le principe de transparence et d'efficacité", comme l'annonce pompeusement mais sans autre précision le quotidien quasi officiel du régime Al-Riyadh. Et tout est dit : dans la pétromonarchie, la démocratisation est le fait du prince. Tout est dit ou presque. Car il y ceux qui croient en l'effet boule de neige et considèrent qu'à partir du moment où l'on donne la parole aux électeurs ceux-ci ne s'en laissent plus déposséder et qu'une fois une instance élue celle-ci s'appuie sur sa légitimité populaire pour s'imposer.

En réalité, seulement la moitié des conseillers municipaux a été élue, l'autre étant nommée par le régime. Et, après les élections, il a fallu attendre de longs mois avant qu'un décret définisse les compétences de ces conseils, au demeurant maigres. Tout cela fait que cette réforme avait rencontré un certain scepticisme et que seul un petit tiers des Saoudiens en âge de voter s'étaient inscrits sur les listes électorales. Il n'empêche que le vote avait probablement exprimé l'humeur générale de la population : peu politisée et très majoritairement acquise aux islamistes, mais non aux djihadistes.

Qu'en est-il donc aujourd'hui ? "Le sentiment général est la déception", tranche Okaz, quotidien de Djedda. "Le récent décret ne changera rien au fait que les élus n'ont pas assez d'impact pour produire des changements perceptibles. Les élus eux-mêmes disent que les choses ont été faites de telle manière que les conseils municipaux n'aient pas de marges de manœuvre. Les budgets ne sont pas véritablement exécutés mais se perdent dans les méandres de la bureaucratie et les maires [hauts fonctionnaires nommés par le gouvernement] ne comprennent pas l'intérêt qu'il y aurait à chercher la complémentarité plutôt que l'affrontement. A moins de permettre aux élus de jouer leur rôle, cette déception se traduira par un signal sévère aux prochaines élections, à savoir par l'abstention."

Al-Watan, le quotidien le plus progressiste du pays, fait le même constat : "Nos municipalités souffrent de leur fonctionnement bicéphale : un conseil d'hommes libres face à un exécutif de fonctionnaires gouvernementaux. Ces fonctionnaires, grâce à leur longue expérience, savent filtrer les informations et cacher ce qu'ils veulent aux élus. Deux ans après, la lune de miel est terminée. Les élus ont compris qu'ils ne disposent pas du moindre moyen légal de réaliser ce pourquoi ils ont été élus. Ils n'ont pas leur mot à dire sur le budget des investissements. Or, sans cela, ce n'est pas la peine d'avoir créé ces Conseils."

Et de rappeler : "Lors de la campagne électorale, on avait promis de l'asphalte, des trottoirs et des lampadaires, des canalisations et des parcs… De ces promesses, rien n'a été fait. Tout ce que les élus peuvent faire est de débattre des services municipaux, comme le ramassage des ordures." Cela dit, le même article fait part d'élus qui ne comptent pas rendre les armes : "[En début d'année], les conseils municipaux de Djedda ont fait part de leurs réserves concernant le rapport financier annuel du maire et ont posé des questions sur plusieurs points. A Abha [ville située au sud-ouest du pays], les conseillers ont mis le doigt sur certaines opérations financières et, à Khamis Muchayt [à l'est d'Abha], ils ont refusé de voter le rapport."

De même, le quotidien Al-Riyadh rapporte que trois élus municipaux de la ville de Ha'il [oasis dans le nord] ont démissionné en signe de protestation contre l'absence de moyens légaux à leur disposition. Ailleurs, des élus profitent de leur statut pour remplir un rôle tribunitien. Al-Hayat, dans son édition saoudienne, rapporte par exemple le cas de "Madi Al-Hajeri, l'un des quatorze conseillers municipaux de l'agglomération de Dammam [ville située à l'est]. C'est la deuxième fois qu'il a provoqué un éclat. En pleine réunion du maire, en présence de 150 électeurs, il lui a reproché de n'avoir organisé que trois réunions publiques, alors que la ville de Médine en avait organisées douze. De même, il l'a accusé de ne pas être à la hauteur des espoirs et il a demandé aux autres élus de réfléchir à un changement de stratégie afin de répondre aux demandes des électeurs, en cherchant à rester en contact avec la population et avec les acteurs économiques."

Pour ce qui est de la population, les pages locales de la presse saoudienne abondent d'interventions d'électeurs déçus dans un grand nombre de villes. Ainsi, dans Al-Riyadh, on apprend que des électeurs ont assisté à une séance du conseil à Khobar [située à l'est] pour "exprimer leur déception après les rêves suscités par la belle opération électorale" et pour "demander l'application effective du règlement qui enjoint les conseils municipaux de contrôler la bonne application de la politique municipale".

Bref, il y a donc bien des élus qui ont développé des velléités et des électeurs qui ont développé des attentes. Reste à savoir comment les choses évolueront et si la théorie de la boule de neige démocratique s'avérera juste. Force est de constater que la tonalité de certains éditoriaux va dans un sens tout à fait contraire. Loin de demander davantage de démocratie, ils souhaitent qu'on passe outre les instances locales, qu'on renforce le pouvoir central et qu'on fasse confiance aux technocrates. L'article d'Okaz que nous avons cité suggère ainsi aux élus de "faire remonter leurs observations au ministère de tutelle pour que celui-ci prenne les mesures nécessaires là où les maires s'avèrent incompétents".

De même, pour contrôler le budget et combattre la corruption endémique, l'article d'Al-Watan quant à lui propose non pas l'extension du contrôle démocratique, mais la création d'une "commission privée de spécialistes indépendants". Le régime pourrait donc bien chercher à reprendre d'une main ce qu'il avait concédé de l'autre. Et ce d'autant plus que la hausse du prix du pétrole lui permet à nouveau de redistribuer la rente, que la menace de l'opposition djihadiste semble sous contrôle et que Washington ne fait plus pression pour réaliser le "Grand Moyen-Orient démocratique".

Rendez-vous donc en 2009, à l'occasion des prochaines élections municipales. On peut d'ores et déjà parier que le régime ne sentira plus le besoin d'inviter les journalistes du monde entier. Reste à voir si les électeurs se déplaceront.

Philippe Mischkowsky

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Commentaires (3) | Réagir ?

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vtyf

contrsalut bon je suis tout a fait avec l avis qui avait dis que democratie et religion sont pas compatible pour la simple raison que la religion rentre ds le domaine privée par contre la democratie est tout a fait le contraire. je dirai meme que l un est e l autre.. mais cependant j ajouterai a ça que la démocratie rentre ds le monde objectif et la religion rentre ds le monde subjectif. voila tout. n est ce pas?

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trakata

salut!

voila sans meme prendre la peine de lire cet article pour dire que la democratie et la religion sont deux choses differentes. elle sont comme deux ligne parallalelles. elles ne se rencontreront jamais.

religion est domaine prive la democratie est tout a fait le contraire c est aussi evident non?

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